La société algérienne est une société conservatrice. Nul doute sur ce point. L’interdit social qui régit des sujets restés longtemps tabous a fait du silence l’unique loi qui domine les rapports sociaux. Aujourd’hui, ce silence semble rompu grâce à la révolution technologique.
En effet, Internet est là et avec son arrivée, il a permis aux langues de se délier, aux cœurs de se libérer et aux âmes tourmentées par le silence de se soulager. Sa formule est simple. Il a ouvert grand ses portes à toute une communauté virtuelle pour parler à cœur ouvert d‘elle-même, sans censure, sans retenues, sans jugement. Sur le net, toutes les populations se confondent avec leur divergence et donnent naissance à une nouvelle communauté immense où tous se côtoient.
Aujourd‘hui, les homosexuels ont aussi fini par trouver leur monde. Etant rejetée par la société algérienne, cette frange de la société a choisi aujourd‘hui le net, moyen efficace, mais surtout anonyme.
En effet, sur la toile, gays et lesbiennes algériens, des communautés mises sur la marge de notre société conservatrice, se libèrent du poids du tabou à travers leurs blogs, des liens web sur lesquels ils parlent de leur expérience en toute ouverture, font part de leur peur et évoquent leur vécu d‘homosexuel dans un contexte qui les réprime sévèrement.
L‘homosexualité est l‘un des tabous majeurs dans la société algérienne conservatrice, régie par une religion, une morale et un ordre social qui interdit, à toute personne, de transgresser les lois pré-instaurées par les instances supérieures. Seulement, aujourd‘hui, les jeunes Algériens homosexuels, confrontés à un jugement des plus sévères, la stigmatisation et la marginalisation, ont trouvé un palliatif à leur manque de communication et sont donc en train de créer des communautés virtuelles qui ont pour caractéristique commune l‘identité sexuelle gay ou lesbienne.
Ces communautés existent bel et bien, mais sur Internet. Grâce à la toile, ces catégories réprimées, frustrées, ont le droit de clamer tout haut leur différence, de faire état de leur liberté sexuelle, d‘échanger des expériences, de parler de leurs craintes, de leur vécu d‘homosexuels ainsi que de leur ras-le-bol, de mener une double vie à cause de l‘interdit social, moral et religieux.
Internet révolutionne aujourd‘hui le monde, effectue des changements considérables même dans les sociétés les plus conservatrices. A travers les blogs, les Algériens sont aujourd‘hui nombreux à se confier via la toile. Des communautés d‘homosexuels, hommes et femmes, voient le jour sur la toile. Dans chaque blog, une expérience nouvelle, un contexte différent, un parcours à part, mais une caractéristique commune : la damnation sociale sévère de l‘homosexualité qui condamne à vivre en silence sa sexualité qualifiée de perversion.
Les blogs d‘homosexuels algériens hébergés dans les différentes plate-formes sont légion. A titre d‘exemple : le Skyrok, un site dédié aux jeunes, accueille les blogueurs homosexuels algériens. angelino88, mehdibxl, fatygothica, Adam 72, Dj robinson, et autres blogueurs ont un trait commun : ils sont tous homosexuels algériens et ont marre de la politique de répression et de tabou à laquelle ils sont confrontés. Chacun d‘eux se décrit différemment, mais personne n‘omet d‘évoquer le poids de l‘interdit social et religieux dès qu‘il s‘agit d‘homosexualité. Adam72 se décrit sur son blog comme étant un jeune Algérien homosexuel qui a ras-le-bol de vivre ses penchants en cachette. Il adresse cette phrase à tous ceux qui partagent son identité : «Je suis un gay algérien et ce blog est un point d‘échange d‘idées, d‘informations et surtout de sentiments. Pour quoi ? Ce n‘est pas pour prouver notre existence, car on existe déjà, mais tout simplement pour mieux exister en communauté et se comprendre mutuellement.»
Mehdi, quant à lui, ouvre son blog, hébergé par over blog, à tous les homosexuels d‘Algérie qui seraient en mal d‘expression. A travers le blog, nous lisons les témoignages publiés par un homosexuel chinois résidant à Alger et qui n‘hésite pas à dévoiler ses aventures homosexuelles au grand jour.
Le jeune, âgé à peine de 25 ans, s‘exprime, en utilisant des termes crus voire hard, sur son expérience homosexuelle, décrit ses amants algériens d‘une nuit, dont un joueur de volley-ball, originaire de Constantine, au corps bien bâti, élancé et viril. Ce blogueur affirme, via son blog, être tenté d‘imiter les homosexuels algériens qui prennent en vidéos leurs ébats amoureux et les publient sur youtube, un site de renon sur lequel de nombreuses vidéos d‘homosexuels circulent.
Sur le blog de Réda, des témoignages d‘homosexuels figurent. Hommes et femmes confient leur sexualité sans aucune retenue. Réda écrit à tous les homosexuels de visiter son blog pour savoir qu‘être homosexuel n‘est jamais une fatalité.
Homophilia, eloyoh2008, hardgothika, XxchyantexX, kennyprice et bien d‘autres sont ces amis homosexuels algériens.
En faisant le tour de ces pages web sur le net, nous constatons que la parole n‘est pas interdite sur les blogs d‘homosexuels algériens, rien n‘est censuré, les tabous sont franchis, l‘interdit social est levé d‘un trait et la honte n‘y est plus au rendez-vous.
«Aujourd‘hui, le net opère une vraie révolution dans les mœurs. La communauté virtuelle compte de plus en plus d‘homosexuels dont l‘unique objectif est de briser le poids de l‘interdit sur un sujet tabou. Internet n‘effectue aucune censure, c‘est en cela qu‘il constitue la destination propice des catégories sur la marge de la société», déclare Mme Saïfi sociologue.
Le silence pèse lourd aux homosexuels algériens, la toile est là pour leur offrir l‘opportunité de se créer un monde nouveau, où ils sont compris par des individus qui partagent leur différence. Aujourd‘hui, les blogs d‘homosexuels algériens font fureur sur le net. C‘est dire que ce moyen révolutionnaire leur permet de vivre librement, mais virtuellement leur différence. Ainsi, contre l‘interdit social, le jugement sévère, la condamnation ferme de ces communautés, Internet ouvre grand la porte aux marginaux pour se créer un monde virtuelle, un monde où les normes, les repères et les valeurs changent.
Par : d. soltani