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Youcef Marahi, Secrétaire général du HCA, au Midi Libre
«Yennayer est une filiation identitaire, repaire de notre personnalité»
11 Janvier 2012

Comme chaque année et ce, depuis 1999, Yennayer, le premier jour de l’an chez les Imazighene, correspondant au 12 janvier de l’année universelle, est fêté officiellement par le HCA. Cette année, il sera célébré à la willaya d’Oran. A cette occasion, Youcef Marahi, secrétaire générale du HCA, a bien voulu nous accorder cet entretien dans lequel il nous explique ce que représente cette fête pour la communauté berbérophone.

Midi Libre : Le Haut commissariat à l’amazighité (HCA) a décidé de célébrer cette année Yenayer 2962 à Oran ; ce choix s’inscrit dans une optique de décentralisation n’est-ce pas ?

Youcef Marahi : Depuis 1999, le HCA a fait de Yennayer une fête itinérante. Chaque année, le 12 janvier, qui est le 1 jour de l’an des Imazighene est célébré dans une région. Cela est dans le but de porter le message amazigh à toute l’Algérie. Nous avons célébré Yennayer à Alger, à Tizi-Ouzou, à Bejaïa, Bordj Bou-Arréridj à Ghardaïa et il se pourrait que l’année prochaine nous irons au Grand Sud. Cette année nous avons choisi Oran suite à l’appel d’une association culturelle très dynamique, Numidia en l’occurrence, qui travaille énormément sur la culture amazighe à Oran. Ce qu’il faut savoir également, c’est qu’il existe à Oran une très forte communié amazi-ghophone et pas seulement en ville mais dans tout l’ouest algérien. C’est-à-dire de l’Ouaresnis jusqu’aux confins de Tlemcen. Principalement dans le Beni snous où la tradition de Yennayer est très ancrée. Du reste, c’est la seule région où perdure encore le carnaval de Yennayer appelé aussi carnaval de ayred qui veut dire lion. L’autre raison qui justifie le choix de cette ville se sont les commodités matérielles qu’elle offre et l’engouement des animateurs pour l’évènement. Donc, il y aura un peu tout le monde, nos amis du M’zab, de l’Est, la Kabylie, le centre d’Alger. On va faire une espèce de caravane culturelle.

Quels sont les principaux axes du programme ?
Globalement il y a trois axes à savoir :
- l’axe relatif aux expositions, notamment les produits de l’artisanat berbère, comme la vannerie, la bijouterie, le vêtement et la pratique culinaire, donc le couscous sous toutes ses variantes : mozabite, algéroise, chaouia, tlemcenienne, oranaise, kabyle, constantinoise, ce qui prouve que notre souci est de présenter un yenayer national,
- Le deuxième axe concerne les conférences et tables rondes autour du nouvelle an berbère, de ses origines à nos jours,
- Enfin, le troisième axe consistera à mettre en exergue la production littéraire, en l’occurrence théâtrale amazighe. Lors de ces activités, nous allons retrouver les éditions (HCA) Alger, Casbah Alger, Mehdi Tizi-Ouzou, Alger Tira édition Bejaia… Enfin, toutes les éditions qui activent dans ce domaine.
Lors de cette exposition, il y aura des séries de vente-dédicace du 11 au 13. A cet effet, nous aurons le plaisir d’avoir avec nous 10 auteurs, dont Karim Younès, Amhis, le Djenas, Mouloud Achour… Dans ce cadre, Bakhaia fatima va procéder à une vente-dédicace de sa trilogie «Izouran » et animera un café littéraire et Amar Belkhodja dédicacera egalement son livre sur Halim Mokdad.
youcef Dris, Lazhari Labter, Mohamed Ataf et bien d’autres feront de même pour leurs derniers ouvrages. Paralèlement à ça, il y aura 2 pièces de théâtre au (TRO) : la première en tamazight kabyle «Am win yettrajoun Rebbi» (en attendant Godot) et une autre jouée en variante chaouie "Achhal yer tmettant" (l’amour à mort). Un déplacement se fera est également à Arzew pour une animation locale. Ces travaux seront cordonnés par l’association culturelle Numidia d’Oran.

Yennayer est un repère identitaire actuellement ; quel était son sens dans l’Antiquité ?
Ce qu’il faut d’abord savoir est que yennayer a une filiation identitaire. Cette identité admise par tous est une source de nos valeurs, jusqu’à la nostalgie d’un passé glorieux matérialisé par la victoire de Chachnak, père des dynasties pharaoniques berbères et dans cet âge d’or est mystifié en raison des avatars subis par la suite de l’histoire. Cela devient une légende des siècles. Moi je pars du principe que chaque société est basée sur des mythes, sans cela elle n’a pas de sous-bassement identitaire, elle n’a pas de référent. Lorsqu’on prend 950 avant J.C et vous l’additionnez à 2012, vous aurez 2962 qui est l’année actuelle dans la civilisation amazighe. Ainsi, on s’identifie à ce calendrier qui est pour nous un calendrier d’activité humaine essentiellement agraire. Beaucoup nous font le reproche que votre calendrier et la copie du calendrier julien. Je dis oui dans le contenu mais il faut souligner que Chachenak est l’aîné de Jule César de plusieurs siècles.

Comment est divisée l’année dans le calendrier berbère ?
Le calendrier berbère rythme les saisons est les activités humaines y afférentes, activité agraire, pastorale et autre. Ce calendrier nous guide et nous indique quand récolter les olives, les figues, labourer la terre … Yenayer a aussi une portée sociologique et pédagogique. En effet, le premier jour de l’an amazigh est l’occasion de se retrouver en famille élargie constituée en fait par le village. C’est un moment de partage entre les villageois où est organisé «thimechret». Les malheureux, les démunis ne sont pas en reste ce jour-là. Les enfants en profitent pour s’amuser, se déguiser et recevoir des étrennes en passant dans chaque maison. cette tradition est reprise dans la fête musulmane de «achoura» ce qui prouve, si besoin est, que la culture algérienne s’est enrichie à partir du socle amazigh de tout les apports postérieurs pour constituer la personnalité de notre pays plusieurs fois millénaire.
Il a aussi une portée socio- économique. D’ailleurs, le jour de yennayer, on appred à nos enfants le jour de yennayer de manger à satiété mais sans trop se gaver. Il y a une tradition qu’on pratique en Algérie, notamment en Kabylie que je connais le plus appelé «la vieille» c’est-à-dire que si on ne laisse pas un peu de nourriture dans la djefna «la vieille qui passera cette nuit et ne trouvera pas sa part dans l’ustensile elle» l’enlèvera de nos ventres. En Kabylie, on appelle cela «laisser dans les ustensiles la part des invisibles (assas b’wkam». L’invisible existe dans toutes les religions y compris dans la religion musulmane.

On a l’impression que cette fête sacrée, qui est célébrée depuis la nuit des temps, connaît encore plus d’engouement de nos jours ; qu’en pensez-vous ?
C’est vrai que cette fête est tombée un peu dans l’oubli. Mais depuis qu’une certaine jeunesse, notamment dans les années 70 et les années 80, s’est soulevée, nous sommes en train récupérer le patrimoine culturel et comme disait notre Monument Mouloud Mammeri, l’identité amazighe est basée sur «awal» le mot. Awal chez les imazighene renferme le langage, la parole, le serment qu’on donne en tout, l’Homme dans sa dignité. Et lorsqu’on dit la Femme, c’est la terre, la patrie, la vertu…

Un dernier mot….
Je voudrais quand même dire deux choses, ce programme Yennayere qui correspond au 12 janvier 2012 est placé sous le haut patronage de monsieur le wali d’Oran.
Nous le remercions donc vivement pour son aide. En outre, le dîner de yennayer "imensi ousggaws" aura lieu à la maison de vieillesse d’Oran auquel participera le représentant de la wilaya d’Oran. Des cadeaux confectionnés par les femmes seront remis à cette occasion. Cela est dans le but d’apporter un peu de bonheur et de joie à ces personnes
La deuxième chose que je voudrais dire et que chaque année le HCA demande à ce que le premier yennayer, qui est fêté depuis 1999 officiellement avec les représentants du gouvernement, est un acquis, mais il reste aux décideurs de notre pays de le concrétiser par un décret ou un texte réglementaire ou législatif.
Nous demandons qu’il soit un jour chômé et payé à l’instar des autres fêtes nationales et religieuses, notamment 1er jour de l’an, c’est-à-dire le 1er Mouharem et le 1er janvier.

Par : Ourida Ait Ali

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