Résumé : Salah (48 ans) voit un ami passer non loin de sa villa, le hèle et l’invite chez lui.
Salah sourit et répondit à son ami presque en riant :
- J’ai l’intention de ramener deux menuisiers parce que, à ma connaissance, les bûcherons n’existent plus… si tu en connais je te serai reconnaissant si tu leur demandais de venir me débarrasser de cet arbre.
- Je ne connais pas de bûcheron, Salah mais à mon avis, tu n’as pas besoin de faire appel à deux menuisiers. Ils vont te coûter les yeux de la tête.
- Tu crois ? Moi, je me suis dit que je pourrais les payer en leur donnant cet arbre. Tu sais s’ils sont de bons menuisiers, ils pourront en tirer quatre belles chaises en bois.
- Je te jure, Salah, que l’arbre ils le prendront et ils te demanderont de les payer parce que dans leur esprit, ils t’auront soulagé d’un fardeau.
- Qu’est-ce que je dois faire alors ? Allez, je suis ton ami ; donne-moi un conseil.
- Il faut ramener quelqu’un qui maîtrise le maniement de la hâche…
- Pourquoi pas une scie électrique ?
- Effectivement, une scie électrique ferait très bien l’affaire. Mais je ne vois pas qui en possède… En revanche, je connais quelqu’un qui a une hâche gigantesque et qui coupe des arbres lorsqu’il se rend dans son village natal.
- Il va demander de l’argent aussi…
- Non ; il ne demandera pas d’argent… Une bonne tasse de café avec des beignets comme ceux qui sont posés sur cette table suffiront.
Salah sourit.
- Tu es en train de me dire que cet homme c’est toi ?
- Bien sûr. Pourquoi ramener un bûcheron alors que je suis là ? Hum… Le tronc de cet arbre n’est pas vraiment énorme. J’en viendrai à bout en deux heures.
- Et tu peux venir le couper ?
- Avec plaisir… Il me faut juste quatre beignets et une grande tasse de café.
- Si tu me débarrasses de cet arbre, tu auras des beignets croustillants pendant une semaine, parole de Salah.
- Alors, tu peux considérer que cet arbre n’existe plus. Je viendrai vendredi prochain juste après la Grande prière, Inchallah !
- Inchallah !
Deux jours plus tard, de retour de la mosquée, Zoubir enleva sa gandoura blanche et la troqua contre un jeans et un tee-shirt. Puis, il décrocha du mur la hache qu’il avait héritée de son grand-père et qui fut pendant des décades beaucoup plus un objet décoratif qu’un outil de travail. Sa femme, en le voyant tâter la cognée s’affola et s’écria en se tenant la tête :
- Oh ! zoubir ! que vas-tu faire ?
- Pas de panique, ya m’ra ! je vais juste couper l’arbre qui se trouve dans la cour d’un ami…
- Un ami ? Quel ami ?
- Salah…
-Ah ! oui… c’est vrai… j’ai rencontré sa femme au marché… Elle ne comprend pas pourquoi son mari refuse d’enlever cet arbre qui ne sert à rien du tout…
- Eh bien cette fois-ci, il va l’enlever et grâce à cette hache…
- Tu sais que tu m’as fait peur ? je pensais que tu avais l’intention d’aller régler leurs comptes aux jeunes gens qui avaient proféré des grossièretés cette nuit.
- Tu dis n’importe quoi, ya m’ra ! tu crois que j’ai besoin d’une hache pour corriger une bande de cinglés ? Et puis, tu sais ce qui arriverait si jamais je les frappais avec cette hache ? Je risquerais de les tuer et je finirais mes vieux jours en prison !
- C’est juste…
Zoubir n’avait pas parcouru le tiers du chemin qui séparait sa maison de celle de son ami, lorsqu’il vit une voiture de police s’arrêter à son niveau et deux agents en descendre.
L’un d’eux, regarda bien la hache et lui dit :
- Qu’est-ce que tu tiens à la main ?
- Ça se voit, non ? Une hache.
- Mais vis-à-vis de la loi, c’est une arme blanche.
- Une arme blanche ? Eddawla voit des armes partout !
- Et où vas-tu comme ça avec cette hache ?
- Rassure-toi, je ne vais tuer personne… je vais juste couper un arbre qui se trouve au milieu de la cour de la maison d’un ami. Aya essalam alaikoum… rabi iaawankoum !
- Eh ! où vas-tu ?
- Mais je te l’ai dit ; je me rends chez un ami.
- Tu n’iras nulle part… tu nous suis au poste de police.
- Pourquoi ?
- Tu es en infraction… port d’arme blanche prohibée…
- Mais c’est une blague ou quoi ? C’est la caméra cachée ?
Non ce n’était pas une blague. La preuve est que Zoubir a été jugé il y a 15 jours au tribunal de Koléa et une peine de deux ans de prison ferme a été requise contre lui.
Il y a quelques jours, il a été acquitté mais il ne veut plus entendre parler de l’arbre de la cour de Salah, car il est convaincu que ce sont les âmes des ancêtres qui y ont élu domicile qui ont fomenté un plan diabolique qui a failli l’expédier derrière des barreaux.