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Harcèlement sur la voie publique
Ces femmes qu’on harcèle au volant…
12 Octobre 2008

Il est des conduites inciviles qui vous laissent pantois. Le harcèlement infligé à la gent féminine est, en ce sens, un comportement fortement présent dans la vie sociale.

Bien qu’il soit encore tu par de nombreuses victimes, vu le caractère conservateur et masculin de la société algérienne, ce fléau est présent chez nous sous ses diverses aspects. Ainsi, il peut être sexuel ou psychologique. Il peut avoir pour théâtre le couple, le travail, la famille où la voie publique.
Aujourd’hui, dans les ruelles de la capitale, les routes d’Alger, une forme différente du harcèlement est de plus en plus constatée. Il s’agit du harcèlement au volant que subissent les automobilistes femmes. Un phénomène qui risque quelques fois de tourner au drame. Bon nombre de femmes font état de leurs mésaventures au volant. Quelques-unes ont même failli être violées, d’autres, contraintes à se garer par leur agresseur, ont été victimes de vol, tandis que certaines ont risqué de causer un carambolage en tentant d’éviter de justesse un chauffard insolent.
En effet, le harcèlement des femmes conductrices au bord de leur véhicule est une réalité incontestable de nos jours. La voiture est devenue de ce fait le moyen de transport de tous les dangers. Les témoignages émouvant de femmes confrontées à ce vécu sont légions.

La voiture de tous les dangers
Questionnée à ce propos, Sabrina n’a pas caché son incrédulité face à ce comportement rustre émanant d’une catégorie d’homme. «A chaque fois que je suis à bord de ma 406, j’ai à affaire à des hommes impertinents qui tentent de me harceler. Récemment, en sortant du boulot vers les coups de 16 h30, j’ai été assailli par un chauffard de camion qui voulait à toux prix avoir mon numéro de téléphone. Le chauffard en question faisait des zigzags tout au long de la route. J’ai pris peur, alors, dans une tentative de l’éviter, j’ai failli percuter une autre voiture qui se trouvait juste devant la mienne. J’ai alors diminué la vitesse pour prendre la fuite car je présageais le pire en voyant le regard enflammé de ce rustre», témoigne-t-elle.
Amina, quant à elle, nous livre son histoire, après qu’un jeune âgé à peine de 17 ans, en compagnie de deux autres adolescents, l’ont pourchassé sur l’autoroute menant vers Tipasa. «Ils m’avaient traquée et m’ont contrainte à garer ma voiture. En me parquant, l’un d’eux est descendu du véhicule, armé d’un couteau à cran d’arrêt et m’a demandé de lui filer tout objet de valeur en ma possession. Ils ont rapidement pris la fuite», nous confie-t-elle, terrorisée au souvenir de cet épisode regrettable.
Nadia, s’est vu harcelée et volée en plein jour au centre ville d’Alger, alors qu’elle sortait de chez elle en direction de la salle des fêtes où elle était invitée. «Je venais à peine d’embarquer lorsqu’un jeune à bord de son véhicule m’arrêta. Les évènements se sont rapidement succédés ensuite, puisqu’en baissant la vitre pour lui parler, un voleur, certainement son complice, m’a volé mon sac et mon petit coffret à bijoux. J’ai déposé plainte, mais les voleurs n’ont pas été arrêtés à ce jour», raconte-t-elle.

Quand l’agression sexuelle sous-tend le harcèlement
Si le motif de vol suivi de harcèlement est de plus en plus fréquent, Il n’en est pas moins du mobile de l’agression sexuelle.
A ce propos, Farida raconte avec amertume l’incident qui n’a pas quitté sa mémoire. S’apprêtant à prendre place à bord de son véhicule, un homme est sorti de la sienne en se dirigeant droit vers elle. Il lui ordonna de baisser la vitre pour pouvoir lui parler. Sans réfléchir, elle se plia à sa volonté. Le jeune homme, qui semblait sous l’effet d’un psychotrope, selon ses dires, a tenté de l’embrasser de force, devant les regards de tous les passant choqués certes, mais impassibles. «Ce qui m’a choquée est que mon agresseur n’a même pas pris la fuite suite à son agression, mais a tenu à se retourner pour me montrer son visage souriant comme s’il voulait se moquer de moi. A ce moment, je me suis sentie humiliée comme je ne l’avais jamais été de ma vie. J’ai eu en tête toutes les histoires de harcèlements sexuels qui m’ont été racontées par des amies et dont j’ai fait l’objet. Et j’ai décidé de me venger, de revendiquer mon droit et aussi celui des autres filles qui n’ont pas osé réclamer le leur ». Elle nous a raconté comment elle a commençé à crier au scandale lorsqu’une patrouille de police passa par là. Elle ne lâcha pas prise et exigea justice. Après que le garçon fut arrêté par les éléments des forces de l’ordre, l’un des citoyens qui assistait à la scène, sans aucune pitié pour la jeune fille qui se faisait agresser, n’hésita pas à lui dire «Tu es une femme, respecte-toi», « Vous les femmes, vous êtes fautives et responsables de ce qui vous arrive, vous vous habillez de manière provocante ».
Aussi incroyable que cela puisse paraître, une femme est toujours victime dans une société machiste. Mme R. Saïfi, sociologue nous explique que le harcèlement sexuel gagne du terrain dans la société algérienne et profite du silence des victimes sur leur vécu. « Qu’il soit au travail, sur la voie publique ou au sein du foyer, ce fléau ne peut être éradiqué que par l’adoption de sérieuses mesures répressives à l’encontre des agresseurs. Sensibiliser les femmes sur leur droit à défendre leur intégrité et leur dignité est un impératif », insite-t-elle.
Pour expliquer le comportement indécent de cette catégorie d’homme, N. Faiza, écoutante dans un centre d’écoute, affirme que «Certains hommes algériens souffrent de machisme. Ils ne tolèrent pas qu’une femme puisse conduire et avoir accès à un statut social autre que celui dictée par la société. Cependant, la femme d’aujourd’hui, travaille et conduit et cela les rend fous. Pour se venger de cette femme, il n’y a pas plus efficace que de lui rappeler sa fragilité en la pourchassant comme une proie apeurée sur la voie publique.
Pour conclure, il importe de dire que les femmes algériennes continuent à lutter contre le harcèlement sexuel. Toutefois, leur lutte ne doit-elle pas commencer par une rupture totale du silence sur ce type d’agissements ? Dire basta au harcèlement sexuel sur la voie publique, dénoncer son agresseur auprès des autorités concernées et défendre sa dignité sont, sans aucun doute les meilleurs procédés pour contrecarrer ce fléau.
D. S.

Par : D. Soltani

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