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Phobie de l’engagement
Le mariage, ce Rubicon tant redouté !
21 Janvier 2009

Huit millions d’Algériens entre 18 et 40 ans, en âge de se marier n’ont pas encore franchi le pas. Plus de cinq millions d’entre eux sont des hommes. Au facteur des conditions socioéconomiques difficiles vient se greffer la peur de l’engagement. L’idée du mariage ne semble plus séduire les hommes algériens. Décryptage.

Karim a 36 ans. Il a bien profité de sa jeunesse et porte fièrement le titre de coureur de jupons. Les aventures sans lendemains sont sa spécialité. Il suffit que l’une de ses nombreuses conquêtes entament le sujet épineux du mariage pour qu’il prenne ses jambes à son cou.. Il le sait et l’avoue à tout le monde, y compris sa famille. «Je ne suis pas fait pour ça. Je n’arrive pas à m’imaginer en tant qu’époux et père de famille». Des mots tels que vie commune, stabilité et enfants sont pour ce trentenaire en quête d’amour synonymes d’horreur. Pourtant, il a tout pour fonder un foyer. Il est même ce qu’on pourrait définir comme le bon parti dont rêve plusieurs jeunes femmes. Il travaille comme informaticien dans une boite de communication, possède un bel appartement au centre ville de la capitale, une voiture et un crédit en banque. Et pourtant, rien que l’idée de l’engagement leur fait terriblement peur. Son ami Ahmed dit ne pas voir en le mariage un fardeau financier. Pour lui, il s’agit plus d’une véritable phobie de l’engagement. «Je ne peux pas nier que la solitude est parfois déprimante. Mais, je préfère rester célibataire que de rater ma vie dans des disputes insignifiantes. Il suffit de voir comment sont devenus mes amis qui se sont mariés pour renoncer définitivement à l’idée. Ces mêmes personnes étaient il y a quelques années pleines de vie et de joie. Même les mariages qui ont été le fruit d’une longue histoire d’amour se sont terminés par un échec fulgurant», dit-il. L’amour éternel est-il devenue une utopie dont croient seuls les êtres trop optimistes. Pour plusieurs jeunes interrogés, le mariage actuellement est devenu une prison.
Ceux qui défendent cette optique se qualifient de personnes réalistes, mais surtout avisées. «L’amour est un piège qui vous mène droit vers la prison qu’est le mariage».
Les psychologues appellent cela «la phobie de l’engagement», un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur. «Cette phobie est beaucoup plus fréquente chez les hommes. Pour eux, couple implique privation de libertés. La vie à deux les effraie et ils finissent par rompre. Même ceux qui continuent restent sans s’impliquer dans le couple, ce qui mène à un échec», explique F. Rabhi, psychologue.
Pour elle, le phénomène de la phobie du mariage est associé au modernisme. Il s’agit d’une génération d’hommes qui voient dans le travail la source principale de satisfaction. Ils qualifient donc le mariage de barrière ou contrainte à leurs ambitions professionnelles. «De plus, dans les classes sociales aisées, les relations sont de plus en plus ouvertes. Il est aujourd’hui facile pour un homme d’avoir une relation affective sans forcément aboutir au mariage. Celui-ci finit par s’adapter à ce style de vie qui n’exige de lui aucun engagement, donc aucune responsabilité, mais qui lui permet également de rompre sa solitude», ajoute-t-elle.
La société est bel et bien en train de changer. Des milliers d’hommes âgés de plus de 35 ans, sont encore célibataires. Huit millions d’Algériens ont atteint l’âge du mariage et sont encore célibataires. Et ce n’est pas tout. La capitale, à elle seule, compte plus de 800.000 célibataires et un chiffre record de divorces. Rien qu’en 2007, 35.000 divorces ont été prononcés. Le divorce semble avoir pris, ces cinq dernières années des proportions alarmantes. Et pour cause, la majorité des divorces a été constatée parmi les couples nouvellement mariés, soit à hauteur de 65% de la population divorcée.
Des échecs qui ébranlent la crédibilité de ce système social, à savoir le mariage, aux yeux de plus en plus de jeunes. Ceux-ci se demandent pourquoi perdre leur temps et énergie dans une relation qui est, dès le départ, vouée à l’échec.
Pour Mme Rabhi, le problème réside avant tout dans l’éducation. «Dans nos familles, on apprend à la fille, dès son plus jeune âge, qu’elle est faite pour se marier et pour devenir mère». Au sein de la famille, elle apprend, au fil des ans, comment elle jouera ce rôle. En revanche, cela est loin d’être le cas pour le garçon. On ne lui apprend donc pas comment assumer la responsabilité en tant qu’époux ni en tant que père. C’est à partir de là que le conflit commence. Si pour la femme, mariage représente sécurité, protection et stabilité, il devient pour l’homme synonyme d’obligations et d’étouffement. La femme commence sa vie conjugale avec de grandes attentes de son futur époux, exigeant de son conjoint toute l’attention et la compréhension. Des attentes qui finissent, hélas, par une grande déception. Tout est donc, pour la psychologue, imputé aux schémas classiques d’éducation qui «doivent être revues», souligne-t-elle.
En dépit de cette vision fataliste du mariage que développent plusieurs hommes, le mariage reste enfin une entreprise qui peut aussi bien aboutir. La question n’est pas de se marier ou pas, mais de savoir gérer son couple, assumer les responsabilités et se remettre en cause.
D. S.

Par : D. Soltani

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