Deux mondiaux consécutifs ratés, plus de clubs formateurs, plus de joueurs de talent, exode des techniciens qualifiés, le handball n’en finit plus de décevoir le quotidien des férus du jeu à sept. Sur la sellette, le meilleur technicien algérien, l’homme le plus titré en Afrique avec cinq sacres consécutifs, Mohamed Azziz Derouaz, n’a pas reçu le soutien de ceux qui veulent l’essor de la discipline. Mais jusqu’à quand ? «Que reste-t-il de nos amours ? Que reste-t-il de ces beaux jours ? Une photo, une vieille photo de ma jeunesse». Ces célèbres paroles de Charles Trenet résonnent dans le creux de l’oreille des amoureux de la petite balle ronde. À vrai dire, en handball, il ne reste plus rien des années fastes. L’héritage de 1980 et les six sacres algériens en Afrique ont totalement été dilapidés. En moins de deux décennies , l’Algérie est passée d’une place forte de l’échelle mondiale, redoutée par les cadors du Vieux Continent, à une formation sans identité, sans ambition, incapable de soutenir la comparaison avec les équipes du continent. A regarder de plus près les performances du handball africain cette saison, tous les tenors ont, plus ou moins, brillés. Tous, sauf l’Algérie qui traîne son spleen à une peu glorieuse 19e place. Si encore cela s’apparentait à une simple parenthèse, à un accident de parcours. Mais c’est loin d’être le cas. Cela dure depuis1996, date du dernier sacre continental, le club Algérie ne fait plus rêver. Les raisons sont multiples : instabilité chronique, problème financier, effectif limité…clanisme et tribalisme.
Le Midi Libre : Quel bilan tirez-vous de votre isolement de la discipline que vous vénérez ?
Azziz Derouaz : C’est le meilleur moyen de constater la véritable situation du handball algérien dominé par les haines et les rancoeurs, non pas par une ambition collective: celle de hisser le handball national vers le haut pour lui redonner la place qui est sienne. Vous parlez d’isolement, c’est une réalité au plan national, mais fort heureusement sur le plan international, je suis constamment sollicité, présent lors des grands rendez-vous et événement internationaux, respecté dans tous les pays de la région et à l’étranger. Mais comme le souligne si bien l’adage, « nul n’est prophète en son pays ». Je déduis donc que c’est assez exagéré de la part de ceux qui ont la charge du handball national de m’isoler. Il leur reste désormais à mettre en route la machine de la refonte de la discipline, qui doit être le premier chantier sportif. C’est ce à quoi ils doivent s’affairer maintenant en solidifiant leurs relations avec les partenaires et en travaillant au développement des ressources de la discipline. En tous les cas, je n’ai gardé aucune rancoeur à ceux qui veulent me faire de l’ombre en m’isolant de la discipline pour laquelle j’avais un réel projet de développement.
Suite à votre échec à l’élection de la présidence de la FAHB, si on peut le qualifier ainsi, quelle est la décision dont vous êtes le plus satisfait ou au contraire ce que vous regrettez le plus ?
Je ne considère cela pas comme un échec personnel de ne pas avoir été porté à la tête de la FAHB , je pense que c’est un échec dramatique de la discipline et des principaux acteurs du handball incapables de se rassembler autour de quelqu’un pour le bien du sport, mais seulement contre quelqu’un porteur de bien pour la discipline. Mais, je dirais que se rassembler contre moi, c’est comme si quelqu’un scie la branche sur laquelle il pouvait être assis. Les membres de l’assemblée reconnaissent eux-mêmes mon profil et mon CV, ils savent que je traîne des années d’expérience dans ce domaine, un riche palmarès fait de cinq titres consécutifs de champion continental; j’ai entraîné dans toutes les catégories, j’ai entraîné au plus haut niveau, j’ai encadré des stages de haut niveau, j’ai été membre de la ligue, de la FAHB , arbitre, lecteur et instructeur de l’IHF (International handball fédération), j’ai été décoré de l’ordre du mérite olympique algérien, de la plus haute distinction du handball internationale pour services rendus au handball mondial. Pour couronner ce palmarès, j’ai été ministre de la Jeunesse et des sports de mon pays. Je résume que tout ça est une sorte de caution, de gage ou de garantie qui ouvre droit aux institutions nationales administratives pour une personne, qu’elle soit élue ou désignée. Moi, je qualifierais ce comportement des membres de l’assemblée générale de « suicide collectif ». Celui de ne pas vouloir profiter d’un tel acquis, d’un tel capital pour le mettre au service du handball national.
Quelle fût l’ambition ultime qui vous a poussé à être candidat à la Présidence de la FAHB ?
Faire de léquipe d’Algérie un club respecté sur tous les plans, c’est-à-dire une formation qui a les moyens d’être au top niveau. Je souhaitais faire également que notre formation nationale soit assimilée à l’image extérieure que l’on a de la sélection algérienne des années fastes. Satisfaire également mon ambition qui était de faire du sept national un team différent, original, avec des vedettes qui ne le sont pas que pour le football, c’est-à-dire des joueurs qui se démarquent par leur personnalité, leur intelligence, leur charisme, comme l’Algérie en a connu! Nous étions, par le passé, la locomotive du sport africain, un modèle pour l’Egypte et pour la Tunisie. Il était donc tout a fait possible pour nous de revenir sur la scène mondiale. Cela aurait pu aussi me permettre en tant qu’algérien, d’envisager même avec optimisme une candidature à la Fédération internationale de handball pour les élections qui auront lieu en 2009. Pour y arriver, il faut se doter des moyens nécessaires dont la première étape est de rendre la discipline bien encadrée et financièrement à l’aise. Les titres viendront ensuite, sachant qu’ils sont une juste combinaison entre l’argent et la formation. On l’a vu dans un passé récent, il ne suffit pas d’avoir de l’argent pour gagner, les hommes et la formation sont également cruciaux !
Quelle est la situation actuelle du handball ?
Je qualifierais cette situation de catastrophique tout simplement. Le niveau n’est plus ce qu’il était, la formation et la détection des talents non plus. Ce qui se fait ne répond plus au développement de la discipline. A titre d’exemple, je citerais le championnat national junior qui a rassemblé la saison passé, en tout et pour tout, six équipes. Alors que d’habitude, cette catégorie comptait un nombre important d’adeptes. Tout en construisant des équipes plus compétitives que ces dernières saisons, ils n’ont pas réussi à faire de grosses économies pour la discipline qui s’effrite, s’étiole. D’une part, en essayant de produire plus, nous n’avons pas produit du tout. Et d’autre part, en baissant de manière significative le nombre de pratiquants, la relève risque de ne plus être assurée. Le nombre de techniciens rétrécit d’année en année; ils se sont tous expatriés à la recherche de cieux plus cléments. Malgré tout, il est clair que le club a besoin de développer ses ressources pour être encore plus compétitif au niveau sportif. Il y a toute une stratégie à développer qu’il faut mettre en place. Cela concerne la formation, la détection, le développement, le merchandising, le sponsoring ou encore le développement international.
Quels rapports entretenez-vous avec les clubs et les différents acteurs de la discipline au niveau national et international et Quelles sont vos méthodes en terme de communication ?
Pour être franc avec vous, je dirais qu’au niveau national, je ne veux plus entretenir de relations avec quiconque. Concernant les clubs, je dirais que ceux-ci ne sont capables que de s’associer ou de s’allier contre quelqu’un et non pas pour quelqu’un. Tout cela pour assouvir leurs rancunes, inimités, animosités, aversions, rancoeurs et haines qui leur sont personnelles. Ils ont même fabriqué un personnage où je ne me reconnais pas pour diverses raisons. Beaucoup de gens me tiennent rancune, je citerais en disant que d’anciens joueurs que je n’ai pas sélectionné, que je n’ai peut-être pas fais jouer, même en étant parti de l’EN, se sont mis dans la tête, que j’ai influencé les sélectionneurs pour les évincer, d’autres parce que je ne les ai pas envoyés aux pays du Golf pour y exercer. Alors, toutes ces petites rancoeurs ont rejailli, faisant de moi le parfait bouc-émissaire de leur échec. Ils se sont donnés le mot pour barrer la route à quelqu’un qui n’avait d’autres ambitions que de construire et se mettre au service de la collectivité. J’ai aussi accepté avec beaucoup de fair-play le verdict des urnes, même si je savais d’avance que les dés étaient pipés. Moi, j’estime important pour une discipline qui repose tant sur les relations publiques, d’avoir des rapports étroits avec les connaisseurs. Je regrette néanmoins que ces derniers colportent parfois de fausses informations à notre sujet, ce qui peut faire du tort au sport dans certaines périodes.
Contrairement à d’autres sociétés, un homme public comme vous, principal bâtisseur de la défense avancée qui a fait des émules, n’aurait pas été aussi constamment visé et exposé médiatiquement. Ce qui n’est pas le cas pour votre cas, chez vous, par rapport à l’étranger où vous jouissez d’une grande notoriété. Comment expliquez-vous cela ?
Ce n’est pas propre à moi. Malheureusement chez nous, l’on ne retient pas les principes sur lesquels se construisent les sociétés modernes qui veulent avancer : à savoir mettre en avant les modèles positifs, pour tirer vers le haut leur jeunesse avec comme perspectives la réalisation de ces modèles. Moi, j’ai de l’espoir tout en sachant que quelque part, je suis un modèle pour ceux qui ont eu la chance de connaître et goûter aux victoires du handball algérien. Mais malheureusement le temps passe et les nouvelles générations qui auraient besoin de connaître cette riche histoire du handball algérien, de s’identifier à ce modèle, manquent d’information. C’est dommage, car avec le temps, ces hommes disparaîtront en emportant un riche recueil de connaissances et de savoir-faire, sans en faire profiter cette jeunesse. C’est malheureux de le dire, mais c’est la triste réalité. Les rumeurs ou spéculations font parfois monter les prix, ce qui a une influence directe sur les bonnes actions. On ne peut donc pas toujours être transparent pour ces personnes. Pour le reste, nous sommes en mesure d’offrir beaucoup à la discipline. Nous le faisons déjà via les discours, les journées d’études et d’instructions ou via les informations disponibles sur les sites internet.
Pourterminer, un message aux amoureux du handball?
De tout cœur, j’espère qu’ils ne baisseront pas les bras face à tous ceux qui sont aujourd’hui envahis de haine et de mépris qui disparaîtront à leur tour. Et rapidement parce que c’est ce qui arrive le plus souvent à ceux qui cherchent à s’accrocher bon gré mal gré au pouvoir dans cette fédération. Pour des intérêts bassement matériels. Cela dit, le moment viendra donc ou le handball, tel un phénix renaîtra de ses cendres. J’ai bien peur que l’avenir du handball ne soit pas réjouissant pour nous. Je resterai toujours le fervent supporter des équipes nationales algériennes quelque soit la manière dont elles seront gérées, avec beaucoup d’appréhensions maintenant. Pour les supporters , j’espère qu’ils apprécieront les versions à venir. Que cette relation unique qui existe entre l’EN et ses supporters continue de se développer et de se solidifier !