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Abus de confiance
Des coups en guise de salaire
10 Juillet 2012

L’histoire de l’humanité est riche en exemples d’individus ou de groupes d’individus qui ont travaillé et qui n’ont pas été payés pour leurs efforts. C’était au temps de l’esclavage et à l’époque où les travailleurs n’avaient pas encore arraché tous les droits qu’ils ont aujourd’hui. Mais chez nous, notamment au sein de nombreuses entreprises privées, le travail ne garantit pas forcément un salaire à la fin du mois. C’est le cas dans l’affaire qui suit.

Tarek, 25 ans, spécialiste en décoration, était en train de regarder un film sur son ordinateur lorsqu’il reçut un appel téléphonique de la part de Mounir un ami, architecte de profession.
- Tarek, j’ai du travail pour toi… C’est du solide. La villa d’un importateur à embellir.
- Ah ! Non, je ne travaille pas pour les importateurs. Ce sont des escrocs… Ils ne pensent qu’à l’argent.
- Il y a du vrai dans ce que tu dis, Tarek, mais tu as tort de généraliser. Il y a des gens honnêtes parmi les importateurs. Comme ce type. Je lui ai dessiné sa villa de A à Z.
- Et il t’a payé normalement ?
- Euh…oui…bien sûr…
- Alors, je viens.
Les deux amis se retrouvèrent dès le lendemain à la villa du riche importateur. Dès que Tarek l’eut vu, il se dit que c’était un brave homme. Mounir avait raison, il y a des gens bien parmi les importateurs. C’est une erreur que de fourrer tout le monde dans le même sac. Tarek et le propriétaire de la villa se mirent d’accord sur le travail à accomplir et le montant de son salaire. Le travail devait être terminé en deux mois pour un montant de 100.000 DA. Sans compter le prix de la marchandise nécessaire pour les travaux qui devaient être accomplis. Sur ce dernier point, Si Youcef dit aux deux jeunes gens :
- La marchandise c’est mon affaire. Faites-moi juste une liste très détaillée de ce qu’il faut et dès demain tout sera ici. J’ai un ami qui est grossiste et, en plus, il va me faire un bon prix parce que c’est moi qui lui ramène la marchandise qu’il vend.
- Ah ! je comprends, fit Tarek avec un pincement au cœur, parce que les derniers propos de Si Youcef l’avaient quelque peu inquiété.
L’importateur ajouta :
- J’imagine que pour commencer, mon brave Tarek, tu as besoin d’un premier paiement. Une manière de voir un peu la couleur de mon argent.
- Euh…oui….Si Youcef…
- Très bien. Quand tu reviendras tu auras 2 millions de centimes… Cela fait 20% du montant. Et le reste dès que tu auras terminé. Cela te convient ?
- Oh ! Oui… c’est parfait, c’est parfait, M. Youcef. Il y a juste un petit détail qui m’inquiète.
- Lequel ?
- Est-ce que vous serez là pendant les travaux ?
- Pourquoi ?
- J’aurais voulu que chaque jour vous voyiez l’état d’avancement de ces travaux. Si vous ne les voyez qu’une fois achevés, vous risquez de ne pas apprécier… J’aurais aimé que chaque jour ou tous les deux jours, vous puissiez me dire si ce que je fais vous convient ou si je dois rectifier le tir.
- Ecoute, jeune homme. J’ai accepté que tu prennes en charge l’intérieur de ma maison parce que c’est Mounir qui t’a recommandé. Et Mounir est un vrai artiste. J’ai beaucoup aimé son travail. Et toi tu es son ami. Je suis certain que tu es aussi artiste que lui.
- Merci, Si Youcef… mais… vous savez… les goûts et les couleurs…
- Je sais, je sais… moi, je te fais confiance… Et ce que tu viens de me dire me conforte davantage dans cette confiance. Néanmoins, puisque tu me le demandes, chaque fin d’après midi je viendrai voir où tu en es. Et par la même occasion, je te raccompagnerai chez toi.
- Oh ! Merci, merci, Si Youcef.
- Il n’y a pas de quoi, mon garçon. Demain, je ramène tout ce dont tu as besoin et dont tu vas me faire une liste et après demain, tu peux commencer.
- Et je trouverai quelqu’un qui m’ouvrira ?
- Non, personne ne t’ouvrira. Je te donne un jeu de clefs de toute la maison
- Merci, merci pour cette grande confiance Si Youcef…
- Il n’y a pas de quoi, mon garçon, il n’y a pas de quoi… Et maintenant pour rentrer, vous voulez que… ?
- Non, non, M.Youcef, intervint enfin Mounir. Il n’est que 11h du matin. Il fait jour ; nous rentrons par bus. C’est le soir que notre retour pose problème.
- D’accord, Mounir.
Les deux amis sortirent. Et chemin faisant, avant de monter dans un bus, ils échangèrent leurs impressions.
- Moi, fit Tarek, ce type m’inquiète.
- Pourquoi ?
- Il était question qu’il me donne 20.000 DA en guise d’avance…
- Mais il va te les donner demain.
- Mais tu l’as entendu, il ne sera pas là. La preuve en est qu’il m’a remis un jeu de clefs de sa villa. Je ne voudrai pas travailler pendant plusieurs jours sans avoir reçu mon avance. Tu comprends, Mounir, je me suis fait arnaquer tellement de fois…
- Mais il t’a dit que chaque soir, il passera voir ce que tu as fait et que par la même occasion il te raccompagnerait chez toi. Tu as déjà oublié ?
- Il a dit cela ?
- Oui.
- Alors, j’ai oubli… Probablement parce que pour moi, il y a une seule chose dans mon esprit… La crainte de me faire escroquer.
- Tu exagères… parce que d’après ce que je vois, ta crainte n’est pas quelque chose de simple. Elle ressemble à une phobie… Tu es malade, mon ami.
- Effectivement. Les gens chez qui j’ai travaillé m’ont rendu malade. Complètement malade.
- Je te comprends. Mais crois-moi, concernant M.Youcef, tu peux dormir sur tes deux oreilles…
- D’accord….
- Et demain, quand tu le verras en fin d’après- midi, réclame-lui les 20.000 DA et tu verras qu’il te les donnera sans problème.
- J’espère… et s’il ne vient pas ?
- S’il ne vient pas ? Prends son numéro de téléphone et appelle-le vers 15h. Ainsi, tu sauras si tu rentres seul ou s’il te raccompagne.
- Excellente idée. Euh…Mounir…Tu sais à quel moment, je me suis mis à me méfier de lui ?
- Non.
- C’est lorsqu’il m’a fait savoir qu’il avait l’intention d’acheter lui-même la marchandise chez un grossiste dont lui-même était fournisseur pour que celui-ci lui fasse un bon prix.
- Et c’est ça qui t’inquiète, toi ? Mais c’est normal qu’il cherche les prix les plus avantageux. Là où il va faire des économies…
- Et voilà, tu l’as dit… Il cherche toujours à faire des économies… C’est pour cette raison que j’ai des doutes sur sa sincérité…
- Bon, tu sais que tu me casses les oreilles avec ta méfiance maladive. Après demain, s’il ne te donne pas ton avance, ne commence pas.
- Voilà qui est bien dit.
Le surlendemain, Tarek arriva à la villa. Il était en train d’ouvrir le portail quand il sentit soudain celui-ci s’ouvrir de l’intérieur.
- Ah ! Si Youcef, vous êtes là ? s’exclama Tarek.
- Oui… je t’ai attendu spécialement pour te donner ton avance.
Le jeune décorateur était aux anges.
Trois mois et demi s’écoulèrent. Le travail était achevé et Tarek n’était toujours pas payé. Il téléphona à son ami Mounir qui lui demanda des explications.
- Cela fait un mois que j’ai terminé mon travail et que j’ai rendu ses clefs à Si Youcef et je ne suis toujours pas payé. Et quand je lui téléphone il ne me répond pas. Je vais le voir demain chez lui. Tu m’accompagnes ?
- Bien sûr… surtout que c’est moi qui te l’ai présenté.
Les deux amis sonnèrent à la porte de la villa et un homme de deux mètres leur ouvrit, et les invita à entrer dès qu’il eut connu le motif de leur visite.
- Attendez, je vais vous ramener votre argent.
Mounir sourit à son ami :
- Je t’avais dit que tu avais tort de d’inquiéter.
L’homme réapparut soudain non pas avec une liasse de billets mais avec une barre de fer d’un mètre environ avec laquelle il corrigea les deux architectes.
Ceux-ci dès qu’ils parvinrent à sortir de la villa, se rendirent à l’hôpital le plus proche pour se faire soigner. Après quo, ils déposèrent plainte, non pas contre M.Youcef mais contre son neveu qui les avait agressés.
Il y a quelques jours, l’affaire a atterri au tribunal de Bir Mourad-Raïs.
Le neveu de Si Youcef nia les faits qui lui avaient été reprochés mais au bout du compte, il écopa d’une année de prison et de 20.000 DA d’amende.
Quant à Tarek, il a de moins en moins envie de travailler… Et pour cause.

Par : kamel Aziouali

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