Le Midi Libre - Culture - Mythes de la mémoire collective
Logo midi libre
Edition du 18 Décembre 2014



Le Mi-Dit

Caricature Sidou


Archives Archives

Contactez-nous Contacts




5e festival international du cinéma d’alger (FICA)
Mythes de la mémoire collective
18 Décembre 2014

Le réalisateur Sebastian Sepulveda, a revisité son Chili des années 70 à travers une fiction intitulée "Les soeurs Quispe", un drame social, dédiée à une communauté vivant coupée du monde dans les montagnes du Chili.

Précisément, c’était en 1974. Bergères indigènes Coyas, les soeurs Quispe vivent sur l’Altiplano dans un grand isolement, au milieu de leurs chèvres et de leurs chiens.

Contrairement aux années précédentes, aucun berger n’est venu leur rendre visite… Présenté en compétition officielle du 5e Festival international du cinéma d’Alger (FICA) dédié au film engagé qui se tient à Alger depuis vendredi, Les soeurs Quispe, Vivant dans des grottes, Justa, Lucia et Luciana Quispe mènent une vie retirée, rythmée par la dure nature des montagnes et les impératifs de leur métier de bergères qui les a également contraintes à l’isolement du monde extérieur et de tout contact avec les villes et villages du pays.

Les nouvelles du monde ne parviennent aux trois soeurs que par le biais d’un marchand ambulant qui vient de temps à autres dans leur grotte troquer des vêtements contre des chèvres. A cette époque, ce mode de vie était interdit par le régime d’Augusto Pinochet qui a jugé cette activité ancestrale anarchique et nocive pour l’élevage et l’agriculture, ce qui contraint plusieurs familles à vendre leur bétail à un prix dérisoire et à quitter leurs terres de peur que la police ne tue leurs chèvres.

En même temps, les trois soeurs s’entêtent à préserver leur vie s’ensuit une crise très pesante, les bergères se retrouvant ballottés entre la volonté de Luciana, la plus jeune, de vendre le bétail et se trouver un mari et l’entêtement de Justa, la plus âgée, à protéger sa soeur des assauts des hommes et de sauvegarder son mode de vie. Le réalisateur chilien, Sebastián Sepúlveda passe à la réalisation, en adaptant un fait divers emblématique de l’époque qui a vu l’arrivée de Pinochet au pouvoir. Un fait divers frappant par son mystère et sa tristesse, que le cinéaste tente d’expliciter, ou tout du moins d’illustrer.

La grande force du film réside principalement dans sa facture formelle brute et sans fioriture. Dans un Cinémascope incroyable, rendant justice aux stupéfiants paysages de l’Altiplano chilien, le film capte le quotidien de ses trois soeurs, sans autre musique que le souffle constant d’un vent qu’on devine assourdissant et les rares échanges dialogués entre les héroïnes de ce drame d’une banalité confondante. Marquées par la mort de leur soeur aînée, imperméables à toute forme de sociabilité (comme le montre leur rencontre avec les deux seuls autres personnages – masculins – du film), ignorantes des soubresauts du monde par leur isolement extrême, les soeurs Quispe représentent la part méconnue du drame chilien.

Blocs de granit au physique ingrat et aux visages burinés, Justa, Lucia et Luciana vont finalement faire les frais de leur ignorance et la dureté de leur vie, leur tragique geste final n’étant jamais vraiment expliqué. Parce qu’il montre une partie du monde encore inconnue, parce qu’il ose se reposer entièrement sur ses formidables actrices, le film de Sepúlveda marque les esprits, quand bien même son hermétisme apparent risque de rebuter plus d’un spectateur. Mais ce serait alors passer à côté d’une petite démonstration de cinéma brut et direct, comme on en voit que trop rarement.

Quant au réalisateur italien Marco Simon Puccioni, cet événement cinématographique dédié au film engagé, a été une occasion encore une fois de rendre hommage à l’une des premières femmes directrice de prison en Italie à travers un portrait bouleversant intitulé Comme le vent. D’une durée de 112 minutes, ce film est inspiré d’une histoire vraie : Armida Miserere, incarnée avec brio par Valeria Golino, mène une brillante carrière professionnelle et rêve d’une vie paisible et heureuse auprès de son compagnon, Umberto Mormile même si elle est régulièrement menacée de mort en raison de la fonction qu’elle occupe.

Malgré son état d’esprit combatif et sa forte personnalité, qui lui permettent de s’imposer et d’imposer le respect dans un milieu dangereux et exclusivement masculin , l’univers d’Armida s’écroule après l’assassinat de son compagnon par la mafia, commence alors une longue quête de la vérité. Armida, qui intériorise toute sa douleur sans jamais ne rien laisser transparaître sur son lieu de travail, consacre sa vie, désormais vide de sens, à la recherche des assassins de son compagnon et accepte de prendre la direction des prisons de haute sécurité les plus difficiles d’Italie tout en s’appliquant à faire respecter les droits des détenus.

Le réalisateur Marco Simon Puccioni a réussi le pari de faire parler l’image et la mise en scène pour transmettre au public la douleur, la force, la fragilité, l’égarement et la détermination du personnage sans jamais illustrer cela dans l’écriture y préférant l’expression de l’actrice et le choix des plans. Le film doit beaucoup à l’interprétation exceptionnelle de Valeria Golino.

La comédienne exprime avec une subtilité rare toutes les facettes d’une femme complexe, soucieuse de tout faire avec certitude dans une grande force et une parfaite éthique, tout en demeurant un être très sensible. Valeria Golino a trouvé en Filippo Timi, qui joue le rôle d’Umberto, un partenaire de choix. Dans un style simple et sobre et avec une grande maîtrise de la caméra, Mario Simon Puccioni réussit à nous faire entrer pleinement à fois dans un film engagé et dans une belle histoire d’amour.

D’ailleurs les cinéphiles ont grandement apprécié que la comédienne Valeria Golino ait réussi à saisir toute la complexité de ce personnage, qui semble fort vu de l’extérieur, mais qui est d’une grande fragilité. Elle refoule tout, elle garde tout pour elle malgré tous les drames qui ont jalonnés sa vie, elle reste digne et fière.

Par : IDIR AMMOUR

L'édition du jour
en PDF
Le Journal en PDF
Archives PDF

El Djadel en PDF
El-Djadel en PDF

Copyright © 2007 Midilibre. All rights reserved.Archives
Conception et réalisation Alstel