Ils rigolent quand on écorche leurs noms, se prennent en photo aux conférences de presse et ignorent tout ou presque de leur programme: les joueurs de la sélection du Tonga se préparent au Mondial dans une simplicité et un plaisir apparent qui tranche avec le sur-mesure un peu froid des favoris.
A quelques kilomètres du centre de Montpellier (sud) où sont installés les Australiens, les Tongiens sont à des années-lumières de leur état d’esprit : la question n’est pas de gagner un titre mais un match. L’enjeu n’est pas de pousser le professionnalisme à son paroxysme, mais de représenter la nation avec honneur et dignité. "Beaucoup d’entre nous avaient l’habitude de regarder la Coupe du monde à la télévision", admet Nili Latu, alias Otenili Langilangi, capitaine de la sélection. "Nous sommes fiers de représenter notre pays. Nous venons de loin". C’est dans la petite ville de Clapiers, dans un hôtel perché sur une colline ombragée par la pinède, que les joueurs vont effectuer leurs derniers réglages.Sourires détendus, mais étrange face à face entre des joueurs peu habitués à ce type de confrontation et des journalistes qui ne connaissent pas leurs visages. Pour battre les Etats-Unis le 12, leur premier match en poule A dans ce Mondial, les Tongiens comptent sur l’expérience de ceux qui évoluent en Europe ou au Japon. Finau Maka, troisième ligne centre de Toulouse, esquisse un sourire gêné à l’évocation du professionnalisme de la sélection. "C’est pas pareil que Toulouse", esquisse-t-il en français en riant. A quelques mètres de là, le fils du joueur du club gallois de Llanelli, Inoke Afeaki, 3 ans, pleure dans les bras d’un solide gaillard qui tente de l’amadouer avec un jus d’orange. Avant de partir s’entraîner mardi, comme à chaque fois, les Tongiens se sont mis à chanter. Regards fermés, religiosité assumée et harmonies maîtrisées qu’un Basque n’aurait pas renié. Puis l’un d’entre eux lit une prière, un extrait de la Bible pour des joueurs majoritairement protestants. "Nous demandons à Dieu de nous aider à être plus fort", explique le porte-parole de la sélection, Joh Fifita. Dieu ne sera pas de trop. Après les Etats-Unis, le Tonga affrontera les Samoa, l’île voisine du Pacifique contre laquelle elle s’est tout de même inclinée 50 à 3 il y a peu, puis l’Angleterre et l’Afrique du Sud, contre qui la logique sportive leur promet une sacrée punition. Le Tonga ne compte que 8.000 licenciés pour un peu plus de 100.000 habitants. Pas de moyens, pas de politique, mais de la ferveur pour le rugby même si les meilleurs joueurs partent en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Le nouveau sélectionneur Quddus Fielea, ex-international, s’est surtout appliqué à remettre un peu de sérénité dans le groupe après le départ soudain en mars de l’Australien Adam Leach, fatigué des ingérences de la Fédération dans la gestion de l’équipe. Le calendrier est moins rodé que chez les grands. "Je crois qu’ils vont nous donner le programme de la semaine aujourd’hui", pronostique le troisième ligne Hale T. Pole. En tout cas, ce n’est pas l’enthousiasme qui fait défaut. Le plus sérieusement du monde, Fielea annonce la couleur: "Notre but ultime est d’atteindre les quarts de finale". Il y a quelques semaines, il avait plus sobrement espéré deux succès. Dans tous les cas, il s’agira d’ajouter au moins une victoire au compteur d’un palmarès qui n’en compte qu’une, en 1995, contre la modeste Côte-d’Ivoire.