Les Etats-Unis rétrogradés courant 2011 par la plus importante agence de notation, la Grèce dans la tourmente, l’Italie après avoir été rétrogradé sous surveillance du Fonds monétaire international, sans compter l’Espagne, le Portugal et l’Irlande, la France sous surveillance des agences de notation, tout cela dans un contexte de crise politique du fait que les principaux pays sont à la veille d’élections ne pouvant pas prendre des décisions structurelles, voilà la situation de l’économie mondiale en novembre 2011. Cette présente contribution a pour objet, sommairement, de situer l’essence de cette crise.
1.-La sphère financière doit être au service de la sphère réelle. Faute d’une véritable révolution culturelle pour inculquer l’esprit d’entreprise et libérer l’ensemble des énergies créatrices ; il ne faut pas s’attendre à l’émergence d’entreprenants dynamiques au sein d ’une économie de plus en plus mondialisée. La dominance de la mentalité spéculative a un effet négatif sur le développement dans la mesure où pour tout développement fiable le capital argent doit se transformer en capital productif. Ce qui m’amène à analyser cette concentration également excessive du revenu spéculatif au niveau mondial.
La suprématie de la sphère financière spéculative sur la sphère réelle et les distorsions entre les profits spéculatifs en hausse, pas ceux de véritables entrepreneurs créateurs de richesses durables, sans oublier la détérioration de notre environnement par un modèle de développement et consommation énergétique qui a besoin d’une transformation face à une population mondiale qui vient d’atteindre 7 milliard d’âmes et allant rapidement vers 10 milliards, expliquent largement l’essence de cette crise .
Afin de protéger la banque des activités, certains experts préconisent de séparer les banques de dépôts des banques d’investissement. Les banques seraient autorisées à user de l’épargne qu’elles ont en dépôt pour prêter aux ménages, aux entreprises et à d’autres banques, mais ne devraient plus être autorisées à acheter des titres comme l’achat d’actions ou toute acquisition de produits financiers titrisés.
C’est dans ce cadre qu’il y a lieu globalement de repenser l’essence de la crise mondiale actuelle afin d’éviter du replâtrage en ne s’attaquant pas à l’essence de la crise. Cela a des similitudes avec celle de 1929, avec une tendance protectionniste néfaste à terme, bien qu’existe une situation différente du fait de l’interdépendance des économies (mondialisation) et l’apparition de nouveaux acteurs (pays émergents d’où le passage du G7 au G20.
Selon le FMI le PIB mondial est évalué en 2010 à 61 963 milliards de dollars US. Les USA en 2010, pour une population d’environ 380 millions, la dette publique dépasse les 14.251 milliards de dollars, soit 97% du PIB évalué à environ 14.624 milliards de dollars.
La dette de l’ensemble de la communauté économique européenne des 27, première zone économique mondiale pour une population de 500 millions d’habitants selon Eurostat, la dette publique représente 80%, du PIB évalué à 16 100 milliards de dollars soit une dette de 12.885 milliards de dollars.
Au total USA et Europe la dette publique représente 27136 milliards de dollars, soit 43,83% du PIB mondial. Le cas de la Grèce qui ne représente que 2% du PIB européen évaluée (environ 305 milliards d’euros) est un épiphénomène du fait de la faiblesse de son PIB, encore que la non résolution de la crise peut être catalyseur d’une contagion. Bien plus grave est le cas de l’Italie sept fois le PIB grec.
2.-Mais fait important 880 millions d’habitants sur 7 milliards soit 12,57% concentre 30.724 milliards de dollars de PIB soit 49,63%de la richesse mondiale. La Chine avec 1,3 milliard d’habitant a un PIB qui ne dépasse pas 6.000 milliards de dollars soit 18,57% de la population mondiale et un ratio très faible de 9,52% du PIB mondial tirant sa croissance de exportations vers l’Europe en premier lieu et en second lieu vers les USA expliquant sa stratégie d’aide non désintéressée à ce que ces deux zones reprennent la croissance.
Les salaires dans le produit intérieur brut (PIB) sont en baisse comme le montre une étude récente de l’OCDE où la part des salaires, qui représentait 67% du PIB en moyenne en 1982, n’en représente plus que 57%, en Algérie cette part pour 2010/2011 étant inférieure à 20%. Selon Patrick Artus, directeur des études de Natixis «dans la zone euro, au total, en trente ans, ce sont quelque 150 % du PIB de l’ensemble qui sont partis vers les marchés financiers au lieu d’aller aux salariés et donc aussi à l’Etat, par l’intermédiaire de la TVA, alors que la fortune cumulée des 0,2 % les plus riches de la planète est estimée à 39 000 milliards Cet argent a-t-il profité à la recherche ou à l’investissement ? Non.».
Aussi, existe -il un déphasage entre la dynamique économique et la dynamique sociale comme le montrent les derniers évènements mondiaux des nantis de protestation contre l’actuel système financier.
Certes, il ne faut pas avoir une vision utopique, le système financier est nécessaire comparable au sang humain afin d ’éviter la paralysie de la machine économique, mais il doit être au service de l’économie réelle. La monnaie, dont les réserves de change qui ne sont pas un signe de développement, n’est qu’un signe qui doit accompagner la production et non la dominer. Comme il ne faut pas incomber la responsabilité uniquement au Nord de ce déséquilibre mondial car la gouvernance de certains dirigeants des pays et de leurs proches du Sud est la plus contestable.
Alors que les recettes fiscales des pays riches représentent environ 35 % de leur produit intérieur brut (PIB), elles dépassent rarement 15 % du PIB dans les pays de l’Afrique subsaharienne. Les fuites interviennent à tous les niveaux : de la corruption des administrations fiscales à l’évasion organisée des capitaux en passant par les exemptions fiscales consenties pour attirer des compagnies étrangères. Selon l’Institut Global Financial Integrity (GFI), les seules fuites illégales de capitaux en Afrique auraient dépassé les 850 milliards de dollars de 1970 à 2008.
Encore faut-il y ajouter les divers manques à gagner, provenant notamment de la difficulté à collecter l’impôt dans des pays où plus de 40 % de l’économie est informel.
«Ces 850 milliards de dollars auraient permis de payer toute la dette extérieure de l’Afrique et de garder 600 milliards pour financer son développement, c’est énorme», souligne Sandra Kidwingira, de l’association Tax Justice Network Africa (TJN-A).
3.-Les fondateurs de la science économique, disons l’économie politique, Smith, Ricardo, Karl Marx et plus près de nous Schumpeter, Keynes ont écrit la valeur c’est-à-dire comment extraire la plus value à partir du travail condition sine qua non de la richesse des Nations. Actuellement existe une crise de la théorie économique qui influe sur les politiques économiques, les politiques étant tétanisées face à l’ampleur de la crise mondiale, n’ayant plus de référence expliquant les tâtonnements et l’absence de vision stratégique en ce monde turbulent en perpétuel mouvement.
Le risque d’insolvabilité, américain combinée avec l’actuelle crise européenne serait catastrophique tant pour l’économie mondiale entrainant une récession généralisée pire que celle d ’octobre 1929 et celle de 2008 du fait des interdépendances des économies.
La reprise économique mondiale en cours, étant encore fragile, on ne peut pas exclure l’hypothèse d’une rechute dans les prochaines années, s’il advenait que la dépense publique se ralentisse et que la croissance ne soit pas reprise par l’entreprise privée, et ce à mesure de l’atténuation de l’impact des mesures de relance budgétaires et monétaires sur la croissance.
Il s’agit d’éviter l’équilibrisme ou statut quo suicidaire, devant s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire. La refonte du système économique mondial devient urgent, avec plus de moralité surtout des dirigeants qui doivent donner l’exemple et plus de justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme source de démotivation.
Je ne saurai trop insister sur les relations dialectiques entre la morale (l’éthique) et le développement souvent négligées par les économistes expliquant largement d’ailleurs les révoltes sociales récentes tant dans le monde arabe que dans les pays développés Une gouvernance mondiale et locale mitigée au niveau central et local alors qu’une nouvelle gouvernance par grandes régions et mondiale avec de nouvelles institutions adaptées s’imposent à la nouvelle situation par une réelle décentralisation pour une participation citoyenne, la concentration des revenus en faveur des couches spéculatives destructrices de richesses, le manque de visibilité dans les politiques socio-économiques et la dominance des rentes, deviennent inquiétants pour le monde de demain.
L’Algérie qui exporte 98% d’hydrocarbures à l’Etat brut et semi-brut, dont le cours dépend de la croissance de l’économie mondiale, importe 75% des besoins des entreprises et des ménages, l’inflation mondiale ayant des répercussions sur la facture d’importation, donc une économie rentière, et ayant placé plus de 90% de ses réserves de change à l’étranger tant en bons de trésor américains qu’en obligations européennes, environ 155 milliards de dollars sur 175 milliards de dollars de réserve de change au 01 juillet 2011, posant d’ailleurs la problématique de leur rendement réel et non nominal, est fortement interpellée.
*A. M. Professeur des universités