Les produits du tabac sont des produits fabriqués entièrement ou partiellement à partir de feuilles de tabac et destinés à être fumés, sucés, chiqués ou prisés. Ils contiennent tous de la nicotine, un agent psychotrope qui entraîne une forte dépendance. Bien que le tabagisme soit l’un des principaux facteurs de risque de plusieurs maladies chroniques, comme le cancer, les affections pulmonaires et les maladies cardiovasculaires, il est très répandu partout dans le monde. Plusieurs pays disposent d’une législation qui limite la publicité en faveur du tabac, fixe un âge légal pour acheter du tabac et règlemente les endroits où il est interdit de fumer. Le point avec le professeur Nafti, spécialiste en pneumophtisiologie.
Midi Libre : Quelles sont les conséquences du tabagisme sur la santé en général et les poumons en particulier?
Le tabagisme constitue un facteur de risque pour la majorité des affections respiratoires. Les conséquences globales du tabagisme sur la santé sont mieux connues depuis le rapport de l’US Public Health Service de 1964 mis à jour en 2004. Il est le principal facteur de décès précoce évitable toutes pathologies confondues.
Actuellement, en Algérie, environ 15 000 personnes par an décèdent précocement de maladies liées à leur tabagisme. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que, en 2030, 10 millions de personnes par an mourront précocement, dans le monde, du fait de leur consommation de tabac.
Toujours selon l’OMS, la dépendance à un produit est considérée comme installée quand un usage ne peut plus se passer de consommer ce produit, sous peine de souffrances physiques et/ou psychiques. Sa vie quotidienne tourne largement autour de la recherche et de la prise du produit : il est pharmacodépendant : La dépendance physique à la nicotine n’explique pas, à elle seule, toutes les difficultés du sevrage tabagique. La dépendance psychologique est plus difficile à définir. Elle fait appel au conditionnement du fumeur et aux influences de la psychologie de l’individu.
Quels sont les effets de cette pathologiques ?
En Algérie, environ 15 000 décès prématurés annuels sont rapportés à la consommation du tabac dont 95 % chez les hommes. Les femmes restent beaucoup moins touchées mais l’évolution du taux du tabagisme féminin laisse présager un avenir plus tragique.
Déjà aux Etats-Unis, le taux de mortalité féminine par cancer bronchique est supérieur à celui du cancer du sein.
Le célèbre chercheur anglais Doll, après avoir observé les conséquences du tabagisme sur la mortalité des médecins britanniques pendant 50 ans, a conclu qu’environ un fumeur sur deux décède d’une maladie attribuable à sa consommation de tabac.
Celle-ci survenant de façon prématurée (1/4 entre 35 et 69 ans) entraîne une diminution de l’espérance de vie d’environ 10 ans.
Les pathologies respiratoires et ORL :
Parmi les cancers celui de l’oropharynx est observé chez les fumeurs qui consomment aussi de l’alcool. Chez l’homme 91 % des cancers du poumon sont attribuables au tabagisme et l’excès de risque est proportionnel à la dose mais ce risque est multiplié par dix à vingt en fonction de la durée du tabagisme.
On dénombre entre 3000 à 4000 cancers du poumon par an en Algérie, avec une incidence de l’ordre de 25 cas pour 100 000 habitants.
Les pathologies inflammatoires et infectieuses de l’appareil respiratoire on citera :
Les broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO) estimés à environ 300 000 cas en Algérie.
La diminution de la capacité respiratoire de fumeur est de l’ordre de 60 ml/an, soit 3 fois plus que celle du déclin physiologique.
Les épisodes infectieux sont environ 2 fois plus fréquents chez les fumeurs et la consommation de tabac aggrave la symptomatologie des patients asthmatiques.
En Algérie, la mortalité cardio-vasculaire estimée liée au tabac est de 7 000 décès.
Le risque coronarien et celui de mort subite sont 2 à 4 fois plus élevés chez le fumeur, en particulier entre 30 et 50 ans. Il existe une relation dose/effet entre l’importance de la consommation et la survenue d’un infarctus du myocarde ou « crise cardiaque », le risque est plus important au delà de 20 cigarettes par jour.
Si les fumeurs ont 2 fois plus de risque d’avoir un accident vasculaire cérébral ischémique (AVC), leur risque d’avoir une atteinte des membres inférieurs (artérite) est 4 fois plus fréquent que les non-fumeurs.
En Algérie, on estime à 2000 décès par cancers liés au tabac d’autres localisations que bronchiques ou ORL, telles que la vessie, le pancréas, le rein et le col utérin.
Plus récemment, un lien a été établi entre le risque de cancer du sein et l’exposition à un tabagisme actif ou passif.
Chez la femme fumeuse, l’utilisation d’une contraception orale (pilule) entraîne un risque élevé de thrombose veineuse. De plus le tabagisme chez la femme diminue la fertilité (comme chez l’homme) et favorise la survenue précoce de la ménopause.
Enfin le tabagisme augmente le risque de morbidité péri opératoire, de cataracte, d’impuissance etc…
Quel motif de santé incite un fumeur
à consulter ?
Le tabagisme n’est pas à proprement parler un motif de consultation.
Le fumeur considère que consommer du tabac, quelque soit sa forme (cigarette, pipe, chique…) est un état «normal» OR pour l’OMS le fumeur est un malade potentiel. Et le tabagisme est une maladie chronique. En effet, une fois l’habitude acquise et la dépendance établie le fumeur ne peut plus se défaire de cette toxicomanie et il passe à un état de dépendance chronique.
Le fumeur ne consulte pas ou très rarement pour trouver une aide à l’arrêt du tabac, mais il consulte pour une symptomatologie ayant une relation avec les conséquences du tabagisme à savoir des manifestations :
- Respiratoires :
- Crise – Toux – gêne respiratoire, une expectoration de sang (hémoptysie),…
- ORL : Une dysphonie.
- Vasculaire : Claudication intermittente.
- Cardiaque, digestive…
Tous les organes de l’organisme peuvent être affectés par le tabac.
Qu’est-ce que le tabagisme passif ?
Il existe 2 types de tabagisme passif.
Le tabagisme passif fatal, formellement démontré par la présence, dans le sang fœtal de gaz carbonique et de nicotine directement proportionnel aux taux maternels. Ces 2 substances toxiques sont responsables des complications gravidiques et néonatales observées les parturientes fumeuses à savoir :
Le risque d’avortement spontané et de grossesses extra-utérines est doublé chez les fumeuses.
Le risque d’avoir un enfant prématuré pour une fumeuse est 2 à 3 fois celui d’une non fumeuse.
Le retard de croissance intra-utérin est 2 à 3 fois plus fréquent chez les mères fumeuses et il affecte le poids et la taille du nouveau-né.
- Le tabagisme passif environnemental est formellement démontré par le dosage urinaire de la nicotine. Le tabagisme peut être familial, professionnel et/ou social.
Le risque de mort subite du nourrisson est proportionnel au tabagisme de la mère, il est aggravé si les 2 parents fument.
La fréquence des infections respiratoires hautes (ORL) et basses (pulmonaires) est plus élevée chez les enfants exposés à la fumée de tabac.
Fumer 4 à 5 cigarettes par jour est-il plus nocif pour la santé que de fumer 1 paquet par jour ?
La quantité de tabac est importante à évaluer, car il y a un effet dose dépendant bien sûr, soit fumer un paquet de cigarettes par jour est plus nocif que de fumer 4 à 5 cigarettes par jour. Il est actuellement reconnu que les risques sont plus importants au-delà de 20 cigarettes par jour.
Si cette notion de quantité est capitale à évaluer dans le tabagisme cette relative à la durée est encore plus importante. En effet, si le risque est proportionnel à la dose, celui ci est multiplié par 10 à 20 en fonction de la durée du tabagisme. Le risque devient certain si le sujet a fumé pendant une durée égale ou supérieure à 10 ans
Après avoir arrêté de fumer, peut-on effacer les méfaits du tabac et retrouver sa santé ?
La meilleure chose qui puisse arriver à un fumeur est de s’arrêter, car il en tire beaucoup de bénéfices.
On peut les résumer comme suit à partir du temps après la dernière cigarette :
20 minutes : La pression sanguine et les pulsations du cœur redeviennent normales.
08 heures : La quantité de monoxyde de carbone dans le sang diminue de moitié.
L’oxygénation des cellules redevient normale.
24 heures : Le risque d’infarctus diminue déjà. Les poumons commencent à éliminer le mucus et les résidus de fumée. Le corps ne contient plus de nicotine.
48 heures : Le goût et l’odorat s’améliorent. Les terminaisons nerveuses gustatives commencent à repousser.
72 heures : Respirer devient plus facile.
Les bronches commencent à se relâcher et on se sent plus énergique.
2 semaines à 3 mois : La toux et la fatigue diminuent. On récupère du souffle.
On marche plus facilement.
1 à 9 mois : Les cils bronchiques repoussent. On est de moins en moins essoufflé.
1 an : Le risque d’infarctus du myocarde diminue de moitié.
Le risque d’accident vasculaire cérébral rejoint celui du non-fumeur.
5 ans : Le risque de cancer du poumon diminue presque de moitié.
10 à 15 ans : L’espérance de vie redevient identique à celle des personnes n’ayant jamais fumé. Cependant, il est difficile d’effacer tous les méfaits du tabac surtout si l’arrêt se fait après l’âge de 40 ans.