Autrefois, dans les montagnes, la nuit tombée après le souper souvent bien maigre, la télévision ou l’Internet n’existant pas, c’était alors le moment des contes et légendes. Les petits enfants entouraient alors jida, ou yema azizou, la grand-mère, qui se faisait un plaisir de leur raconter une histoire.
C’est ce qu’Idir chante de manière magistrale dans A vava inova sur une idée non moins sublime du poète Ben Mohamed.
Après avoir soupé, chaque jour à tour de rôle, la grand-mère ou la plus âgée d’une famille assez nombreuse, contait des histoires qui tenait en haleine les enfants qui finissaient par tomber dans les bras de Morphée. Elle récitait aussi des poèmes anciens ou narrait des légendes merveilleuses et captivantes. Les grand-mères d’antan avaient le don de la narration. Sans doute par nécessité, la télévision n’existait pas, il fallait bien s’occuper pendant les soirées d’hivers. Autour du feu tous les enfants de la famille se réunissaient autour de l’aïeule, pour écouter le conte que celle-ci avait choisi pour eux, afin qu’ils s’endorment sans faire de bruit et que leurs aînés puissent enfin récupérer de la dure journée de labeur. En été, la situation était autre puisque les gamins s’amusaient dehors jusqu’à une heure assez avancée. Ils s’épuisaient à force de courir et jouaient à mille jeux qu’ils inventaient. Mais les premiers frimas de l’hiver venus, il n’était plus question de tarder à l’extérieur. Ainsi, dès que le bétail rejoignait l’étable, les enfants avaient hâte de rentrer à la maison pour se réchauffer. Ils avalaient leur dîner rapidement et chacun retrouvait sa place près de yema azizou. Elle racontait ces histoires lorsque les animaux parlaient, disait-elle. Elle s’exprimait d’une voix douce et avec un talent, en donnant à chaque scène des images si profondes et concrètes, et faisait pénétrer dans l’ambiance du récit. La famille reste suspendue aux lèvres de la conteuse. Qui ne connait pas l’histoire de Loundja, la fille de l’ogresse, créature gentille et douce contrairement à Tserial sa génitrice. Ou bien le récit d’une Aïcha orpheline, d’abord victime d’un impitoyable et cynique destin, et par la suite elle connaîtra une vie idyllique, le fruit de sa longue patience. En écoutant ces histoires, chaque événement était vécu intensément. Les larmes venaient spontanément lorsque la petite famille traversait une mauvaise passe puis la providence lui venait en aide, alors toute la famille poussait un ouf de soulagement. Ainsi un silence religieux s’installait dans la nichée, on n’entendait plus que le crépitement des flammes dans l’âtre. Les contes duraient environ une à deux heures de temps pour en fait une durée réelle ne pouvant dépasser une vingtaine de minutes. Mais la conteuse savait y mettre les formes et entrecouper de moments « morts » qui tout en accentuant le suspense du récit lui permettait de retrouver son souffle en expirant profondémen , ce qui ajoutait du charme à la l’histoire. Ces veillées qui ont bercé notre enfance, tendent à disparaître de notre jour dans le monde moderne.