Il semble que la contrefaçon n’épargne aucun secteur en Algérie. Malgré la bonne volonté des pouvoirs publics à lutter contre ce mal qui gangrène la société, ce fléau ne cesse de prendre des dimensions inquiétantes. En effet, les produits contrefaits représentent aujourd’hui 10 % du commerce mondial.
Les lunettes de soleil sont actuellement le segment de la lunetterie le plus durement touché par la contrefaçon. A peine la saison estivale amorcée que ces produits douteux, présentant de hauts risques sur la santé du consommateur, s’écoulent dans le marché algérien. La vente illicite des lunettes de soleil est devenue «une activité légitimée». L’on constate d’ailleurs le nombre croissant de vendeurs à la sauvette ou d’opticiens au chômage qui s’adonnent à ce commerce très florissant. Régulièrement, les douanes algériennes annoncent la saisie de plusieurs milliers de lunettes contrefaites de grandes marques de la mode. En Algérie, à chaque coin de la capitale, des vendeurs à la sauvette exposent, en toute liberté, leurs produits à même le sol.
Leur marchandise, qui bien que contrefaite, ne dissuade pas les acheteurs, ignorants des risques qu’ils encourent en se tournant vers ces produits. Les marques de lunettes de soleil Versace, Dior, Ray Ban, Lacoste, et d’autres marques encore, sont exposées et vendues en Algérie à des prix qui varient entre 200 DA et 500 DA. Ces produits fabriqués par des fabricateurs chinois, présentés comme étant originaux, sont extrêmement nuisibles et risquent, selon les dires de bon nombre d’ophtalmologues et d’opticiens, de causer la cécité. Ces derniers continuent à tirer la sonnette d’alarme sur la nocivité de ces produits. Mais, malgré cela, le consommateur algérien continue en toute inconscience de les consommer.
A ce propos, Mme Soumia, opticienne à Aïn Naâdja, affirme que les lunettes contrefaites sont conçues à partir des déchets plastiques et portent atteinte directement aux yeux. En ce terme, ces produits ne protègent pas les yeux, contrairement à ce que croient nombreux, mais leur nuisent.
Elle souligne également que «les lunettes vendus chez les opticiens et les ophtalmologues ne répondent pas toujours aux critères internationaux et ne sont pas originaux même lorsque leur prix est exorbitant».
Par ailleurs, Mme Soumia déclare que «l’opticien reste la seule personne susceptible de garantir au client l’authenticité des produits choisis. Les lunettes exposées à même le sol sont des produits contrefaits. Même si le client est attiré par leur forme et couleur attractive, il est indispensable qu’il comprenne que ces produits sont contrefaits». Pour Mohamed, opticien à l’optique El-Salem de Aïn Naâdja «les lunettes contrefaites sont cédées à des prix dérisoires, c’est ce qui attire le client ignorant des risques encourus et désirant se protéger contre les rayons ultraviolets. Seulement, ces produits fabriqués en Chine imitent à merveille le produit authentique et attire le consommateurs par des formes et des couleurs très tendance. Ces verres asiatiques, acheminée clandestinement via la Libye, représentent de hauts risques pour les utilisateurs». Dans ce sens, un autre ophtalmologue exerçant au centre-ville d’Alger nous déclare avoir ausculté et traité plusieurs cas d’atteintes de rétine liés à l’usage prolongé des lunettes de soleil contrefaites. Et un autre d’ajouter que la plupart des patients reçus dans son cabinet présentaient des symptômes et des problèmes de vue causés par le port de ce type de lunette de la contrefaçon importées d’Asie. Ces lunettes ne répondent pas aux normes exigées par la loi, a attesté une opticienne. Selon cette dernière, la lunette répond initialement à plusieurs critères de qualité. Malheureusement, les intrus du métier écoulent ces produits à même les trottoirs.
Une autre ophtalmologue n’a pas manqué de signaler que «les lunettes disponibles sur le marché formel et informel sont réalisées en plastique et en verre recyclés et sont montées à la base de déchets de plastique. Le choix de lunettes de soleil reste largement important.»
Ainsi, des modèles contrefaits et de mauvaise qualité ne protègent aucunement les yeux, mais leur nuit. L’usage prolongé de ces lunettes engendre des inflammations, une cataracte précoce, ou une brûlure douloureuse. L’opticienne a estimé, par ailleurs, que les lunettes de soleil en Algérie sont plus conçues dans un but commercial et sans aucun respect des critères sanitaires.
Le trafic de ces produits prend des proportions alarmantes. Les microcommerces qui occupent l’Algérois attirent énormément de clients. Manel, jeune fille, qui faisait la file chez le vendeur pour essayer les différents modèles posés à même le sol à Alger, dira : «On achète ces objets bien qu’on soit conscient de leur dangerosité, mais c’est uniquement pour une période bien précise. Pour moi, l’essentiel est de me protéger des rayons du soleil pendant l’été.»
Mme Soumia, ophtalmologue, nous a parlé des risques courus par les porteurs de fausses lunettes : «Les lunette contrefaites abîment totalement la rétine. Elles ont souvent un rôle plutôt protecteur que correcteur. Les verres colorés devraient protéger les yeux contre les rayons ultraviolets. Les verres très foncés assurent une protection contre les rayons actiniques émis par exemple lors des soudures. Dans certaines usines, les ouvriers portent des lunettes de travail particulièrement résistantes qui préservent leurs yeux des projections de particules de métal.»
Pour se protéger des risques des lunettes contrefaites, Mme Soumia conseille les amateurs de la lunetterie de prendre soin de consulter un spécialiste avant d’acheter les lunettes de soleil. «Cela les protège des risques puisque le médecin pourra les orienter vers un bon opticien dont les produits exposés correspondent aux critères internationaux.»
La sensibilisation des consommateurs sur les risques qu’ils encourent est importante. Nombreux sont ceux qui ignorent les dangers du port de lunettes contrefaites. Il existe, par ailleurs, des machines conçues pour détecter l’originalité et la qualité du produit. C’est ce type de machine qui doit être disponible afin de contrecarrer ce fléau.
Par : d. soltani