Le moins que l’on puisse dire en prenant connaissance du récit ci-dessous, c’est que certains malfaiteurs n‘ont vraiment pas la forme.
Hassen venait tout juste d’ouvrir sa bijouterie lorsqu’un premier client entra. C’était un homme qui ne devait pas avoir trente ans.
- Bonjour, mon frère ! Que puis-je faire pour toi ?
- Euh…Voilà… j’aimerais acheter une parure en or pour ma fiancée…
- Il aurait fallu qu’elle vienne avec toi… Les femmes sont très difficiles, mon frère…
- Je sais… mais c’est qu’elle ne peut pas venir… D’abord parce qu’elle travaille et ensuite parce que ses parents lui ont interdit de sortir avec moi tant que nous ne sommes pas mariés.
- Je comprends… je comprends….
- Puisque tu me comprends, montre-moi une parure… La plus belle qui soit…
- La plus belle, signifie aussi, mon frère, la plus chère ?
- Oui, oui… bien sûr. C’est la première et dernière parure que je lui achète. Une fois mariés, je lui serrerai la ceinture…
Hassen éclata de rire.
- Oui, tu as raison, mon frère. Tant qu’elle n’est pas chez toi, elle peut exiger de toi ce qu’elle veut. Attends-moi un petit moment, je vais te montrer une parure.
Hassen ouvrit une armoire vitrée avec une clef et sortit une belle parure qu’il déposa sur le comptoir.
- Voilà… cette parure coûte trente-cinq millions… Regarde si elle fait l’affaire, mon frère.
Le jeune homme examina la parure pendant un bon moment puis sortit son téléphone mobile.
- Je vais appeler ma fiancée… Je vais lui décrire cette parure. Si elle lui plaît, je la prends. Combien coûte-t-elle m’as-tu dit ?
- Trente-cinq millions…
- Merci.
Le jeune homme sortit et Hassen le vit parler en gesticulant puis au bout d’un moment fourra son téléphone dans sa poche.
- Mon frère, tu n’aurais pas une autre parure ? Un peu plus digne ?
- Un peu plus cher, tu veux dire ?
- Oui…
- Oui… j’en ai une à 50 millions…
- Je peux la voir ?
Hassen déposa la seconde parure sur le comptoir et s’attendait à voir le jeune homme téléphoner à sa fiancée pour lui décrire ce qu’il s’apprêtait à lui achter. Soudain, il se passa un événement auquel il ne s’attendait pas du tout : le jeune homme fourra les éléments composant la parure dans les poches intérieures de son manteau et quitta la bijouterie en courant. La stupeur de Hassen était si grande qu’il ne réagit qu’au bout de quelques secondes :
- Oh ! le voleur, il m’a eu… il m’a eu…
Il s’élança derrière lui et ne tarda pas à l’apercevoir au loin…
- Je t’aurai ! sinon, je ne m’appelle pas Hassen…
Alors qu’il était en train de gagner du terrain et qu’il se voyait déjà rattrapant le voleur, voilà que quelqu’un lui lançait dessus de gros cailloux avec une violence telle qu’il se dit qu’il ferait mieux d’abandonner la poursuite. Il valait mieux perdre une parure plutôt que l’œil ou la vie.
Il ralentit le pas… et il vit son voleur se noyer au milieu de la foule. Il serra les dents de rage… puis une grosse terreur s’empara de lui. Il avait laissé sa bijouterie ouverte ! oh ! la belle catastrophe.
Fort heureusement, il y a encore des citoyens pour qui le voisin est sacré. Il trouva devant sa bijouterie un jeune commerçant en train de monter la garde.
- Mais qu’est-ce qui t’as pris de courir après ces voleurs, Hassen ? Ce que tu viens de faire est doublement dangereux. Tu aurais pu te faire égorger par eux et si je n’avais pas été là, ta bijouterie aurait pu se faire vider complètement.
- Merci, mon frère, merci…
- Il n’y a pas de quoi. Cela dit, ces deux voleurs sont bizarres…
- Bizarre ou pas, ils m’ont pris une parure de 50 briques !
- Je crois que tes 50 briques ne sont pas perdues. Tu vas les retrouver très bientôt.
- Qu’est-ce qui te fait croire ça ?
- Figure-toi que ces deux voleurs sont venus en voiture et sont partis à pied… Ils devaient se dire qu’avec l’embouteillage monstre d’aujourd’hui, ils n’iraient pas loin en voiture. Leur voiture est là... ils vont sûrement revenir pour la récupérer.
- Bof… c’est certainement une voiture volée, fit Hassen en haussant les épaules.
- Oh ! non… j’ai vu celui qui t’a lancé des cailloux fermer la portière avant avec une clef. Et je me suis dit que s’il possédait une la clef de la portière c’est que cette voiture devait lui appartenir. Et s’il prend la peine de la fermer c’est qu’il prend soin d’elle en vue de la récupérer par la suite.
- Ils vont venir la récupérer, tu crois ?
- Oui, c’est très probable… En tout cas, il n’est pas question que tu les attendes seul… Il faut appeler la police. Hassen appela la police. Et deux heures plus tard, les deux voleurs qui s’étaient cachés à l’intérieur du cimetière de Sidi Yahia réapparurent. Ils étaient sur le point de monter dans la voiture le plus normalement du monde comme si de rien n’était lorsque des policiers en civil les appréhendèrent. La parure en or était toujours sur eux. C’était la preuve de leur culpabilité mais également la preuve qu’ils étaient très distraits…
Il y a une semaine environ, les deux voleurs ont été jugés au tribunal de Bir Mourad-Rais.
Cinq ans de prison ferme et 20 millions de centimes d’amende ont été requis contre chacun d’entre eux.