Après le gilet, voici la veste pare-balles et la chemise: ce dernier cri de la protection personnelle est proposé par un créateur colombien à Mexico, dans un pays où familles et entreprises dépensent chaque année 18 milliards de dollars (12,5 millions d’euros) pour leur sécurité. Bien sûr, ce genre d’accessoire est hors de portée des moyens de la quasi-totalité des 200.000 personnes qui ont défilé à Mexico le 30 août dans la «Marche blanche» de protestation contre le crime organisé.
Les vestes en cuir ou en tissu pour homme ou femme et les chemises mexicaines créées par Miguel Caballero, à peine plus lourdes que les vêtements normaux mais capables d’arrêter des balles de pistolet-mitrailleur, coûtent entre 400 et 7.000 dollars (280 et 4.900 euros). Il cite parmi ses clients le président de son pays, Alvaro Uribe, l’acteur américain Steven Seagal et le juge antiterroriste espagnol Baltazar Garzon. Les ventes au Mexique ont progressé de 25 à 30% depuis un peu plus d’un an, et la marque vient d’ouvrir cet été une boutique dans le célèbre magasin Harrods à Londres, précise le directeur du marketing, Javier Di Carlo. Au-delà de ces articles pour VIP, l’expansion du marché de la sécurité au Mexique ces dernières années, entre 10% et 30% selon les spécialités, du gardiennage à la voiture blindée avec gardes du corps en passant par la localisation par satellite, est révélatrice de la peur de la population.
La guerre entre «cartels» de trafiquants de drogue ou entre gangs de rue est sanglante et spectaculaire, avec plus de 3.000 morts depuis début 2008, dont une moyenne de 4 par jour à Ciudad Juarez (nord), zone-clef du transit du narcotrafic vers les Etats-Unis. L’opinion a été particulièrement choquée par les cadavres décapités, de plus en plus nombreux, abandonnés comme autant d’avertissements codés entre malfaiteurs. Mais l’enlèvement est aussi une angoisse quotidienne, et le Mexique dépasse désormais la Colombie dans cette spécialité: plus de 400 cas au premier semestre 2008, et bien davantage compte tenu de ceux qui ne sont pas déclarés à la police, selon des organisations de défense des droits de l’homme. Face à cette criminalité, une cinquantaine d’entreprises spécialisées proposent des véhicules blindés, de la berline au camion ou à l’autobus, entre 25.000 et 90.000 dollars (17.000 a 63.000 euros), selon le vice-président de l’Association mexicaine des armuriers automobiles, Esteban Hernandez.
Le Mexique en ce domaine est le troisième marché d’Amérique latine derrière le Brésil et la Colombie et devrait bientôt dépasser celle-ci, précise-t-il. Le Mexique ne compte pas moins de 10.000 compagnies de sécurité, du gardiennage classique à la fourniture de chauffeurs et gardes du corps, ajoute le président du Conseil national des entreprises de sécurité privée, Ricardo Leon.
Mais une sur cinq est enregistrée officiellement, soit environ 2.000 seulement, tandis que 865 ont été interdites, et 146 sanctionnées pour défaut de conformité à la réglementation, souligne-t-il. La police de la capitale a accrédité 466 sociétés spécialisées, et aucune d’entre elles n’est autorisée à doter ses agents d’une arme à feu. «Souvent, au sein des entreprises mexicaines, personne n’est assez compétent pour identifier le prestataire de sécurité présentant les garanties de rigueur», explique David Crol, professionnel français du secteur installé au Mexique.
Nombre de compagnies de sécurité sous-paient leurs salariés, souvent issus des rangs de la police et de l’armée et qui, parfois, sont impliqués dans les crimes qu’ils sont supposés empêcher. Les professionnels de la sécurité ont appelé récemment le président Felipe Calderon à tenir ses promesses électorales de réguler strictement leur secteur, dans son programme général de lutte contre le crime.»
Le crime organisé a toujours une longueur d’avance sur la sécurité. Cela, il ne faut jamais l’oublier», conclut M. Crol.