Le Midi Libre - Société - La carence affective
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Enfant mal-aimé par sa mère
La carence affective
28 Janvier 2008

Au cours d’une séance de psychothérapie, au niveau de la maternelle dans laquelle j’exerce en tant que psychologue clinicienne, j’ai rencontré Miriem, une fillette de 4 ans, mutique, constamment triste et isolée.

L’enfant, lors des séances de groupe, n’arrivait même pas à s’intégrer avec ses camarades préférant le plus souvent garder son petit coin en attendant que quelqu’un lui accorde son attention. Dans les maternelles, on rencontre, en effet, différents types d’enfants, des plus timides et introvertis, aux plus turbulents, éveillés, voire hyperactifs. Avec chacun, il fallait opter pour une prise en charge distincte. Mais, d’abord fallait-il trouver un procédé d’approche en corrélation avec la spécificité de chaque enfant.
Avec Miriem, la tâche n’était point difficile car la petite avait besoin d’être entourée d’affection, cajolée et dorlotée afin de se sentir aimée. Pourquoi ? Tout simplement parce que la fillette était un enfant non désiré qui n’a point été aimé par sa maman.
Comment suis-je parvenue à une pareille conclusion ? Lors de l’épreuve du dessin, considérée en psychologie comme le premier procédé thérapeutique qui permettait, après interprétation, de comprendre le vécu de l’enfant, j’ai proposé aux gosses de me dessiner une famille.
Aucun besoin de m’étaler sur l’analyse de toutes les représentations faites par les chérubins, car ce qui m’importe ici est d’évoquer le cas de Miriem.
Le dessin de la petite était largement révélateur. En dessinant sa famille, l’enfant a non seulement accordé plus d’espace à la représentation paternelle, alors que la maman occupait un tout petit espace, mais le détail qui trahissait le ressentiment de l’enfant à l’égard de sa maman était ouvertement mentionné.
La maman de Miriem était représentée avec des traits incertains, discontinus et son visage était assombri par d’énormes points effectués à l’aide d’un crayon noir. En demandant à Miriem de m’expliquer la noirceur sur le visage de sa maman, elle a dit : «ah, ça c’est des fourmis qui dévorent le visage de maman.» N’ayant pas encore rencontré la maman, j’ai estimé que ces fourmis gigantesques renvoyaient peut-être à des boutons réellement présents sur le visage de la maman. Cependant, je n’excluais aucunement l’interprétation plus profonde.
En effet, lors de l’entretient avec la maman, cette dernière, enseignante depuis 25 ans, n’a pas hésité à me révéler la haine enfouie qu’elle voue à son enfant depuis qu’elle est né. «Je l’ai toujours détestée. D’ailleurs, j’ai tenté d’avorter à maintes reprises, car c’est un enfant que je n’ai pas désiré. Entre son père et moi ce n’était pas la forme à l’époque, on risquait le divorce, j’avais aussi 4 gosses qui me pourrissaient l’existence. Je n’avais plus de patience. Depuis que je l’ai mise au monde, j’ai refusé de la traiter comme une partie de moi. Je ne lui ai pas donné le sein, je ne la prenais jamais entre mes bras. Croyez-moi, je ne savais même pas à quoi elle ressemblait. Elle grandissait devant mes yeux sans que j’en éprouve pour elle le moindre attachement. A l’âge de 4 ans, j’ai décidé de la mettre dans la maternelle pour m’en débarrasser carrément d’elle. Je n’arrive pas à l’aimer.» confie Mme Farida.
Les déclarations de cette maman, institutrice dévouée qui affirme de surcroît se donner tant de mal pour enseigner le savoir aux enfants des autres, choqueraient plus d’une personne, mais elles révèlent certainement un aspect caché des relations parentales, celui des sentiments enfouies que chacun porte pour son enfant et leurs répercussions sur le développement psycho-affectif du gamin.
Miriem est un enfant non désiré, donc non aimé par sa maman. C’est un enfant qui, n’ayant point reçu de tendresse suffisante, semblait non accoutumé à l’expression de cette dernière. Maintenant, je comprenais mieux pourquoi la gamine semblait me chercher du regard à chaque fois que je m’éloignais d’elle pour m’occuper d’un autre gosse. Elle cherchait une maman, elle était en quête d’amour et de chaleur humaine. N’allant pas jusqu’à condamner la conduite de la maman qui semblait, elle aussi, affectée par son attitude à l’égard de son enfant, d’autant qu’elle déclarait avoir toujours été une maman présente pour les autres et un prof disponible, la prise en charge visait à rapprocher la maman de son enfant et guérir les blessures narcissiques que le manque d’amour a bel et bien occasionné au gosse. A quatre ans, la partie n’était pas perdue d’avance, mais des efforts énormes devaient être déployés de part et d’autre.
Le mystère de Miriem semblait s’élucider progressivement et les fourmis sur le visage n’étaient autres que la représentation altérée qu’avait l’enfant de celle qui était censée être pour lui une source intarissable de tendresse.
La conduite de la maman de Miriem s’expliquait, ne pouvant plus concilier son travail avec sa famille, souffrant de sérieux problèmes au niveau de son couple, risquant l’épuisement professionnel, la grossesse est venue faire déborder le vase, emmenant la maman à désirer la mort du bébé. La rancœur qui s’installait progressivement était totalement prévisible puisque la maman ne se sentait point capable d’offrir quoi que se soit à son bébé.
Cependant, si l’on suit ce raisonnement pour justifier l’attitude de la maman, qu’adviendra-t-il de l’enfant mal-aimé ? Autrement parler, sans l’intervention psychologique urgente, que peuvent être les suites sur le cours et le long terme sur l’évolution de l’enfant ?
Certainement grave, car un enfant non désiré risque de souffrir de désordres affectifs, psychologiques ou comportementaux. Selon des recherches scientifiques, les bambins non désirés développent des attitudes diversifiées. Les uns se replient sur eux-mêmes, refusant de s’ouvrir au contact social, d’autres manifestent des troubles caractériels comme l’angoisse, l’énurésie ou les phobies, alors que quelques-uns seraient plus enclins à souffrir de troubles comportementaux comme l’hyperactivité. Comment éviter à nos enfants de profondes carences affectives causées par notre manque de désir de paternité ? Doit-on ne concevoir d’enfant que si l’on est profondément déterminés et prêt à les aimer réellement ? Aimer son enfant, c’est l’accepter, être disposé à lui offrir protection et affection. L’amour offert par les parents à l’enfant reste la garantie d’une évolution psychoaffective saine et harmonieuse. Finalement, tout se joue à l’enfance.

Par : D. soltani

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