Résumé : Abdelkader, propriétaire d’une salle des fêtes, recrute un jeune veilleur de nuit.

Les deux hommes se séparèrent chacun avec la conviction d’avoir réussi une très bonne opération. Abdelkader était convaincu d’avoir trouvé en la personne du jeune Boualem une recrue de choix. Il était au chômage pendant très longtemps ; c’est pourquoi il n’avait exprimé aucune prétention au sujet de son salaire. Mais compte tenu de sa modestie, s’il s’avérait sérieux dans son travail, il lui offrirait plus de 18.000 DA. Mais il ne le lui dirait pas maintenant. Il lui en ferait la surprise au moment de le payer. Et à propos de paie, Abdelkader trouva également très positif le fait que le jeune homme ne lui ait pas demandé d’avance sur salaire, comme cela arrive souvent lorsque la nouvelle recrue a chômé pendant longtemps. Ah ! oui ! Il n’y avait pas le moindre doute : il avait réussi, là, une très bonne affaire.
Quelques jours plus tard, ayant constaté que Boualem n’ayant rien réclamé en matière d’acompte bien qu’il soit dans le besoin, Abdelkader décida de lui donner 2.000 DA.
- C’est une avance sur salaire Si Abdelkader ? s’enquit Boualem.
- Non, ça c’est un bonus de la maison.
- Oh ! Merci, Si Abdelkader…
- Si tu veux plus, il n’y a pas de problèmes. Tu es un brave gars ! J’ai vu que tu arrives beaucoup plus tôt que prévu et que tu donnes un coup de main pour le nettoyage. Je sens que tu vas rester longtemps avec nous, mon brave jeune homme. Eh bien sûr ton salaire évoluera considérablement.
Quelques jours passèrent. Une des employées affectées à la cuisine constata la disparition de deux petits… réfrigérateurs. Elle en fit part au patron et celui-ci la regarda avec des yeux dilatés par la stupeur.
- Tu veux bien répéter ce que tu viens de dire ?
- Oui… moi aussi j’ai été étonnée comme toi Si Abdelkader. Aussi incroyable que cela puisse paraître, je viens de constater que deux petits frigos ont disparu. Ce sont des frigos que l’on n’utilise que rarement c’est pourquoi on les a mis dans un endroit retiré où on les a presque oubliés… et tout à l’heure, en voulant utiliser l’un d’eux… en fait, ces frigos sont au nombre de trois…
- Oui, je sais qu’ils sont au nombre de trois.
- Mais maintenant, il n’y en a plus qu’un. Je dois avouer Si Abdelkader que cela fait une semaine que le premier réfrigérateur a disparu. Je me suis dit qu’on lui a changé d’endroit et je ne me suis pas inquiétée. Mais ce matin, en constatant la disparition du second, j’ai décidé de les chercher et je ne les ai pas trouvés.
Abdelkader rangea le registre des commandes et se leva en bégayant et en tremblant d’inquiétude :
- Oh ! là ! là ! làà ! voilà une journée qui commence mal ! Allah yestar !
En sortant de son bureau, il lança une recommandation à la jeune employée :
- A part toi qui est au courant de cette disparition ?
- Personne ! Je viens de vous le dire, tout le monde a oublié ces réfrigérateurs.
- Alors, fais en sorte que personne ne se les rappelle.
- D’accord, Si Abdelkader.
Arrivé dans la pièce où se trouvaient les frigos en question, Abdelkader constata que ce que son employée lui avait dit était vrai. Il constata aussi que le réfrigérateur qui restait, initialement, ne se trouvait pas là devant la porte mais au fond de la pièce. Ce qui signifiait que celui ou celle qui avait pris les deux premiers était sur le point de s’emparer du troisième.
-Qu’est-ce que vous avez l’intention de faire Si Abdelkader ?
- Rien pour le moment… et je te demanderai de faire la même chose. Et n’oublie pas : pas un mot de ce qui vient d’arriver.
Abdelkader a la réputation d’être prolixe et d’ouvrir son cœur à ses employés mais ceux-ci ne savent pas qu’il est aussi quelque peu cachottier. C’est ainsi qu’aucun de ses employés ne savait qu’il avait installé des caméras de surveillance dans les cuisines et devant les portes d’entrée principales. Et c’est pour faire sans doute honneur à cette qualité qu’il décida de ne rien dire à Boualem, son nouveau veilleur de nuit. Les voleurs devaient être des experts, ce qui expliquerait pourquoi il ne s’était aperçu de rien.
Discrètement, dans la journée, il fit venir le technicien qui lui avait installé le système de surveillance et lui demanda d’ajouter une caméra qui surveillerait la pièce où avait eu lieu le vol.
Le lendemain et le surlendemain, il ne se passa rien. Ce qui énerva Abdelkader qui venait de découvrir que ses biens n’étaient pas aussi bien protégés qu’il ne le croyait.
Mais au troisième jour, il constata, presque avec joie, que le troisième réfrigérateur avait enfin disparu ! En visionnant ce que la caméra avait enregistré durant la nuit, il constata que le voleur n’était autre que son nouveau veilleur de nuit ! Le jeune homme qu’il s’était promis d’aider à avoir une vie normale, une vie respectable. Celui à qui il voulait faire oublier sa misérable vie de chômeur errant le long des ruelles de Koléa, c’était finalement un loup qu’il avait fait entrer dans sa
bergerie ! Il déposa plainte contre lui. Boualem a été arrêté il y a quelques jours et jugé par le tribunal de Koléa.
Le procureur de la République a requis contre lui 2 ans de prison ferme et une amende de 100 millions de centimes.