Comme dans ces précédentes œuvres, l’ingénieur géophysicien, Djamel Mati, abolit toutes les limites qui s’opposent à l’imagination humaine. Son écriture fait fi de l’espace et du temps pour permettre à Lucy, l’australopithèque africaine et à un descendant de Darwin, embarqué dans la belle aventure des années soixante-dix, de se rencontrer en Afar, au bord d’un lac éthiopien de la préhistoire. En organisant ce fabuleux rendez-vous, l’auteur donne à l’humanité égarée une nouvelle chance de sauver Gaïa, la planète terre, saccagée par la vanité des hommes.
Dépaysement total. La plume foisonnante de Djamel Mati offre de grands moments de jubilation au lecteur qui vogue allègrement à travers les milliards d’années, âge du système solaire. Avant d’être cette primate à laquelle une volonté supérieure ordonne d’être bipède, avant de fouiller l’avenir lointain de la planète, Lucy prend, sous la plume de Djamel Mati, toutes les formes de la vie qui commence sur terre. «Quelque chose bouge, en extension, à l’intérieur d’elle-même, quelque chose vit. Lucy ressent les premières traces de vie dans des océans amniotiques. De microscopiques corps mous grandissent en se complexifiant et en s’organisant. (…) Lucy est maintenant amphibien, crustacé, poisson cuirassé, puis reptile, elle est tout cela en un temps élastique et comprimé. Lucy se meut sans contrainte dans une métamorphose qu’elle ne peut comprendre ni contrôler. (…) L’imagination se répand sur des décors de plus en plus changeants, se mue en créatures de plus en plus complexes et diversifiées. Lucy est minérale, végétale, animale.» Puis «Lève-toi et marche !» Un ordre irrésistible lui est donnée par une puissance supérieure. Après avoir remonté le cours du temps grâce au vaisseau Lucy, Djamel Mati se propulse dans le terrible futur d’une planète ruinée par ceux qui, chercheurs scientifiques ou puissances ecclésiastiques, ont créé chez l’homme un anthropocentrisme destructeur. Consciente de cet avenir désastreux qui ne peut mener qu’à la fin du monde, Lucy est investie de la mission de sauver Gaïa en transmettant le message à un arrière petit-fils du fameux scientifique Darwin. S’introduisant dans les rêves de Charles et grâce aux acouphènes dont il est affligé, Lucy lui transmet l’urgence qu’il y a à agir. C’est sur l’écran de sa télé que le jeune étudiant qui se shoote au LSD comme souvent ceux de sa génération, découvre avec horreur l’avenir de la planète. Grâce à ce guide simien et déjà tellement humain, il apprend également des secrets que l’église préfère taire plutôt que de remettre en question son pouvoir. Bientôt, le jeune homme est localisé par des puissances occultes qui essayent de l’assassiner avant qu’une autre humanité ne soit conçue par lui et Lucy dans une de ses formes les plus évoluées, par lui et Suly, sa petite amie du campus de l’université anglaise de Shrewsbury. Cette double possibilité de sauver la planète semble cependant vouée à l’échec. C’est en Afar, la patrie éthiopienne de Lucy, que leurs rencontres ont lieu dans un autre segment du temps. Au bord d’un lac merveilleux et dans un paysage paradisiaque, Charles et Lucy finissent par engendrer un nouvel être. Dans le présent des seventies, c’est avec Suly, une forme contemporaine de Lucy, que le même heureux évènement se prépare. Mais après avoir fait rêver le lecteur et l’avoir soumis à un suspense haletant, l’auteur semble changer d’avis et éliminer toutes les chances de rachat humain. Ecrit avec un rythme rebondissant et un humour explosif, ce roman ponctué d’œuvres musicales des seventies, propose une réflexion philosophique sur toutes les questions humaines. La foi, la religion, la science, l’histoire, l’avenir écologique, tout est abordé à travers la démarche d’une imagination débridée. Ainsi, les trois initiales de la célèbre drogue des années soixante-dix, sont revisitées tout au long de l’ouvrage et recombinées de multiples manières. Djamel Mati est l’un des écrivains les plus créatifs de son temps. Ingénieur en chef en géophysique, il vit et travaille à Alger. Il a déjà écrit «Le bug de l’an 2000 ou la première problématique du troisième millénaire» en 1999. «Sibirkafi.com ou les élucubrations d’un esprit tourmenté» en 2003, «Fada ! Fatras de maux» en 2004, «Aigre-doux» en 2005. Son avant-dernier roman, intitulé «On dirait le Sud», publié en 2007 et présenté dans nos colonnes, annonçait déjà les problématiques abordées par «LSD».