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Impuissance sexuelle en Algérie
Ces couples victimes de la loi du silence
30 Novembre 2008

Tabous et loi du silence aidant, il est difficile de récolter des informations fiables sur la sexualité des Algériens. L’impuissance est donc entourée du plus grand secret, tue par des hommes touchés dans leur virilité et incapables de révéler leur trouble considéré comme un handicap. Pourtant, plusieurs témoignages de couples, des avis de spécialistes, urologues, sexologues et même des psychiatres sur l’impuissance font état de l’amplification de ce phénomène. Zoom

On connaît peu de choses sur la sexualité des Algériens. Traditions et tabous engendrent un mur de silence souvent infranchissable. Des études sur la sexualité des algériens, il y en a peu pour ne pas dire pas, ce qui empêche l’évaluation exacte de la situation dans laquelle se trouvent les couples algériens. Des hommes en proie à l’impuissance sexuelle, à l’éjaculation précoce, ou à d’autre problèmes sexuels préfèrent mettre sous le sceau de la honte leur problème plutôt que d’y remédier en allant rencontrer un spécialiste en la matière. Ces derniers négligent les enjeux que leur silence, à même d’engendrer sur l’équilibre de leur couple, voire sur leur équilibre psychologique. La consultation médicale est conçue comme une atteinte à leur virilité. Quant à partager leur douleur avec leur conjointe, cela semble une impossibilité.

Témoignage
«J’ai longtemps souffert en silence. Ce qui a augmenté mes souffrances. Mais j’ai enfin décidé d’agir. Je suis allé chez le médecin et je lui ai expliqué mes maux. Je détestais rentrer à la maison et je m’absentais souvent à tel point que ma femme doutait que j’avais une maîtresse», explique Ahmed, ingénieur âgé de 35 ans.
Raouf, quant à lui, n’a pas manqué de mettre des mots sur ses maux insoutenables qui ont longtemps durés. «J’ai découvert que je souffrais d’impuissance sexuelle suite à mon diabète. Mon érection était de plus en plus lente au départ pour disparaître carrément après. Ma femme se doutait de mon problème. Nos rapports sexuels devenaient rarissimes, mes coups de gueule plus fréquents. Ma femme ne supportait plus mes crises de nerfs. Elle a demandé le divorce. J’ai cédé sans trop poser des questions préférant garder le silence sur mon handicap que je ne voulais partager avec personne, même pas un médecin», témoigne-t-il non sans amertume.
Contrairement à ces deux hommes, Wahid, victime d’un traumatisme cérébrale qui lui a causé une impuissance sexuelle, n’a pas hésité à partager son lourd fardeau avec son épouse qui l’a épaulé dans les moments les plus durs. «J’étais désemparé, je croyais qu’elle allait me quitter mais enfin, mes doutes s’étaient vite estompés. Ma femme était pour moi un véritable soutien moral. Elle m’a accompagné chez l’urologue. On est même partis voir un sexologue qui m’a prescrit un traitement efficace. Après deux ans de traitement, j’ai enfin pu recouvrer ma virilité», raconte-t-il. Pour cet homme, ce tragique évènement lui a permis de connaître la valeur de son épouse. «Une femme exemplaire», comme il ne cessait de la qualifier.
Des témoignages et bien d’autres racontent comment des couples sont arrivés jusqu’au divorce à cause d’un problème sexuelle qu’ils n’arrivaient pas à surmonter par honte.

Le poids du silence
Pour M. Harbi, urologue, «Les femmes sont plus nombreuses à consulter pour motif de difficultés sexuelles que les hommes. Ces derniers vivent péniblement toute maladie la considérant comme une atteinte à leur virilité».
Questionné sur la possibilité de donner des chiffre exacte sur l’ampleur de l’impuissance sexuelle chez les hommes, l’urologue signale que jusqu’à maintenant, aucune étude algérienne sérieuse n’a été effectuée sur le sujet, néanmoins des chiffres sont révélés de temps en temps pour mesurer l’état des lieux. Il cite à titre d’exemple le plus récent chiffre du ministère de la santé datant de mai 2008 où le professeur Ahmed Khodja, spécialiste en urologie, avait annoncé le chiffre de 2,5 million d’Algériens atteint d’impuissance sexuelle entre cardiopathes et diabétiques.
M. Harbi déplore le fait que de plus en plus d’algériens atteints d’impuissance sexuelle négligent leur pathologie malgré l’existence de médicaments efficaces et d’une prise en charge complète du trouble qui est parfois le symptôme d’un autre trouble. «L’ignorance sexuelle servant, le tabou et le silence qui entoure la question du sexe sont autant d’élément qui favorise cette attitude vis-à-vis de la sexualité. Or pour qu’un homme puisse se rétablir de son problème, il ne suffit pas de consommer à tort et à travers du viagra, ce qui recèle des dangers importants sur la sanaté, mais à aller au fond du problème pour comprendre pourquoi la sexualité est en panne», dit-il.
Il ajoute par ailleurs que l’absence de sensibilisation de la société civile sur les troubles sexuelle, la défaillance de l’éducation sexuelle ainsi que la culture de l’omerta qui régit notre société sont autant de facteurs qui contribuent dans l’amplification de ce fléau.

Prévenir vaut mieux que guérir
De son côté, Dr H. Ahmed, neuropsychiatre, spécialisé en sexologie affirme qu’il reçoit dans son cabinet plusieurs hommes souffrant d’impuissance sexuelle. La caractéristique commune à tous ses patients, signale-t-il, est qu’ils ont tous des difficultés à exprimer leur problème et ce, en raison du tabou qui entoure la sexualité.
A la question sur le nombre des hommes souffrant d’impuissance sexuelle, M. H. Ahmed, a affirmé ne pouvoir donner qu’une estimation approximative fondé sur le nombre des cas qui consultent quotidiennement son cabinet. «Il mérite d’effectuer une véritable enquête sur la sexualité des algériens pour pouvoir donner des chiffres sur la question (...) «Il est difficile pour un homme algérien qui a toujours été élevé avec l’idée que son sexe représente sa virilité et fait sa supériorité par rapport à la femme d’admettre qu’il est dans l’incapacité d’exercer sa virilité».
Le sexologue continue dans le même sens expliquant qu’il y a différents degrés d’impuissance sexuelle, la question n’est pas finale. «On ne peut pas dire qu’un homme est capable de faire l’amour alors qu’un autre en est incapable. Mais la question dépend des capacités personnelles, de l’âge et de l’état psychique et de santé», confie-t-il en poursuivant qu’à cause du silence qui règne dans notre société, il est difficile de juger l’exactitude du chiffre, d’autant plus que la catégorie des gens qui se rend chez un sexologue ou un urologue ne représente pas toute la société algérienne. Ceux qui sont conscients d’avoir un problème et qui ont le courage d’aller voir un spécialiste sont souvent des personnes d’un certain niveau d’éducation.
Un autre aspect important débattu par le sexologue est le fait que la sexualité constitue une zone d’ombre que nul n’ose aborder, et ce, bien qu’elle soit vitale. «Plusieurs hésitent à consulter un spécialiste et s’ils le font, ils réclament de le faire sous le sceau du secret», dit-il.
Malgré cela, dans une société conservatrice où longtemps le tabou a régné, certains hommes osent, malgré le poids lourd du tabou qui entoure la sexualité en Algérie, à rompre les lois du silence. Enfin, à croire les spécialistes, l’impuissance sexuelle tut serait l’une des principales causes du divorce. A quand donc une véritable enquête sur le phénomène ?

Par : D. S.

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