Elles arrivent des villes intérieures, fuyant des conditions socioéconomiques déplorables et recherchant dans la capitale le refuge à un vécu miséreux. Mais, à leur arrivée, ce n’est point la vie luxueuse, à laquelle elles ont rêvé, qui les attends, mais un vrai parcours du combattant pour dénicher un boulot à même de leurs permettre de nourrir les nombreuses bouches à leur charge.
Des offres d’emploi, il y en a peu pour ne pas dire guère. L’unique alternative qui leur reste est d’occuper le poste de femme de ménage contre la maigre rétribution qui leur est versée mensuellement. Qui sont-elles ? D’où viennent-elles ? Et comment vivent-elles sous le poids des conditions d’existence difficiles ?
Le recours aux femmes de ménages pour venir à bout des travaux domestiques est, de nos jours, un phénomène caractéristique de la société algérienne. Nombreuses sont les femmes, particulièrement celles actives, qui font appel aux services des «Bonnes ou bonniches », comme a-t-on tendance à les qualifier péjorativement, dans certains milieux sociaux aisés, contre des salaires souvent insignifiants.
5.000 dinars, le prix
de l’exploitation
Manel, la trentaine dépassée, est une femme venue de Tiaret depuis près de six mois, dans le but de rechercher un travail, après que toutes les portes se soient fermées devant elle. «Si j’ai pris la décision de m’expatrier c’est pour prendre en charge ma petite famille composée d’un mari infirme, et deux gosses en bas âge. Dans mon village, je ne trouvais aucune occupation susceptible de me garantir des revenus mensuels. Partir vers Alger, la capitale, était mon unique chance », répliqua-t-elle, avec une pointe d’amertume.
Et d’ajouter : «En arrivant ici, j’ai commencé à chercher un boulot. J’ai exercé dans des fast-foods comme femme de ménage, mais j’étais vraiment exploitée. Un jour, une connaissance à moi m’a proposé de travailler comme servante pour le compte d’une femme médecin qui n’avait point de temps pour s’occuper de son ménage. Ici commença mon calvaire…» continue-t-elle songeuse.
En effet, ce nouveau travail ne fut guère accommodant pour la pauvre femme qui n’a pas manqué de faire état de toutes formes d’exploitation et de maltraitances vécues. «J’étais souvent exposée au harcèlement. Certains ne faisaient certainement pas une grande différence entre une bonne et une « P… ». J’étais confrontée à l’arrogance des femmes chez qui je bossais. En plus de tout cela, j’étais sous-payée. Debout pendant des heures, je faisais un travail impeccable, croyant pouvoir être rémunérée en conséquence. Ce ne fut qu’illusion puisque mes patronnes, quand elles se montraient généreuses, me versaient mensuellement à peine 5000 DA», s’indigna-t-elle.
L’histoire de Razika souligne le douloureux vécu de cette frange de la société. Cette femme dépassant la cinquantaine de près, visage ridé, regard triste, parait beaucoup plus que son âge. Sur son visage, le temps a peint les traits de la misère. «J’ai travaillé pendant plus de 20 ans comme domestique dans divers lieux. Mes enfants sont grands maintenant. J’ai enduré l’exploitation, la misère, le mépris des autres pour les nourrir. Mais, ce qui me chagrinait le plus était quand j’entrevoyais, dans le regard de mes enfants, la honte que mon travail leur causait. Cela sans évoquer les misères que ma fait vivre l’insolence des gens pour qui je travaillais», raconte-t-elle.
Recruter une femme de ménage, une obligation
Plus d’un million et demi de femmes travaillent en Algérie. Le changement du statut de la femme algérienne qui concurrence actuellement l’homme dans un terrain qui lui était jusqu’ici réservé est entre autres facteurs expliquant le recours de plus en plus important aux soubrettes pour venir à bout de ses responsabilités.
Pour Radia, embaucher une domestique est devenue une contrainte de l’époque actuelle. «Personnellement, je travaille et il m’est difficile de joindre les deux bouts. Pour y parvenir, j’ai du recruter une bonne qui m’aide dans les travaux domestiques. Elle travaille quatre jours dans la semaine pour un salaire de 6.000 DA», déclare-t-elle.
Nadia, quant à elle, médecin âgée de 34 ans, mariée, explique le recours aux femmes de ménage par le manque de temps et de disponibilité des femmes qui travaillent. «La gestion du foyer est une lourde tâche. La domestique est en ce sens une exigence et non un luxe, comme on pouvait le constater autrefois», souligne-t-elle.
De son côté, Sabah, explique que travailler pendant toute la journée ne laisse plus de temps à la femme pour s’occuper de la gestion de son foyer.
Enfin, tout comme la nourrice, le recours à la domestique est devenue une exigence incontournable à une époque où peu de femmes peuvent concilier travail et vie de famille. D. S.
Par : D. Soltani