«Furia roja.» Fureur en rouge écarlate. Couleur naturelle de matadors à une heure et demie seulement d’une première où il faudra, d’abord, ne pas voir «oranje», la couleur traditionnelle d’un onze national hollandais tout aussi doué. Le «rouge» (roja) contre l’«oranje» (ou l’orange) pour se mettre au vert. La couleur d’un succès à portée des pieds magiques d’une kyrielle de stars au sommet de leur art. Si près du paradis. «Rouge- matador.» En vogue. Dressés, puis mis à mort dans le dernier quart d’heure d’une deuxième demi-finale dont ils avaient perdu les clés d’entrée de jeu, les Allemands en connaissent un bout. Peuvent s’estimer heureux de s’être sortis d’une véritable correction. En évitant un drôle de naufrage. Une punition historique. Comme cette première finale de Coupe du Monde que disputera une Espagne dominatrice comme rarement. Qui a, avant de jouer l’épouvantail hollandais, toutes les cartes en main pour dominer le monde. S’inviter dans le cercle très réduit des sélections aux étoiles, cette caste privilégiée où sept (un chiffre évocateur pour superstitieux ?) noms seulement y figurent. Qui de l’Espagne ou des Pays-Bas se joindra, demain, aux coups de 21H15 (heures algériennes), à la bande des sept qui ont pu escalader et mener à bien l’ascension du toit du monde pour s’y poser, illuminer de leur superbe éclat le reste de la planète ? Après l’Italie, détentrice en titre qui compte plusieurs étoiles à son registre, le Brésil avec le plus de distinctions à son prestigieux et inégalé palmarès, l’Argentine et l’Allemagne qui ne sont toutefois pas loin, l’Uruguay première nation à décrocher la lune, la France et l’Angleterre heureuses quand même de compter parmi les grands, un huitième élu sortira de cette finale africaine rehaussée par deux écoles portées sur le jeu offensif. Une finale ultra fermée mais que tous les analystes annoncent alléchante entre deux conceptions du football qui se ressemblent finalement ? Deux styles presque à l’identique, ouverts, et forcément beaux. Au potentiel offensif impressionnant. A la même philosophie. Qui jouent le jeu. Bien. Une culture dédiée à la touche magique. Que l’on aime. Deux sélections, les meilleures au monde à l’heure actuelle, compétitives, mêmes atouts. Et les mêmes chances de l’emporter, gagner ce match. Deux équipes «sur le point de réaliser le rêve de tout enfant, de tout joueur» rêve-t-on dans les deux camps. Admiratifs les uns pour les autres. Pour le jeu développé des deux côtés. La mayonnaise a bien pris du côté espagnol avec l’alchimie réussie par Del Bosque depuis la fin de l’Euro 2008 entre les différentes vedettes des trois grands d’Espagne et sûrement parmi les plus prestigieuses au monde (Barça- Real- Valence en plus de quelques nouveaux révélés par ce Mondial). Qui accouche d’une belle fresque. Un vrai plaisir pour les yeux que ce jeu tout en finesse, d’intelligence porté par un milieu royal où figure ce tandem d’extra-terrestres composé de Xavi et d’Iniesta absolument irrésistibles. Ratissant large. Difficiles à déstabiliser. Face aux Sneijder, Robben, Van Persie, Van Bommel qui marquent les esprits à leur manière en constituant une vraie machine à contourner les défenses les plus hermétiques, la «roja» dispose de suffisamment d’arguments, d’armes tactiques pour régaler ses fans et les amoureux du football spectacle fait de petites passes rapides. Qui font sa force. Qui la rendent presque inabordable. Invulnérable. Difficile à impressionner en tout cas. Dans la tradition d’un tournoi où ils sont montés en puissance après la douche suisse et des débuts à la limite du catastrophique. L’Espagne, tel un métronome, d’une incroyable régularité depuis son titre européen arraché il y a deux ans, qui n’a plus disputé de demi-finale de Coupe du monde depuis 1950, aujourd’hui en finale (dans les prévisions et les pronostics de départ) ne devrait pas déroger à la tradition du football léché pour avancer à pas sûrs sur son premier titre mondial. Avant les Pays-bas, l’Allemagne avait semblé impuissante face à la «Roja» et évité le pire. L’humiliation. Une belle confirmation qui donnera raison au sélectionneur allemand, Joachim Löw qui déclarait, la veille, qu’«en attaque, l’Espagne a beaucoup de joueurs qui peuvent décider du sort d’un match (…) Les Espagnols commettent peu d’erreurs en attaque et en défense, et c’est toujours difficile de les pousser à la faute (…) notre salut dépendra de notre capacité à brider les moteurs du jeu espagnol, la paire du FC Barcelone composée d’Andres Iniesta et Xavi.» La suite, on la connaît. L’Espagne, comme à la parade, a pu dérouler son jeu, imposer son ambition dans le jeu avant de dominer son sujet. Triompher d’une Allemagne «ligotée», assurer, fidèle à son tempérament basée sur une possession de balle outrageuse, un succès logique. En imposant son football avant d’aller se frotter, ce soir, au Soccer City de Johannesburg, à une autre grosse cylindrée européenne. Une machine bien huilée. Dans une explication explosive. «Les Pays-Bas jouent un excellent football», estime, à juste titre, élogieux, le coach ibérique, Del Bosque. Tout comme Xavi qui lui emboîte le pas en prévenant : «Les Néerlandais ont un très bon milieu de terrain et une bonne attaque. Pour l’emporter, nous devrons imposer une fois de plus notre jeu collectif.» Juste pour rappeler que l’on ne s’ennuiera pas beaucoup. A notre grand plaisir.