La Direction de la culture de la wilaya de Tizi-Ouzou, la Maison de la culture Mouloud-Mamerie, le Comité des activités culturelles et artistiques de la wilaya, le Théâtre régional Kateb-Yacine de Tizi-Ouzou, l’Ecole régionale des beaux-arts d’Azazga et la Cinémathèque, en collaboration avec le Musée du moudjahid et l’Union UGTA de la wilaya de Tizi-Ouzou se sont donné rendez-vous pour commémorer la Journée nationale du chahid qui correspond au 18 février de chaque année.
Pour cette année, un hommage appuyé a été rendu au chahid Aïssat Idir, les 17 et 18 février derniers, à la maison de la culture de Tizi-Ouzou et à Djemaâ Saharidj qui a vu naître le père de la Centrale syndicale. En vue de célébrer comme il se doit cette Journée nationale du Chahid , un riche programme, a été concocté par les initiateurs qui consiste, le dépôts de gerbe de fleurs, au niveau de la stèle Aïssat-Idir, dans son village natal, une projection d’un film documentaire,
retraçant la vie et l’œuvre du chahid, tiré des archives de l’ENTV, pour le premier jour, ainsi qu’un concours pour enfants portant sur le thème « qui était Aïssat Idir ? », une exposition de photos, de coupures de presse, une vente-dédicace de livres dédiés à la Révolution et aux martyrs, au niveau du hall de la maison de la culture Mouloud- Maameri, des conférences-débats animées par des enseignants universitaires, dont Mme Haddad et Mme Salhi et par le secrétaire général de l’Union de wilaya UGTA de Tizi-Ouzou, M. Ramdani.
Comme il est prévu aussi, la réalisation d’un portrait du chahid Aïssat Idir par les étudiants de l’Ecole des beaux-arts d’Azazga, une déclamation de poèmes dédiés à la mémoire du chahid et de tous les martyrs de la Révolution. Et, enfin, la présentation du dossier du classement de la Maison Aïssat-Idir par le service patrimoine de la Direction de la culture de la wilaya de Tizi-Ouzou.
Qui est Aïssat Idir ?
Aïssat Idir naquit en 1919 à Djamaâ Saharidj, village situé près de Tizi-Ouzou, au sein d’une famille paysanne de condition modeste. Il effectua ses études primaires dans son village et poursuivit ses études à l’Ecole Normale de Bouzaréah. De là, il fut affecté au lycée français de Tiz- Ouzou où il demeura jusqu’à l’obtention du diplôme de premier cycle de l’enseignement secondaire. Cependant, la situation économique de sa famille ne permettait plus de continuer à subvenir à ses besoins et il fut contraint de quitter les bancs de l’école.
En 1935, il rejoignit son oncle paternel à Tunis pour poursuivre des études supérieures en économie à l’université tunisienne jusqu’en 1938. En 1944, Aïssat Idir entra à l’usine d’aviation et ne tarda pas à être promu au grade de chef du service de contrôle administratif ; ce qui poussa l’administration de l’usine à l’envoyer au Maroc en vue d’occuper les mêmes fonctions à l’aéroport de Casablanca.
Son rôle dans le mouvement syndical algérien
Dans ce milieu de travailleurs, ses penchants syndicalistes commencèrent à apparaître et il s’intéressa à la défense des intérêts des travailleurs algériens. Ceci conduisit ses camarades à l’élire en tant que membre de la commission exécutive des travailleurs du secteur d’Etat, qui était une commission affiliée aux syndicats communistes français.
Dans le cadre de son activité syndicale au sein de cette commission, il réalisa que les syndicats français même de tendance communiste n’accordaient pas le même intérêt aux problèmes du travailleur algérien qu’aux préoccupations des travailleurs européens. A son retour en Algérie, l’idée de fonder une organisation syndicale algérienne commença à le préoccuper. Les idées d’Aïssat Idir suscitèrent des réserves de la part des syndicats français lesquelles commencèrent à œuvrer pour l’écarter des postes de responsabilité.
En 1951, la police française prit d’assaut l’usine dans laquelle il travaillait et il fut arrêté avec 10 autres travailleurs algériens. Ils ne furent libérés que dix jours plus tard. Par la suite, il occupa un autre emploi à la caisse d’allocations familiales du secteur du Bâtiment et Travaux Publics et devint responsable du comité central des affaires syndicales relevant du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques de 1949 à 1954. Cependant, son action en vue de propager l’idée du syndicalisme algérien fut la cause de son arrestation une seconde fois par les autorités coloniales.
Le 22 décembre 1954, il fut libéré. Les efforts d’Aissat Idir ainsi que ses démarches eurent une influence considérable sur la création en février 1956 de la première organisation syndicale algérienne, représentée par l’Union générale des travailleurs algériens dont il fut nommé secrétaire général. Ce poste lui permit de procéder à la mise en place de sections et cellules de l’Union et il continua sur cette lancée jusqu’à son arrestation le 23 mai 1956, sur ordre de Robert Lacoste, ministre-délégué en Algérie.
Circonstances de son décès et réactions internationales
Arrêté le 23 mai 1956 par les autorités coloniales en raison de ses activités syndicales, il fut emprisonné à Berrouaghia et de là, déplacé dans d’autres prisons : Saint-Lo, Aflou, Bossuet et, enfin, transféré à Alger pour être enfermé à la prison de Barberousse.
Parmi les accusations qui lui furent imputées par les autorités coloniales, celle d’avoir porté atteinte à la sûreté externe de l’Etat français. Le 13 janvier 1959, le tribunal militaire prononça un jugement reconnaissant son innocence. En dépit de cela, il ne fut pas libéré mais de nouveau transféré à la prison de Birtraria où il subit les tortures les plus cruelles ; ce qui contraignit l’administration de la prison à le transférer à l’hôpital militaire.
Aissat Idir mourut le 26 juillet 1959 des suites des tortures qu’il avait subies. L’assassinat du secrétaire général de l’Union Générale des Travailleurs Algériens suscita une large vague de réprobation et de colère de par le monde. Des télégrammes de protestation et de réprobation furent adressés par l’Organisation mondiale des syndicats libres,
la Ligue mondiale des syndicats, l’Union internationale des agriculteurs et des syndicalistes arabes ainsi que des syndicats communistes français. Ces instances ne se contentèrent pas de protester mais exigèrent du gouvernement français de faire toute la lumière sur les circonstances obscures de son décès.