Le jeudi a été décrété depuis le début de l’année scolaire journée fériée pour les enfants du primaire. En effet, après que le ministère de l’éducation nationale ait adopté la mesure par laquelle le jeudi est inclus dans le week-end pour les élèves du primaire, dès cette année scolaire, plus de quatre millions d’enfants se retrouvent oisifs tout au long du Week-end.
Cette mesure, résultat des multiples sollicitations des parents d’élèves, qui se plaignaient de la surcharge des programmes issus de la réforme du système éducatif, expose ces derniers aujourd’hui à un autre problème plus sérieux.
Si cette disposition permet réellement de réduire les difficultés des enfants à assimiler les programmes et à s’adapter avec le volume horaire qui leur est imposé, une autre problématique plus sérieuse se pose. Celle de la manière dont les enfants occupent leur temps au cours de cette journée. Autrement dit, où se dirigent les écoliers pendant les jeudis dorénavant fériés ?
«Le fait que mes deux enfants n’étudient pas le jeudi me met dans une situation embarrassante. Je travaille les jeudis et donc il m’est impossible de prendre soin de mes gosses. Je ne peux pas les laisser seuls à la maison, ni leur permettre d’aller dans la rue. C’est alors que j’ai décidé de faire appel au service d’une nourrice pour s’occuper de mes gosses», avoue, contrariée, Farida
En effet, nombreuses sont les familles qui avouent arriver difficilement à trouver un programme constructif pour leurs gosses lors de cette journée. Si les unes choisissent d’envoyer leurs rejetons dans les bibliothèques municipales pour profiter plus efficacement de leur vacuité, d’autres les délaissent dans les rues, tandis que certaines font appel aux proches disponibles pour s’occuper d’eux.
Manque criant
d’infrastructures de loisirs
Si le jeudi a été décrété une journée fériée, c’est pour permettre aux gosses d’en tirer profit de ce week-end prolongé d’une façon constructive. En ce sens, l’occupation appropriée des écoliers pour cette journée serait un programme riche et instructeur qui associe lecture, sport et d’autres loisirs.
Seulement, la plupart des gosses se trouve totalement désœuvrés vu la non-disponibilité des parents, le manque criant d’infrastructures de loisirs, l’absence de bibliothèque municipale, d’aire de jeux, de stade ou de piscine.
Nadia, une mère de famille, la quarantaine dépassée confie devoir prendre son enfant, scolarisé en deuxième année élémentaire, avec elle au bureau de peur de le laisser seul à la maison. «Heureusement que j’ai un bureau individuel. Cela me permet d’avoir la paix quand mon enfant, extrêmement turbulent, est avec moi chaque jeudi».
De son côté, Houria affirme envoyer son gosse chez sa grand-mère qui habite à Tipasa, mercredi soir pour ne le récupérer que le jeudi en fin de journée. Un fardeau dont elle ne sait plus comment se décharger.
«Le jeudi ne doit
pas être synonyme de désœuvrement»
Mme Nadia est psychopédagogue. Sa vocation, s’occuper des enfants. Son passe-temps favori, initier les rejetons à la lecture. «Pour qu’un enfant évolue sereinement, il est des activités pédagogiques qui y contribuent largement. En ce sens, la lecture, le sport, la musique et la danse sont autant de loisirs indispensables. Malheureusement, aujourd’hui, de plus en plus de familles ignorent l’importance de ces activités qui boostent la créativité de l’enfant et nourrissent son esprit».
S’exprimant sur le programme des enfants lors de leur journée fériée, la psychopédagogue n’a pas manqué d’afficher sa désolation en constatant sur le terrain que nombre d’enfants sont livrés à eux-même en l’absence des parents. «Le jeudi doit être une journée consacrée aux activités artistiques comme le dessein, le sport, la lecture ou autre. Mais pour ce faire, il est impératif que les parents se rendent compte de l’importance de ces activités».
La spécialiste souligne également que le manque criant en infrastructures, l’absence de bibliothèques dans de nombreuses communes est un fait déplorable. «Il aurait été intéressant que chaque école initie un programme riche pour les écoliers au lieu de les laisser ainsi désœuvrés», s’enquit-elle.
Les enseignants aussi
se plaignent
Si le jeudi est une journée fériée pour les enfants, ce n’est pas le cas des enseignants, pour lesquels la journée du jeudi est décrétée journée de réception des parents. De ce fait, même les enseignants du cycle primaire ne savent pas comment résoudre ce problème. Karima enseignante au cycle primaire avoue souffrir, à son tour, de ce problème. «Ma fille âgée de 9 ans n’a pas école le jeudi et je ne sais vraiment pas où la placer. Mes deux fils sont à la fac et mon mari travaille, donc elle se retrouve seule à la maison. La semaine dernière je l’ai placée chez la voisine, mais à mon retour j’étais choquée en la trouvant dans la rue en train de jouer à cache-cache avec les autres enfants », confie-t-elle.
L’institutrice, pétrifiée à l’idée des dangers qui guettent sa fille dans la rue, a décidé de la confier à l’une de ses amies célibataires et femme au foyer, le temps de trouver une autre issue.
Malheureusement, si certains parents s’arrangent toujours pour trouver une solution à ce problème, d’autres, démissionnaires, inconscients des périls de la rue, délaissent leur progéniture. Le constat des enfants qui pullulent dans les ruelles des quartiers est en ce sens une belle illustration de la démission d’une catégorie de parents insoucieux.
Enfin, il est à signaler que si les enfants des zones urbaines se trouvent cloîtrés à la maison pendant le week-end prolongé, ou dans le pire des cas, délaissés par leurs parents, ceux des régions rurales sont plutôt exploités dans les travaux domestiques ou agricoles. Le ministère de l’éducation semble, dans son programme de réforme du système éducatif, avoir oublié cette dimension aussi importante. Il y songera peut-être à l’avenir, mais entres- temps, les parents doivent s’arranger de sorte à adopter un programme riche en activités pour leur progéniture.
D. S.
Par : d. soltani