Psychologue clinicienne, militante des droits de la femme au sein d’une association féminine, elle lutte depuis des années pour une amélioration du statut de la femme au sein de la société algérienne et une abolition de toute forme de violence. Entretien.
Quelles sont les causes de la violence faite aux femmes ?
Toute femme, peu importe les circonstances de sa vie, risque d’être victime de violence. Selon les statistiques, certains facteurs peuvent, de façon directe ou indirecte, augmenter les risques de la femme d’être maltraitée. Sans être nécessairement des causes directes de violence, ces facteurs de risque sont associés à la violence et augmentent la probabilité d’actes violents.
Bien que la violence à l’encontre des femmes soit un phénomène universel, nombreuses sont celles qui sont victimes de formes spécifiques de violence en raison de certains aspects de leur identité. Plus les femmes sont jeunes, illettrées et pauvres, plus elles constituent des proies faciles et plus elles ont de mal à s’organiser pour lutter en faveur du changement.
Il existe de nombreuses théories et des divergences d’opinions sur les causes de la violence, mais aucune explication définitive n’a encore été formulée. De l’avis de bien des spécialistes, la répartition déséquilibrée du pouvoir entre les femmes et les hommes dans la société, depuis longtemps, continue d’être un facteur central. Ils relient les mauvais traitements et les actes de violence envers les femmes à la réalité sociale et économique de ces dernières, c’est-à-dire à toutes les attitudes discriminatoires, aux valeurs, aux comportements, aux structures et aux institutions qui rabaissent, isolent et marginalisent les femmes.
Pauvreté, manque d’éducation, jeunesse sont aussi autant de facteurs aggravants de la discrimination à l’égard des femmes. Quelle que soit la cause, aucune circonstance ni aucune situation ne justifient le recours à la violence. Chaque personne a la responsabilité de mettre fin à la violence et d’apprendre à former et à maintenir des relations saines.
A votre avis, la perception sociale de la femme est-elle incriminable ?
Le code de la femme qui infériorise encore la femme et renie le principe même de l’égalité des sexes en Algérie, reconnue par la constitution, en est la preuve tangible du statut qu’accorde la société algérienne à cet individu. L’ordre social algérien est un ordre de domination du féminin par le masculin, selon un système structuré. La femme considérée comme «second sexe» subi au quotidien des violences souvent tolérées par le corps social.
Notre société patriarcale fait preuve de misogynie ambiante à l’égard des femmes qui bien que déterminées à lutter pour arracher leur place, sont en train de subir toutes formes de violence. La loi de la soumission, imposée aux femmes depuis leur tendre âge, par le corps social est incriminable dans cet état de fait. La femme reste, de se fait, tiraillées entre un conservatisme aliéné et un autoritarisme vicieux. Enfin l’image accordée à la femme par l’ordre social conservateur est celle d’une femme soumise. De ce fait, toute femme désirant mettre en doute ce système bien structure est sujette à des violences sous formes diverses.
Dans la rue comme dans tous les espaces publics, les femmes font l’objet d’agressions verbales même si l’intention n’est pas de faire du mal. Comment doit-on décrypter ce phénomène au plan psychologique ?
Ce phénomène, très en vogue dans notre société, mérite réellement une minutieuse analyse. La violence à l’égard des femmes est une vraie pathologie sociale. Dans notre société, elle gagne tous les espaces.
L’émancipation de la femme algérienne qui fait preuve, aujourd’hui, d’autonomie et bénéficie de plus de liberté, ainsi que son appropriation de secteurs traditionnellement réservés aux hommes, ne sont-elles pas génératrices de frustration du côté des hommes ? Tout à fait, les femmes ont longtemps souffert de l’arbitraire masculin, notamment lors de la tragédie nationale où nombreuses étaient violées, pour préserver leur vie, ou de quitter leur boulot. Les femmes, après des années de soumission, se sont frayées une place dans la société. Conscientes de leur condition, elles ont déduit que le seul chemin vers la liberté est de devenir elles-mêmes actrices de leur destin en devenant actives et indépendantes. Ce qui n’est pas sans déranger l’ordre social établi et certains hommes qui voient dans la réussite de la femme un échec de leur virilité ou une forme d’impuissance. Les femmes maintenant sont universitaires, elles sont actives, possèdent une voiture, voire un appartement, elles ont un compte en banque et cela, malheureusement dérange le patriarcat et la conception culturelle de la société algérienne, selon laquelle la femme est inférieure à l’homme ou dépendante. Des lors, l’ordre social commence à légitimer des violences car la conception culturelle dominatrice est altérée. Ce qui explique aujourd’hui que la femme algérienne est fortement exposée à une violence contextuelle.
D. S.
Par : D. Soltani