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«Je t’aime, moi non plus» |
Quand l’amour flirte avec la haine |
20 Fevrier 2008 |
Léon et Olvido sont jumeaux. Léon est atteint du syndrome de Down (trisomie) et, depuis la mort de leurs parents, sa soeur Olvido se retrouve seule pour s’occuper de lui. Fatiguée d’alterner petits boulots et liaisons sans avenir, elle rêve d’avoir une vie à elle, une vie sans Léon.
Mais c’est sans compter sur la détermination de ce frère qui fait tout pour attirer son attention. Renvoyé de l’établissement spécialisé où il est placé, Léon est de retour à la maison. Entre eux, l’amour fraternel et les pulsions fratricides se mêlent.
Dans son film Léon et Olvido, le réalisateur espagnol Xavier Bermúdez aborde les liens d’amour et de haine qui unissent un frère atteint de la trisomie 21 et sa sœur jumelle.
Ce film trace le parcours d’un trisomique, relate ses problèmes relationnels, affectifs et sexuels et démontre le regard porté par la société sur les personnes touchées par ce mal.
Le long métrage qui, selon son réalisateur, met en scène une personne atteinte de trisomie, n’est pas uniquement un film axé sur les individus concernés par le syndrome de Down, mais sur l’existence que mènent ces derniers au sein même d’une société chargée de contradictions et gouvernée par un individualisme inouï.
Le réalisateur, qui a côtoyé tout au long de sa vie des personnes atteintes du syndrome de Down et qui a de surcroît préparé un reportage télévisé sur une école adaptée pour les personnes atteintes, s’est largement inspiré de son expérience personnelle, traduisant concrètement la souffrance de ces personnes.
Le film a mis la lumière sur le vécu de la personne trisomique qui, tout comme Léon, le personnage principal, semble parler peu de sa trisomie. D’après le réalisateur, souvent les personnes atteintes ne se considèrent pas comme malades. D’ailleurs, la plupart ne supportent pas qu’on les considère comme des "malades". C’est pour eux simplement une différence génétique qui a des conséquences sur l’organisme, qui fait partie de leur identité. D’ailleurs, beaucoup considèrent qu’ils pourraient faire davantage de choses dans la société si elle n’avait pas envers eux ce regard condescendant et paternaliste. L’aspiration de nombreuses personnes atteintes du syndrome de Down est d’avoir une vie "normale", avec un travail, un foyer, des enfants… Mais le regard des autres et la surprotection dont ils sont l’objet limitent leur liberté d’action.
L’amour occupe une place considérable dans le film de Xavier Bermúdez, mais il faut dire que l’amour occupe une part importante dans la vie de tout un chacun. Cependant, chez les personnes trisomiques, l’affection et la vie amoureuse sont bien plus qu’essentielles. Nombre d’entre elles ont du mal à différencier sexe et tendresse. Le sentiment amoureux est lié au désir sexuel, comme cela est démontré dans certaines scènes du film.
Ce long métrage, le premier à avoir révélé la vie des personnes trisomiques dans ses détails les plus intimes, évoque le sexe comme thème central. En effet, chez nous, la sexualité est un domaine entouré de non-dits et il faut dire que celle des individus atteints de trisomie n’a point été abordée et pourtant, les trisomiques ont eux aussi besoin d’entretenir leur sexualité. Selon le réalisateur, la sexualité des personnes atteintes du syndrome de Down est un sujet tabou. Plusieurs parents de trisomiques ont apprécié que le film ait abordé franchement la question du sexe. Car les trisomiques n’ont souvent pas le droit à la liberté sexuelle, notamment les filles. Certains argueront de leur difficulté d’avoir ou d’élever un enfant. Mais il ne faut pas tout mélanger, et prendre le prétexte de la paternité et maternité pour leur enlever le droit à une vie sexuelle.
L’amalgame entre amour et haine dans les relations des trisomiques avec leur entourage renvoie droit vers une question importante et fréquemment rencontrée, celle du rejet parental déguisé en paternalisme outrancier. En effet, certains parents arrivent difficilement à admettre la fatalité d’avoir un enfant atteint de trisomie. Non seulement ils sont frustrés par rapport à l’image idéale qu’ils se sont fait de l’enfant en bonne santé, détruite par l’amère réalité, mais ils sont aussi contraints de cohabiter avec le mal de leur enfant et de l’accompagner dans sa vie.
L’amour qui tue est finalement lorsque le rejet est dissimulé par une tendresse débordante. Dans ce genre de cas, les parents devraient vraiment rencontrer un spécialiste pour verbaliser leurs affects et comprendre ce qui se déroule au fin fond de leur âme. Tout comme dans la vraie vie, le film reste une succession de hauts et de bas dans la vie des personnages confrontées à la maladie. Cependant, par tous les aspects importants de la vie des malades que le film évoque, les personnes atteintes, leur entourage et tous les téléspectateurs peuvent connaître la trisomie 21, comprendre le vécu des malades, leurs attentes d’une société dans laquelle ils n’aspirent qu’à trouver leur place tout simplement.
Par : D. S.
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