Internet reste l’une des plus grandes inventions du siècle sans conteste. Un formidable moyen de communication, d’information et d’échange sans limites ni frontières. Cependant, ce moyen est aujourd’hui le terrain de l’évolution de nombreux phénomènes plus ou moins pernicieux.
Le piratage des films sur Internet est l’un de ces fléaux qui prend aujourd’hui une ampleur important dans le contexte algérien, particulièrement parmi les jeunes qui semblent aujourd’hui trouver une alternative incontournable pour être à jour avec ce qui se déroule dans le monde cinématographique. Plus besoin de patienter des semaines ou des mois avant de pouvoir regarder le dernier film de Robert Redford ou de Brad Pitt sur les écrans du ciné. Les internautes ont trouvé l’issue : télécharger le film via le net. C’est d’ailleurs par ce fait qu’expliquent de nombreux observateurs la chute de la vente des billets de cinéma dans de nombreux pays où la vente de VCD contrefaits est un phénomène en vogue. Il est à noter, dans le même sens, que la généralisation du piratage a atteint des seuils record en Algérie où l’organisation Business Software Alliance estime que le taux de piratage des logiciels, à titre d’exemple, est estimé à 84%. Cela met notre pays en tête de liste dans le monde arabe en matière de piratage. Ainsi, qu’il s’agisse des systèmes d’exploitation (Windows notamment), des applications les plus ordinaires (Word, Excel, Photoshop, antivirus, etc.) ou des jeux, films et musique, toutes les formes de piratage sont pratiquées en Algérie. Viennent ensuite les activités très répandues dont le téléchargement des vidéos via Internet, de vidéos et de musique copiés, par la suite, sur des CD. Activité moins délictueuse, de l’avis de quelques producteurs, mais tout de même pernicieuse. En effet, les jeunes algériens s’adonnent aujourd’hui à un nouveau loisir, il s’agit du téléchargement des films les plus récents sur internet. Ces jeunes ne se contentent plus de cette forme de piratage. Leur objectif n’est pas uniquement de regarder des films récents classés premiers dans le box-office, mais faire des copies piratées de la vidéos afin de les exploiter. L’absence d’étude en Algérie sur le piratage des films via le net ne permet pas de donner une appréciation statistique sur l’ampleur du phénomène. Cependant, faire un tour dans les cybercafés de la capitale permet vraiment d’avoir un regard plus ample sur la question. Ainsi, au cybercafé de Kouba, le propriétaire n’hésite pas à nous déclarer que la majorité des jeunes qui rentrent au cyber viennent pour télécharger des films. « Le faible débit ne les dissuade point » ajoute le propriétaire.Réda, jeune homme âgé de 23 ans, affirme recourir au téléchargement des films et de la musique sur des sites non sécurisés. «Je ne suis pas le seul qui télécharge et enregistre des vidéos. Tous mes copains font ça. On choisit les films les plus cotés dans le box-office, car funs du cinéma que nous sommes, on ne peut pas patienter pour avoir la version originale du film. On s’échange après les CD-ROM entre nous ou on les vend à des prix abordables. Je pense qu’on ne nuit à personne puisque Internet nous offre la chance d’être à jour avec les nouveautés du cinéma mondiale», confie Réda. Mounir, à son tour, jeune informaticien et gérant d’un cyber à Kouba, nous a affirmé que les sites de téléchargement, souvent pirates, (puisque l’Algérie semble être en retard dans le payement en ligne) sont les plus fréquentés par les algériens. «Les internautes algériens recourent au téléchargement illégal des productions étrangères. Malgré le faible débit de connexion qui fait que le téléchargement d’un film peut prendre des heures, sinon une journée entière, les cinéphiles prennent leur mal en patience et mobilise le PC pour le plaisir de voir les dernières productions hollywoodiennes», affirme Mounir. Pour Hichem. B, jeune producteur algérien, le danger économique réel du piratage concerne surtout les "blockbusters", les films à gros budgets qui attirent les foules dans tous les pays et qui sont diffusés dans les vidéos clubs de certains pays avant même leur sortie en salles. Le décalage est grand entre les moyens limites des distributeurs des pays du sud qui ne peuvent pas payer des copies neuves et qui sont obligés d’attendre que des copies usagées soient disponibles (cela peut prendre des mois et entre temps, les films sortent en vidéo clubs sur format VHS ou DVD) et les grandes compagnies occidentales qui diffusent les films simultanément sur des centaines d’écrans. Concernant la lutte contre le phénomène de la piraterie, le vide juridique est relevé par bon nombre de juriste. A ce propos, Mme Ibouchoukane déclare que «la législation algérienne ne prononce aucune peine à l’égard des pirates de films à travers le net, contrairement à d’autres pays dans lesquels ce délit de fraude est pénalisé». Pour lutter contre la piraterie des films sur Internet, l’avocate déclare que «l’Algérie doit suivre l’exemple de plusieurs pays qui ont adopté des lois qui incriminent ces pratiques frauduleuses. Ainsi, à l’instar du Canada qui s’est récemment doté d’une loi contre le piratage des films allant de deux à cinq ans d’emprisonnement de la personne reconnue du délit de piratage, ou la France qui considère la vente de produits piratés comme un délite de contrefaçon passible de trois ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende, l’Algérie devra renforcer son arsenal juridique pour lutter contre le fléau».
Par : D. Soltani