Le Midi Libre - entretien - Une mariée au box des accusés
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Divorce
Une mariée au box des accusés
20 Septembre 2012

Taos, comme toutes les jeunes filles de Tizi -Ouzou, d’Algérie et du monde entier, avait toujours rêvé de se marier avec un beau jeune homme qui l’aimerait.

Un beau jeune homme avec qui elle passerait des moments inoubliables de bonheur et de félicité. Un beau jeune homme qui serait le père de ses enfants qu’ils regarderaient grandir ensemble.
Taos pouvait se permettre ce genre de rêve parce que Dieu (d’autres disent la nature, le destin) lui avait offert le don le plus précieux dont puisse rêver une fille : la beauté. Taos était si belle que lorsqu’elle était petite écolière, sa mère en était très fière et lui répétait sans cesse : « Taos ma fille, il me tarde de te voir devenir jeune fille. Tu seras la plus belle et la plus enviée des mariées de tout le pays. »
La mère de Taos avait raison ; la beauté de sa fille quand elle eut atteint vingt ans, surpassa celle de toutes les autres filles de son âge. A tel point que les prétendants se firent extrêmement rares. Pourquoi ? Pour la bonne et simple raison que chez nous, une femme, quand elle est belle, est perçue comme une source de problèmes en puissance. La plupart des hommes chez nous s’imaginent que les femmes sont faibles, fourbes au point de tromper sans scrupules leur époux pour peu qu’elles soient sollicitées. Et moins une femme est belle et moins il y a de risques qu’elle trompe son mari. Cette manière de penser archaïque qui nous vient des temps les plus lointains (au moins depuis le 10ème siècle AP-JC, époque de l’écriture des Mille et une Nuits dont toute la construction s’appuie sur l’infidélité des épouses) a toujours cours dans notre société dont les mentalités n’ont pas suivi l’évolution technologique.
Taos se maria finalement en mai dernier, à l’âge de 24 ans… Elle était effectivement, aux dires de tous ceux qui l’avait vue partir dans le cortège nuptial, d’une beauté hors du commun. Le cortège aussi était riche. Composé presque exclusivement de grosses cylindrées allemandes, tout le monde s’était arrêté pour le voir passer.
La famille, qui avait eu le courage de demander la main de Taos, était très riche. Leur villa était parmi les plus grandes et les plus belles de la région. Amar, le courageux jeune homme était âgé de 30 ans et on ne lui connaissait aucune qualification professionnelle, à l’exception de celle qui consistait à vivre de la fortune de son père qui avait travaillé dur durant son existence. Le vieux Rabah était connu pour sa sagesse bien qu’il soit riche, parce que chez nous une autre « croyance populaire » prétend que les hommes changent et deviennent mauvais dès qu’ils sont riches.
Le vieux Rabah, en plus d’Amar, avait deux autres fils, plus âgés que celui qui se mariait de jour-là. Et quand la vie lui avait appris à comprendre la nature humaine et les conflits internes qui l’animent il avait fait construire pour chacun de ses fils une petite villa pour éviter les tensions et les frictions entre ses brus et ses fils.
Les parents de Taos, qui n’ignoraient pas ces détails, étaient heureux et comblés. Pour eux, il n’y avait pas le moindre doute : ils avaient tiré le gros lot. C’était aussi la conviction de Taos qui se sentait dans la peau de la fille la plus heureuse du monde. Mais, hélas ! elle découvrirait son erreur le soir même de son mariage.
En effet, il était presque minuit et Amar n’était pas encore rentré. Toas était morte d’inquiétude parce que la veille son mari lui avait dit qu’il passerait la journée une dernière fois avec ses copains, histoire d’enterrer sa vie de célibat, mais à 20h, il serait à la maison dans leur petite et belle villa.
Vers 1h du matin, il rentra. Taos entendit sa belle-mère hurler dans le couloir :
- Amar, tu es notre honte ! Pourquoi t’es-tu mis dans cet état le jour de ton mariage ?
La jeune mariée était si effrayée par ce qu’elle venait d’entendre qu’elle sortit de sa chambre conjugale. Elle vit alors son mari, ivre mort, s’appuyant sur les murs du couloir pour ne pas tomber.
La belle-mère regarda Taos avec tristesse, comme si elle voulait lui demander de lui pardonner de lui avoir caché que son fils buvait comme une éponge. Puis n’ayant rien trouvé à dire, elle s’en alla rejoindre un groupe de femmes se trouvant dans la grande salle au fond du couloir.
Taos n’eut pas besoin de réfléchir longtemps pour savoir que son premier acte d’épouse était d’aider son mari à entrer dans la chambre nuptiale. Elle s’avança vers lui, passa sa main autour de sa taille et entreprit de le faire entrer dans ce qu’elle considérait quelques heures plus tôt comme le havre de son bonheur. Elle n’eut pas la tâche facile parce que son mari était lourd et sa robe de mariée qui la serrait de partout l’empêchait de se mouvoir comme elle l’aurait voulu.
Au moment où ils franchissaient le seuil de la chambre conjugale, Amar éructa bruyamment et vomit tout le contenu de ses entrailles que la belle Taos reçut sur ses épaules, son visage et sa tête ! Elle parvint néanmoins à traîner son mari jusqu’au lit où elle l’allongea. Puis, elle enleva sa robe, nettoya la chambre et prit une douche.
Le lendemain matin, Amar ouvrit les yeux avec la gueule de bois de ceux qui ont bu toute la nuit. Il ne se rappela de rien.
Les parents de Taos vinrent pour le
« repas de la mariée ». Taos, pour ne pas causer de peine à ses parents, n’évoqua pas ce qui s’était passé la veille. Au contraire, elle fit croire à sa mère qu’elle était la fille la plus comblée du monde.
Taos était convaincue que son mari une fois qu’ils auraient passé des moments intimes ensemble, changerait. Mais elle se trompait.
Lors de la seconde nuit de sa vie commune avec Amar, le mariage fut
« consommé » mais le jeune mari s’avéra une véritable brute. Rien à voir avec le mari gentil, respectueux qui avait de tout temps meublé les rêves de Taos.
Quelques jours plus tard, à la tombée de la nuit, vers 19h Amar rentra avec trois de ses amis. Ils avaient ramené avec eux trois cartons de canettes de bière.
- C’est quoi tout ça, Amar ? lui demanda-t-elle.
- C’est de la bière… J’ai invité mes amis pour fêter mon anniversaire…
- Mais Amar, avec tout le respect que je te dois et que je dois à tes amis… On ne fait pas entrer le péché à la maison…
En guise de réponse, il lui donna quatre gifles.
- Je suis chez moi et je fais ce que je veux…
La malheureuse était si surprise par ce qui venait de se passer qu’elle n’eut aucune réaction. Elle alla s’enfermer dans sa chambre.
Vers 22h, elle en sortit pour se rendre au salon pour voir ce qu’étaient devenus son mari et ses trois amis et elle découvrit l’inimaginable. Il y avait avec eux des femmes ! Son mari avait transformé le domicile familial en un lieu de débauche.
Alors elle téléphona à un de ses frères qui vint la chercher. Elle rentra chez elle après moins de dix jours de mariage.
Elle s’attendait à ce que le lendemain Amar se manifeste et vienne demander pardon mais en vain. Son père entreprit alors d’entamer une procédure de divorce.
Il y a quelques jours Taos fut convoquée au tribunal de Tizi-Ouzou. En s’y rendant avec ses parents elle apprit que son mari avec déposé plainte contre elle pour abandon du domicile conjugal…
Taos s’expliqua. Au vu de ce que le président a entendu, elle fut innocentée…
Cela soulagea beaucoup la jeune femme et sa famille. Avec ce premier verdict en sa faveur, la jeune ex-nouvelle mariée pouvait espérer obtenir le divorce rapidement.
Curieux destin que celui des femmes chez nous qui sont si malheureuses dans leur vie conjugale que le divorce peut s’avérer pour elle un salutaire soulagement.
Voire une joie…

Par : Kamel Aziouali

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