A bientôt 29 ans et doté d’une sérénité inédite, Nicolas Anelka se voit offrir à Chelsea, où il a signé hier, une quatrième chance
de s’imposer dans un club
à la hauteur des qualités d’un des footballeurs les plus talentueux de sa génération.
Ses expériences à Arsenal, au Real Madrid et à Liverpool se sont soldées par des échecs qui ont nourri une réputation sans doute exagérément noircie de joueur ingérable. Après son départ déjà polémique du Paris-SG début 1997, le banlieusard parisien semblait pourtant promis à devenir l’héritier de Ian Wright et de Jean-Pierre Papin, attaquants-stars d’Arsenal et de la France. Durant la saison 1998-99, il inscrit 20 buts pour les Gunners. Son doublé avec les Bleus pour une victoire historique contre l’Angleterre à Wembley (2-0), en février 1999, confirme ce que beaucoup pensent depuis ses débuts comme stagiaire à Paris: Anelka est un grand, aux qualités sans doute supérieures à celle d’un autre jeune loup, Thierry Henry, qui lui avait été préféré pour le sacre mondial de la France en 1998. Mais Anelka décrète qu’il veut quitter Londres. Il ne supporte plus la presse britannique, affirme-t-il. Il n’est motivé que par l’appât du gain, rétorque cette dernière qui le surnomme "Nasty Nic" (Nic le méchant) et
"Le Sulk" (Le boudeur).
L’erreur Madrid
Il engage le bras de fer avec ses dirigeants. Pendant qu’Henry arrive pour devenir un héros Gunner, il part pour le Real Madrid. Ce départ va se révéler être une erreur, qu’Anelka reconnaît aujourd’hui.
Quelques paroles maladroites, comme son jugement sur la "lenteur" du jeu madrilène, lui valent vite l’animosité des "veaux d’or locaux": Raul, Fernando Morientes et Fernando Hierro. Suivi d’excuses piteuses, son boycott de l’entraînement pour que Vicente Del Bosque adapte la tactique à son style lui vaut le mépris de Santiago Bernabeu. Malgré des buts importants en Ligue des champions, Anelka refait ses valises après une saison. Après un retour raté au PSG, marqué par des conflits répétés avec Luis Fernandez, le joueur est prêté en décembre 2001 à Liverpool. Mais en fin de saison, le club ne l’achète pas, à la stupéfaction de l’intéressé, qui semblait sur la voie de l’apaisement et en conserve une rancune tenace envers l’entraîneur d’alors, Gérard Houllier. Commence alors son errance dans ce qu’il reconnaît être des équipes de "second rang", Manchester City, puis Fenerbahçe.
Maturité
Et ce n’est pas sur la scène internationale qu’il trouve le frisson du haut niveau. Ses relations avec les Bleus semblent avoir atteint un point de non-retour quand il décline une convocation puis explique que le sélectionneur, Jacques Santini, devra s’"agenouiller" pour qu’il revienne. Ses excuses n’y feront rien. Après les Mondiaux 1998 et 2002, il manque l’Euro en 2004 puis le Mondial allemand et doit attendre l’automne 2006 pour que Raymond Domenech, un mois après son transfert à Bolton, qui semble un pas de plus dans la décadence, le rappelle. Transfert le plus onéreux de la Liga (au Real), puis du Championnat de France (pour son retour à Paris), Anelka doit cette fois se contenter du statut moins glamour de joueur le plus cher de l’histoire sans relief de ce club anonyme.
Mais le joueur a mûri. Son entraîneur, Sam Allardyce, puis son successeur, Gary Megson n’en disent que du bien. Jamais Anelka ne se plaint des matches ingrats, qu’il passe seul en pointe, dos au but, condamné à l’exploit ou aux coups des défenseurs, alimenté par de longs ballons d’équipiers sans imagination. Auteur de onze buts en 22 matches cette saison, Anelka ne pouvait que se rappeler au bon souvenir des ploutocrates.
Au grand dam de ses anciens employeurs, cet immense talent pourrait enfin se couvrir de gloire. Pour le plus grand bonheur de Chelsea. Et de l’équipe de France.