Le meurtre atroce de la jeune Chaïma a choqué tous l’Algérie entière. Enlevée près de chez elle à Réghaïa, dans la banlieue d’Alger, la jeune fille de 19 ans a subi les affres du viol et de la torture avant d’être tuée de la plus abjecte des manières : brûlée vive. Son corps a été retrouvé dans une stationservice désaffectée de la ville de Thénia, à une trentaine de kilomètres à l’est du lieude son enlèvement.
Le crime survient dans une conjoncture marquée par la prolifération du phénomène d’enlèvement et de disparition d’enfants, notamment d’adolescentes. Le sort de la petite Malak, 11 ans, disparue depuis la mi-septembre à Tlemcen, n’est toujours pas connu. Au moment même où les médias annonçaient la terrible découverte de Thénia, leConseil des ministres se réunissait et avait à son ordre du jour le phénomène des enlèvements. Des décisions ont été prises et annoncées au journal télévisé dans la soirée, allant toutes dans le sens d’un durcissement des sanctions à l’encontre des auteurs de tels actes. Ce qu’il convient d’appeler l’affaire Chaïma ne doit pas seulement interpeller sur la prolifération et de la banalisation des enlèvements. C’est sans doute le plus abject de tous les crimes commis ces derniers mois et il révèle la face ténébreuse de la société algérienne. Une société où l’on tue pour une place de stationnement, un mot déplacé, un soupçon, par vengeance… Des crimes gratuits, inutiles qui endeuillent et détruisent des familles, celles des victimes et celles des bourreaux.
Une société où les honnêtes gens vivent dans l’insécurité, où le faible n’est plus protégé par la force de la loi. Les détails de la mort de la jeune fille de Réghaïa en disent long sur la défaillance de la société et de la législation. Elle connait bien son bourreau pour avoir eu affaire à lui il y a quatre ans, quand il avait tenté de la violer. Condamné pour cet acte, il vient tout juste de quitter la prison. Son premier geste en liberté a été de chercher celle qui l’avait dénoncé, de l’attirer dans un guet-apens et de savourer sa vengeance. La prison ne sert donc plus à grand-chose ? L’assassin de Chaïma n’est pas le premier à commettre un crime juste après sa sortie de prison et il est vrai qu’il y a comme du laxisme vis-à-vis de la délinquance. Un délire moralisateur Sur les réseaux sociaux, on plaide le retour à l’application de la peine de mort qui fait l’objet d’un moratoire depuis 1993. OEil pour oeil.
Le débat revient à chaque crime à résonance médiatique, notamment les enlèvement et meurtres d’enfants. qui saigne la société et que révèle de nouveau le triste sort de la jeune fille de 19 ans : la violence, conjugale ou non, faite aux femmes. Le harcèlement de rue et au travail est devenu d’une telle banalité qu’on ne l’évoque même plus. Beaucoup de femmes se font tabasser au quotidien par leur mari, leur frère ou même simplement un inconnu. Certaines se font tuer dans l’indifférence et quand on en parle, il se trouve toujours des voix moralisatrices pour justifier l’injustifiable et rendre la victime responsable de son sort. C’est l’autre drame de la société algérienne. Refuser de louer à une mère célibataire ou à une femme vivant seule est une première forme de violence qui appelle et justifie la vraie violence, comme celle de mettre le feu à sa demeure, de l’agresser, de la tuer devant ses enfants.
Ce genre de crimes, l’Algérie en a connu et c’est à peine s’ils ont suscité des commentaires sur les réseaux sociaux ou quelques lignes dans les médias. Chaïma a été tuée à 19 ans de la plus atroce des manières et un tel acte ne pouvait pas passer dans l’indifférence. Beaucoup l’ont condamné avec force certes mais le délire moralisateur est toujours là et des voix d’un autre âge sont allées jusqu’à dédouaner le monstre meurtrier, au nom d’un honneur très mal placé. C’est peut-être du côté de la société qu’il faudra chercher la source du mal qui lève le voile sur l’Algérie des ténèbres