Le Midi Libre - Midi Kabyle - Baden Baden, ou le rêve tronqué
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Zayen,
Baden Baden, ou le rêve tronqué
25 Août 2010

La Seconde guerre mondiale bat son plein; des Algériens sont enrôlés dans l’armée française pour combattre Hitler. Un jeune kabyle déserte les rangs de l’armée pour l’amour d’une femme allemande. Il l’aime, elle l’aime. L’idylle s’est déroulée à Baden Baden, ville à mille facéties… Ainsi naquit la chanson-leitmotive de Zayen, Baden Baden… Zayen, enfant de l’Msella, comme les jeunes de sa génération, vit les années noires du terrorisme dans la peur et l’angoisse. La vie artistique est quasi inexistante. Chanter dans une salle de spectacle tient d’un miracle, même les lycées et collèges où il se produisait à de rares occasions y étaient de la partie. Une seule solution : l’émigration. Si l’exil chanté par Slimane Azem est synonyme de déchirement, de fracture, de complaintes et d’attente, Zayen, à l’instar des jeunes de sa génération, le vit comme une délivrance. «Car, comme il l’avoue, passer d’un vase clos où l’artiste n’a aucun espace d’expression à un monde sans frontière où tous les talents s’expriment, ça vous change un homme.»
Avant de quitter le pays, il a enregistré son premier album «Imawlan-is» et fit quelques apparitions sur des plateaux télé.
Son premier gala en France eut lieu à l’occasion de la fête de l’humanité en 1999, à Paris, soit, l’année de son départ. L’occasion lui est donnée alors de rencontrer, dans un monde artistique qui brille de mille feux, des hommes et des femmes du métier de divers horizons et divers styles qui font de la bonne musique. Un environnement de brassage propice aux rencontres savantes et cet échange dans la qualité et le professionnalisme lui a insufflé l’idée, entre autres, de monter une association qu’il intitula «Association des couleurs et des diversités à Aubervilliers» sous les encouragements de l’élu socialiste du quartier, pour qui il composa la musique de campagne électorale.
Eclectique dans ses rythmes, une voix chaude et profonde, Zayen déroute par le charme qu’il dégage. Dans son deuxième album «Ughaled» (revient), une sublime chanson à la Brel «Ne me quitte pas», il enchante un public de plus en plus fan de l’émigration mais aussi européen. Il organisera alors concert sur concert que ce soit au Zenith, à l’occasion du 20e anniversaire du Printemps berbère en 2000, ou au Palais des Sports, à Saint-Etienne, à Lyon, à Lille, à Roubaix. Il sera également présent à la fête de l’Humanité, au festival des Musiques du Monde à Stains et au festival d’Ici et d’Ailleurs à Strasbourg mais aussi à Tanger (Maroc), dans le cadre d’un spectacle intitulé «Tous égaux pour la paix», et en Turquie dans le cadre des échanges interculturels, ainsi qu’en Allemagne, en Italie, en Espagne et en Ukraine où il fut fortement acclamé par le public russophone alors que la langue kabyle lui est totalement inconnue. Parmi ses rencontres magiques, Tina, une chanteuse d’origine indienne (de père indien et de mère bangladeshie), avec laquelle il forma un duo tout aussi magique. Le public tizi-ouzouéen fut enchanté par sa prestation lors du festival amazigh qui s’est déroulé à la maison de la culture Mouloud-Maâmeri en mars 2010. Zayen réussit là la prouesse de faire chanter la jeune Indienne dans la pure langue kabyle.
Dans son troisième album, qu’il vient d’enregistrer au studio 7 à Villejuif, Zayen nous invite dans un monde sans frontière où il butine à satiété le pollen de mille fleurs. Il effleure avec chaleur et doigté rythmes, airs et sonorité du monde sans confins mais cela avec son empreinte à lui, sa propre touche, son propre paraphe d’artiste affirmé. Polyglotte à l’aise dans la langue de Shakespeare, dans celle de Voltaire comme dans le kabyle et l’arabe, s’esquisse alors dans une symbiose douce, ce beau mélange des cultures comme la palette chaude en dégradé d’un peintre impressionniste.
Etoile scintillante de la chanson kabyle, intermittent de spectacles en France, après un crochet au Maroc où il participe à un festival au plaisir du public rifain, Zayen revient au pays avec dans son escarcelle un double album, une compilation de vingt-deux de ses anciennes compositions revues et mixées qui sortira chez Izem Production dès la rentrée prochaine, fin septembre début octobre, mais aussi un agenda bien chargé de dates à honorer ici en Algérie qu’il débutera à Maraghna (Illoulen Oumalou, Tizi-Ouzou) où il prend part à la première édition de la chanson kabyle moderne, comme il vient de le faire le jeudi 18 août à Tifilkout, à l’occasion de la clôture d’une rencontre théâtrale en hommage à Makhoukh Abdelkader. Il se produira le 03 septembre à Bouira, à Tamkadbout en clôture des journées théâtrales, le 06 à la maison de la culture de Tizi-Ouzou et le 08 septembre, à la maison de la culture de Béjaïa.
Malgré la demande insistante de son public et son envie légitime de se produire dans son pays, hélas, reconnaît-il, les portes ne sont pas toujours faciles à ouvrir, «Je suis Kabyle et je veux chanter dans ma langue, à l’Est, à l’Ouest, au Sud… partout en dehors de la Kabylie. Il n’y a pas de raison que des chanteurs arabophones se produisent en arabe à Tizi-Ouzou et que les chanteurs kabyles ne puissent pas se produire en dehors de la Kabylie !  La primauté ne revient-elle pas au langage typiquement musical ?»
Revenons à Baden Baden, l’histoire continua son chemin, le soldat regagna son pays y abandonnant son amour dans cette ville luxuriante aux cathédrales telles des montagnes, et mille sources et jets d’eau. Quand il raconta son aventure au village, un vieux subjugué par l’aura de cette ville, décida de l’atteindre par mer, mais la chance l’abandonna au noyau d’une tempête où il fit naufrage. La genèse de la chanson, Zayen la résume par ses mots : «Quand on quitte son pays, quand on s’en va loin de chez soi, on découvre certes les richesses du monde. L’ailleurs a sans doute son attrait, on imagine pouvoir se délester de son ennui, de ses soucis et agacements quotidiens, cependant, malgré ces expériences enrichissantes, souvent à la hauteur du voyage entrepris, un meilleur là-bas que chez soi n’existe pas.»
N. B.


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