Nos enfants sont des feuilles blanches dans lesquelles on peut dessiner et écrire tous ce que l’on veut : mauvais ou bon. L’enfant est le miroir d’une éducation, il reflète tous ce qu’on lui apprend et ce que la société lui transmet aussi. Donc il a besoin de connaître ses limites, ses devoirs, ses droits... plus simplement ce qui est accepté ou pas.
Les repères diffèrent d’une société à l’autre, d’une culture à l’autre et même d’une religion à l’autre parce que même les messages religieux transmis à l’enfant par ses parents et la société, peuvent être conçus différemment, selon les interprétations du groupe social. Cependant, toutes les cultures et même les religions sacralisent en quelque sorte, la notion de la limite. Chaque être humain et donc l’enfant est censé suivre des règles précises ; religieuses ou des codes sociaux et toute désobéissance ou dérapage est donc considéré comme un dépassement des limites.
Mais il faut comprendre que la notion de la limite, elle-même, diffère selon les cultures et «l’histoire sociale» d’un groupe et d’une société. Chez nous, la limite est parfois mal comprise et donc très mal transmise -à un enfant, puisqu’il s’agit ici de la punition d’un enfant-. «Donner des limites à l’enfant, c’est lui dire ce qui est acceptable ou non» d’où la punition en cas de dérapage ou la récompense en cas de la bonne application des règles. Les limites sont structurantes. Ce sont elles qui vont permettre à l’enfant de devenir un adulte et de pouvoir vivre en société. L’Algérien, selon des spécialistes ; psychologues et sociologues, confond punition et éducation jusqu’à penser que punir c’est éduquer. Alors que «punir c’est plutôt corriger une éducation qui est une base de données transmises à un enfant de la part de ces parents en premier lieu et de la société dans un second», nous expliquera Mme Mammeri, psychologue.
L’enfant jusqu’à l’âge de l’adolescence, n’arrivera pas à faire la différence entre le mal et le bien, le bon comportement et le mauvais sans faire référence à ses parents et ses proches, cela veut dire «que tout ce que font ses parents - qui sont pour lui un repère - est forcément bon et donc à copier», dira-t-elle. «une fois adolescent l’enfant à tendance à contrarier tout ce qu’il reçoit de l’autre et même de ses parents parce qu’à cet âge là, l’enfant commence à raisonner seul, éliminer les repères et donc remettre en cause tout ; règles, code social et limites», ajoutera la spécialiste.
Punition n’est pas agressivité
Mais le problème chez nous est que les parents n’arrivent pas à faire la différence entre agressivité et punition parce que le châtiment est dans notre esprit forcément corporel. «il faut avouer que l’Algérien a tendance à frapper parfois très fort son enfant sans prêter attention au degré de la bêtise commise», avoueront des parents interrogés sur la question. Les spécialistes sont d’accord que la punition est bénéfique, mais la façon ne doit pas être la même, il faut établir un barème des punitions. «la punition doit dépendre de ce que l’on veut sanctionner. On ne va pas réprimer de la même façon une transgression majeure et une petite bêtise. Et puis, il faut prendre en compte les aspects culturels. D’une génération à l’autre, les choses changent. En plus le barème de sanction n’est pas le même en fonction de l’âge. D’autre part, la punition ne doit pas être démesurée par rapport à la bêtise. Elle doit être juste, raisonnable et applicable», dira Mme Mammeri.
Si l’enfant renverse ou casse quelque chose la sanction peut être de le nettoyer, de racheter l’objet cassé avec son argent de poche. «Mais s’il ment, vole il faut le sanctionner plus sévèrement mais pas avant de comprendre ce qui l’a poussé à faire ça. Car c’est un acte illégal et transgressif. On est dans un autre registre que celui de la simple bêtise», ajoute-t-elle.
Par contre, il est important de faire comprendre aux parents que la sanction corporelle, qui fait aujourd’hui partie des mœurs de notre société, a elle aussi des règles et contrairement à ce que l’on pense, frapper peut rendre la chose plus grave et casse toutes les limites et devient même un encouragement à refaire les bêtises puisque les conséquences sont connues et peuvent être supportables. Selon le psychiatre allemand Etty Buzyn, spécialiste en psychologie de l’enfant : «On ne peut pas situer la petite tape sur la main, la fessée et la gifle sur le même plan. Elles n’ont ni le même sens ni la même portée pour l’inconscient de l’enfant. La gifle, toujours brutale et humiliante, devrait être proscrite.
Le visage représente l’identité et il est, en outre, le lieu des sens – le regard, la voix, l’ouïe – qui servent à communiquer. Une fessée permettra parfois de stopper une crise quand l’enfant, prisonnier de sa colère, hurle ou se roule par terre et reste sourd aux paroles de l’adulte. Mais elle doit rester un geste exceptionnel, sous peine de perdre tout pouvoir symbolique et de mener à une escalade irréversible. Quant à la tape sur la main ou la fessée, son sens est clair : « Arrête ! » Elle fait partie d’un code tacite entre l’enfant et l’adulte, lorsque le regard "interdicteur" et le haussement de ton se sont avérés inefficaces. Mais le malheur est que les parents chez nous, surtout le papa, ont souvent recours à ce genre de punition, l’adulte énervé se soulage ainsi par le biais de la brutalité ou il se rappelle de ce qu’il a subi lui-même dans son enfance. D’ailleurs la majorité des parents interrogés justifient ainsi la punition corporelle : «Nous avons tous été frappés ou giflés par nos parents». Une fessée par contre peut être la solution. La seule condition est que les parent doivent justifier et expliquer la punition ; autrement dit ils doivent faire comprendre à l’enfant pourquoi il a été puni, cela développe en même temps chez lui le sens du mérite et donc il ne ressentira pas la punition comme une injustice, s’il se trompe il sera puni et fera donc tout pour mériter une récompense.
Ne jamais punir n’est pas la solution
Il faut aussi signaler que certains parents - même s’ils sont rares chez nous - ne punissent presque jamais leur enfants croyant que c’est mieux, craignant parfois les soi-disant effets psychologiques sur l’enfant ou simplement se basant sur leurs histoires personnelles disant : «Mes parents m’ont trop puni étant jeune et ça n’a pas donné de résultats bénéfiques donc je vais simplement me comporter différemment avec mes enfants». Cela est, selon les professionnels «faux», «simplement parce que les besoins psychologiques et même sociaux de l’enfant d’une époque à une autres ont totalement différents», nous a expliqué Mlle Haouès, spécialiste en sociologie éducative. «Donner des limites à un enfant, c’est lui dire ce qui est acceptable ou non pour vivre en collectivité et donc répondre aux normes imposées par le groupe social répondant aux règles culturelles, religieuses et sociales. C’est le préparer à la vie. Beaucoup de parents confondent le fait de poser des limites et l’idée que ce serait agressif. Mais en même temps, quand il s’agit de punir un enfant pour le protéger, même l’agressivité est permise. Prenant l’exemple d’un enfant qui joue avec des objets dangereux, touche au feu, l’adulte n’hésite pas à lui donner une tape pour qu’il ne se fasse pas mal». Ainsi c’est sur ces bases que les parents doivent agir, ils doivent admettre qu’une grosse bêtise nécessite une punition plus sévère. Il est important de comprendre que les parents qui ne punissent pas ne donnent pas de repères à leurs enfants.