Le Midi Libre - Société - «Grâce A mes parents, j’ai gardé mon enfant»
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Parcours d’une mère célibataire
«Grâce A mes parents, j’ai gardé mon enfant»
27 Janvier 2008

L’histoire qui va suivre n’est pas fictive, elle n’est pas aussi tirée d’un film ou d’un feuilleton, c’est le récit réel d’une jeune femme algérienne qui s’est retrouvée enceinte, délaissée par son amoureux et confrontée à une société patriarcale gouvernée par les mâles, qui sanctionne sévèrement les écarts de conduite des femmes.

Pourquoi vous racontez cette histoire ? Et pourquoi d’ailleurs, je la garde encore en mémoire à ce jour ? C’est simplement parce que le récit de cette vie est loin d’être ordinaire.
L’histoire débute un 8 mars, alors que je m’apprêtais à sortir du bureau, mon collègue m’informe qu’un homme m’attendait dans la salle de réception pour une consultation psychologique. Je n’avais pris aucun rendez-vous pour la journée, et une entrevue de dernière minute ne pouvait que déranger mon programme. Cependant, quelque chose au fond de moi me poussait à rencontrer cet inconnu. Dans le bureau, je suis secouée par la vue d’un homme en larmes, totalement effondré, qui criait au scandale et m’implorait de le sauver d’un déshonneur certain causé par sa jeune fille âgée de 21 ans. Je restais là, affectée et incapable de prononcer un mot. Reprenant vite mes esprits, j’ai tenté de calmer le pauvre monsieur en lui demandant calmement de me raconter en détails son drame.
«Ma fille m’a déshonoré. Je viens de découvrir qu’elle est enceinte au cinquième mois et je redoute le scandale. Je ne sais plus comment réagir. C’est mon enfant préféré et je me sens anéanti à cause de sa bêtise. Son acte irréfléchi vient de détruire ma réputation. A la maison, nous sommes sous le choc, sa mère en est même tombée sévèrement malade. Ses deux frères ignorent tout de la réalité et aujourd’hui, si je me tourne vers vous c’est vraiment pour trouver une solution concrète. Même si j’aime ma fille, je ne saurais jamais affronter la société», avouait M.R.
Face à la détresse de ce père catastrophé, à l’infortune de sa pauvre famille, je ne pouvais que réagir, rapidement d’ailleurs. Une amie, contactée d’urgence, m’a aidé à trouver une place à la jouvencelle dans un centre d’hébergement pour mères célibataires. La durée d’hébergement de trois mois était largement suffisante pour aider cette famille à dépasser sa détresse, à éviter le scandale et à s’en remettre progressivement de cette épreuve affligeante.
La fille que j’ai par la suite eu l’occasion de rencontrer et qui semblait profondément affectée m’a livrée son aventure amoureuse avec un homme qui, face au fait accompli, refusait d’admettre sa part de responsabilité, l’emmenant seule à faire face à la société. «Je l’ai tellement aimé, il m’a fait voir la vie en rose au point de m’offrir à lui corps et âme. J’ignorais ce que me réservait le sort. D’ailleurs, une lutte acharnée entre mon amour pour lui et mes principes s’est livrée au fond de moi. Malheureusement, j’ai succombé à la tentation, cause de tous mes malheurs actuels. Je sais que j’ai commis une bêtise, que j’aurais dû prendre mes précautions, faire plus attention et considérer les conséquences. Rien ne justifie ma conduite, mais je ne m’attendais pas à ce que celui qui prétendait follement m’aimer me laisse tomber aussi ignoblement me traitant de «fille facile». Cet enfant que je porte en moi est le fruit d’un amour fort, mais je ne ressens plus grand-chose pour lui. Peut-être le haïrais-je jusqu’à la fin de mes jours à cause de la lâcheté de son père ?» Rinda s’est retrouvée à l’âge de 21 ans dans un centre d’hébergement pour mères-filles, elle a quitté sa famille, prétendant suivre une formation au Sahara, et attendait d’accoucher pour délaisser son bébé à l’orphelinat. Cependant, la différence entre cette jeunette et d’autres mères célibataires est qu’elle a au moins retrouvé à ses côtés des parents dévoués, un père qui a mis sa dignité d’homme de côté admettant après coup que sa fille a commis une erreur de jeunesse qui ne devait pas être corrigée par une autre encore plus grave. Dans une société aussi intransigeante que la nôtre, un homme pareil faisait vraiment exception à la règle.
Aujourd’hui, l’histoire de Rinda n’a pas connu la tournure classique des mères célibataires grâce au soutien familial, à la force de l’amour que lui vouaient des parents aussi exemplaires. Le père de l’enfant a fini par reconnaître sa paternité. Rinda, de retour à la maison, a reprit le cours de sa vie, elle a réussi brillamment ses études et occupe actuellement un poste de responsabilité. Le bébé vit présentement avec sa maman, mais étant considéré comme son frère puisqu’il a été officiellement adopté par les parents. A présent, ce beau bébé âgé de quatre ans vit au sein d’une famille qui l’enveloppe d’amour et le protège. Le secret de la mésaventure de Rinda est enterré à jamais, mais la présence de l’enfant est là pour rappeler à la famille un passé lancinant. «Ce bébé a donné un sens à notre vie. Certes, nous l’avons eu dans des conditions terribles, mais cela n’empêche pas qu’il possède un pouvoir magique à nous rendre heureux, rien que par son sourire. Notre fille est parmi nous, elle va bientôt se marier et pour l’instant, on ne se pose pas trop de questions. Attendons de voir ce que l’avenir nous réserve», commente le père de Rinda.

Par : D. soltani

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