Ath El Kaïd est un village ancien comme il n’en existe plus. On y trouve des maisons encore en assez bon état, construites voilà deux siècles si ce n’est plus.
Une vie réorganisée comme elle y était en son temps : des ruelles, des sentiers de chèvre, mais aussi des fontaines, une djemaa, des soupentes et bien d’autres structures indispensables à la vie communautaire que l’en aurait cru à jamais révolues. Situé au pied du majestueux Djurdjura, à 50 km à l’extrême sud de la wilaya de Tizi Ouzou, dans la commune d’Agni Gueghrane, (Ouadhias), le village d’Ath El Kaïd donne l’impression d’être agrippé à sa colline comme pour défier le temps et les hommes afin de rester là, mémoire d’un passé et d’un rythme de vie qu’il semble vouloir préserver de l’oubli. Son authenticité a fait qu’il soit aujourd’hui classé comme patrimoine national et des travaux de réfection y sont lancés depuis 2008 par la direction de la culture de la wilaya afin d’en faire un musée à ciel ouvert. Ce village fut le fruit d’une opposition de citoyens de la région au régime fiscal ottoman. Ces derniers se sont réfugiés sur les hauteurs d’Agni Gueghrane et y construisirent, en hommes libres et rebelles, leur propre village.
Le nom Ath El Kaïd vient du fait justement que les habitants ont nommé un kaïd pour diriger leurs affaires, ce dernier ne tardera pas à être tué par les autochtones suite à ses nombreux dépassements vis-à-vis de ses concitoyens.
Aujourd’hui Ath El Kaïd est déserté à plus de 80% de ses habitants, qui, pour la plupart, se sont installés sur les plaines des Ouadhias, peut-être pour fuir la rudesse de la montagne et se rapprocher plus de la ville, mais peut-être aussi que ce village ne répond plus aux normes requises pour une vie moderne.
Le chemin vers Ath El Kaïd était certes long, mais les paysages qui défilaient devant les yeux du visiteur, aussi beaux les uns des autres, font de ce trajet une vraie partie de plaisir. C’est par le splendide barrage de Taksebt, qui semble franchir les montagnes environnantes, pour se frayer un chemin pour aboutir sur un paisible lac.
Puis il faudra franchir la dense forêt de Takhoukht pour enfin arriver à la ville des Ouadhias. Là une longue route serpentée et encombrante vous attend, mais les paysages envoûtants et les cours agréables de cette eau descendant de la montagne vous font oublier tous les aléas de la route. A un kilomètre seulement avant d’arriver, vous ne pouvez pas rater la grotte dite « Ifri n Teryel » ou la grotte de l’ogresse, où vous pouvez vous apprêter à un jeu passionnant qui est d’essayer de découvrir des formes humaines sculptées naturellement à travers des millénaires par l’humidité des lieux sur ses murs en granit.
Dès l’entrée du village, quelques maisons au béton affreux et à la peinture agressive dérangeaient la vue. Mais à fur et à mesure que l’on montait, on avait cette impression de rentrer dans une autre dimension. Les ruelles gagnaient en étroitesse, les marches étaient en pierre lisses. A droite, des murs sans portes, à gauche des portes sans murs, tenant par magie, par la grâce du Seigneur ? Des poutres, des débris, des restes d’objets… puis de temps à autre une maison complète avec toutes ses composantes porte, toit, mur, fenêtre, sont là témoin d’un passé glorieux.
Juste un dernier regard avant de refaire l’escale qui nous a ramené vers ce village mythique et mystique de Kabylie, puis un dernier regard sur ce village qui n’a rien perdu de sa splendeur malgré les ravages du temps, mais aussi de l’homme. Le voilà debout, ou plutôt assis dans sa forme triangulaire tel une pyramide d’Égypte, fier, haut, indestructible.