Le Midi Libre - Culture - Un préjugé colonial
Logo midi libre
Edition du 15 Novembre 2017



Le Mi-Dit

Caricature Sidou


Archives Archives

Contactez-nous Contacts




Absence d’écriture dans la société amazighe
Un préjugé colonial
15 Novembre 2017

Dire que la société amazighe avait une tradition strictement orale et ne disposait pas d’écriture est "un préjugé véhiculé par le colonialisme français", a souligné, dimanche à Tizi-Ouzou, l’universitaire Mohand Akli Hadibi.

Ce sociologue et maître de conférences à l’université Mouloud- Mammeri, qui participait à un colloque international sur "les savoirs et renouvellement des connaissances socio-anthropologiques et historiques sur le Maghreb", organisé par cette même université, a estimé qu’il y a lieu de "reconsidérer cette idée reçue quant à l’inexistence de l’écriture dans la société amazighe". Dans sa communication intitulée "Les implications épistémologiques de la présence/absence du fait de l’écriture dans l’anthropologie des sociétés amazighes", M. Hadibi a souligné qu’il y avait un savoir écrit transmis par des institutions locales que le colonialisme français, et avant eux les colonisateurs qui se sont succédé en Afrique du Nord, se sont appliqués à effacer.

Citant entre autres régions d’Algérie ayant été victimes de cette destruction du savoir écrit local, le cas de la Kabylie, le conférencier a observé que cette dernière, qui disposait "d’une assise de savoir traditionnel, a subi une violence physique qui s’est traduite par la destruction des bibliothèques qui y existaient ce qui a entraîné l’abolition de l’arsenal qui permettait de produire, de reproduire,de transmettre et de préserver lessavoirs écrits".Les zaouïas qui étaient parmi les institutionsdétentrices de ce savoir écrit etqui étaient à la tête de plusieurs mouvements d’insurrection contre le colonialismefrançais étaient la cible de ce dernier qui les a détruites, a rappeléM. Hadibi tout en observant que la déstructuration des Habous, qui permettaient la préservation et le maintien dans le temps de tout ce savoir écrit, répondait à cette visée coloniale.


"Cette destruction a été accentuée par un travail de dévalorisation des productionsmanuscrites qui existaient enles plaçant, notamment, dans le strict champ religieux, évitant de parler desautres disciplines y compris scientifiques(mathématiques, médecine,juridiques) qui étaient enseignées parle système local", a-t-il relevé.Le but étant d’effacer toute trace de civilisation et du système local detransmission de savoir par le démantèlementdes supports qui permettaient une assise de l’élite locale pourlui substituer son propre systèmed’enseignement, a-t-il indiqué.

"Si l’idée de l’oralité a fini par s’imposercomme évidence dans le champdes études amazighes, quelques exemplesfont, toutefois, apparaître la présence importante de pratiquesscripturaires", a relevé ce sociologuequi a choisi de citer un seul cas parmitant d’autres, la Bibliothèque ducheikh El Mouhoub Oulahbib.La bibliothèque de cet éminent savantdu XIXe siècle, né en 1822 à BeniOuartilane et grand collectionneurd’ouvrages, était riche de plus de1.000 manuscrits qui ont failli disparaîtredurant la période colonialelorsque l’armée française l’aincendiée en 1957.

"Des manuscritsont pu être sauvés grâce à une femme,Zhira, la bru du cheikh, qui a transporté sur son dos tout ce qu’elle a pu arracher aux flammes." Un total de 642 ouvrages traitant de l’astronomie, de la logique, de la littératureet de la poésie, des mathématiques,de l’agriculture, de la linguistique,mais aussi des actes notariés,des documents imprimés dont des bulletins de vote de l’époque et desmanuscrits écrits en tamazight, et dontcertains remontent au XVIe siècle ontpu ainsi être sauvés pout témoigneraujourd’hui de l’existence d’un savoirécrit, a observé M. Hadibi.


L'édition du jour
en PDF
Le Journal en PDF
Archives PDF

El Djadel en PDF
El-Djadel en PDF

Copyright © 2007 Midilibre. All rights reserved.Archives
Conception et réalisation Alstel