Un bleu chasse l’autre. Couleur maudite. La France scandalisée, l’Italie meurtrie ou un parfum de véritable drame. Celui d’un champion du monde sans défense, devenue subitement passoire, et son dauphin, dans la tourmente, qui terminent en position de cancres. Retournent à la maison la main dans la main, les bagages pleins de doutes. Deux footballs aux creux de la vague, incapables de s’élever au rang de sélections toujours sur les bancs de l’école. Qui apprennent très vite. Deux monstres redescendus sur terre. Qui chutent lourdement. Viennent donner à cette inédite coupe au charme africain, des relents de records tout autant inédits avec une casse inimaginable : l’élimination, dès le tour de chauffe, non seulement du détenteur en titre et de son dauphin mais aussi (une ahurissante première depuis la création du trophée par Jules Rimet dans les années trente, voilà près de quatre-vingt ans) du pays organisateur que le sort, cruel, a mis dans le même groupe que ces coqs déplumés revenus au pays, jeudi, par des portes dérobées. Bleu délavé qui n’avait pas le cœur, les arguments, à planer dans le ciel sud-africain. Remisé au placard. Entre les deux, du vert. Bloqué à l’orange avant de repasser au rouge avec une défaite relevant presque de la logique des choses. Les Verts, avec un cœur gros comme ça, se sont défoncés. Se sont battus (se «batturent», comme dirait Sarkozy). Ont joué en alternant le bon et le mauvais. Joué comme des bleus finalement. La couleur de l’inexpérience. Le bleu d’un apprentissage douloureux. On n’entre pas au Mondial comme on l’a fait face à La Slovénie, également à ses tous débuts dans le gotha. Nouveau football, nouveau pays. Qui avance. A l’image de cette Slovaquie que personne n’attendait à pareille fête. Qui donne la leçon, inflige une correction historique au «roi» des lieux. Finalement déchu. Des Italiens chassés du trône à l’arrivée d’un non match. On a connu la Slovénie, recalée pour une petite différence défavorable, on vient de découvrir la Slovaquie entrée de plain-pied dans l’histoire. Vraiment tombée de la dernière pluie. Née tout récemment de l’implosion de la défunte Tchécoslovaquie et qui vient jouer aux grandes au lieu et place de son ex-sœur jumelle, la brillante Tchéquie, qui n’a pu sortir de phases qualificatives européennes aussi dures qu’une phase finale de Coupe du monde. Les bleus slovaques en maîtres d’école devant une «Squadra» rarement aussi décevante. Qui nous assènent à nous, aux Verts de Saâdane, en perpétuel apprentissage (discours éculé ne convaincant plus), qu’il faudra éternellement patienter. Remettre à plus tard (Saâdane nous promet 2014, c’est-à-dire l’édition brésilienne, car cette équipe a du talent et une tellement grande marge de progression) l’espoir d’entrer enfin (quand ?) dans la cour des grands. En faisant mieux que de s’y inviter sur la pointe des pieds et en ressortir avec cette impression de déjà-vu. Sans renseignements utiles. Avec, pour l’exemple, cette gageure que parmi les 32 sélections présentes dans le pays de Mandela, le groupe au même Saâdane est la seule équipe, avec le Honduras, à s’en retourner sans avoir marqué le moindre but. Rabat-joie ? Peut-être, en reconnaissant que les «combattants du désert» qui ont, comme à leur habitude, depuis la belle et double campagne éliminatoire CAN-Mondial 2010, mis beaucoup de cœur à l’ouvrage. Qui n’aura pas suffi cette fois encore. Comme en Angola et ce naufrage en demi-finales contre l’ennemi intime égyptien. Une équipe qui n’a peut-être pas manqué de talent ou d’audace, mais failli sur le plan tactique, tout juste physiquement dans un tournoi où elle a paru étouffée, sur la fin, face à une formation américaine au long cours. Très bien préparée pour ne pas mériter son quitus pour le second tour. Retour sur une préparation dont on reparlera longtemps. Une des tares, en plus d’un manque flagrant d’ambitions d’un coach l’esprit tourné sur un avenir plus qu’hypothétique, d’une élimination attendue. Aux causes connues. Un avant- Mondial ouvert sur tous les doutes (les humiliantes défaites contre la Serbie et l’Eire, en amical, en annonceront la couleur), un effritement de cette force mentale qui a fait le tour du monde et pesé lourd dans la balance dans la «der» soudanaise contre l’adversaire de toujours, l’Egypte, dans un match spécial. A la symbolique toute particulière. Des Verts piégés par leurs convictions tactiques ultras défensives. Sans panache. Qui ont peur de jouer, ont rarement eu les moyens de prendre le jeu à leur compte. Zéro but en trois matchs (270 mn, c’est long) et la preuve par une inefficacité chronique, que Lacen et ses camarades n’avaient pas le niveau pour être du second tour. Rabah Saâdane, à la fin d’Algérie- Etats-Unis, délivrait son constat : «On a des joueurs de qualité en défense et au milieu. Maintenant, il faut se mettre à la recherche des oiseaux rares en attaque. Il nous a manqué l’efficacité et la réussite.» Tout cela pour ne pas dire qu’il s’est trompé de projet de jeu. Que le label «vert», version Mondial 2010, ne porte pas sa griffe. Signé ? Saâdane évidemment qui laisse, heureusement, une sélection en mesure de mieux grandir, se faire une petite place sur la scène internationale. Mais avec d’autres conceptions. Sans Saâdane. Une page se tourne.