La décision de l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (ALECSO) de désigner Constantine en tant que capitale de la culture arabe, en 2015, alimente depuis plusieurs jours les débats sur le Vieux Rocher. Le citoyen lambda, même s’il s’attarde volontiers sur cet événement, rejoignant l’avis des artistes, des hommes de culture et des responsables locaux lorsqu’ils évoquent "une fête grandiose qui va marquer cette cité bimillénaire et lui permettre de renforcer son identité culturelle", ne manque pas, cependant, de faire part de certaines appréhensions.
Les craintes du commun des constantinois ont trait tout particulièrement aux immenses chantiers qui parsèment sa ville, à l’exemple du viaduc transrhumel, qu’il faut "impérativement achever en 2014 comme le stipulent les délais contractuels, pour donner une image réellement valorisante de la cité du Rocher", explique Mahdi N., un étudiant de 24 ans.
Il reste que depuis l’annonce du choix de Constantine par l’Alecso, une profonde fierté est perceptible chez la majorité des habitants de la ville qui fut capitale de la Numidie, sous Massinissa, et qui a vu naître, bien plus tard alors que le pays était colonisé par la France, le père du réformisme algérien, l’imam Abdelhamid Benbadis.
Impatients de voir Cirta "bouillonner" culturellement
Les artistes et les constantinois proches du monde de la culture, déjà impatients de voir l’antique Cirta "bouillonner" culturellement une année durant, sont heureux. Et ils le font savoir.
Mohamed-Tahar Arbaoui, homme de culture bien connu pour avoir été président de l’Assemblée populaire de Constantine entre 1975 et 1984, voit en Constantine, capitale de la culture arabe, "une occasion de mieux faire connaître la ville des ponts mais aussi l’Algérie (à) et un renforcement d’un pan de notre identité".
M. Arbaoui, évoquant "la dynamique socioculturelle qui sera créée dans toute la région à la faveur de cette manifestation", insiste sur "la responsabilité que doivent d’ores et déjà assumer les représentants du mouvement associatif et des associations de divers horizons dans la préparation de l’événement".
Pour lui, les opérations de traitement de l’environnement "doivent se poursuivre et, pourquoi pas, se renforcer avec davantage d’implication citoyenne quitte à appliquer des mesures coercitives d’autant qu’il y va de l’image du pays tout entier".
C’est pourquoi, une "véritable révolution mentale" doit s’opérer chez tous les responsables des établissements recevant le public "qui doivent donner une priorité absolue aux règles de l’hygiène et du professionnalisme", estime aussi M. Arbaoui qui accorde aussi une attention particulière à la réhabilitation des plaques désignant les rues et les ruelles. C’est également, explique-t-il, une "partie de l’identité de la ville et une manière de valoriser l’architecture de la cité".
Une occasion rêvée pour dévoiler les richesses et le patrimoine constantinois
La mémoire vivante du malouf constantinois, Hadj Mohamed-Tahar Fergani, considère que cette manifestation est "un précieux cadeau fait à l’antique Cirta que le programme mis en place par le chef de l’Etat à fait renaître et resplendir".
Pour le "rossignol" de la ville des ponts, "le grand évènement Constantine, capitale 2015 de la culture arabe sera une occasion rêvée pour dévoiler les richesses et le patrimoine de la Cité dans les divers aspects musical, culturel et artistique".
Le savoir-faire et le savoir-vivre "doivent aussi accompagner cette manifestation, car la ville de Constantine, si belle et si riche par son histoire et ses hommes, représente un patrimoine très précieux qu’il faudra valoriser pour le présenter à nos invités". Et d’ajouter : "Si Dieu me prête vie jusque-là, je serais si heureux de participer à cette manifestation".
Un autre féru de culture, Zoheir Bouzid, commissaire du festival international de jazz "Dimajazz", considère que Constantine "est une ville universelle de par son histoire et les civilisations qui se sont succédées sur ses terres".
Capitale de la culture arabe, la cité bimillénaire "renforcera sa position et saura, sans doute, mettre à niveau ses infrastructures culturelles et d’accueil (à). C’est aussi l’occasion de s’ouvrir sur d’autres cultures et de revaloriser notre patrimoine par rapport au monde arabe".
M. Bouzid va jusqu’à proposer la réalisation d’une cité de la musique, une infrastructure, selon lui, "qui rayonnerait sur tout l’est du pays et contribuerait avec de multiples activités culturelles à combler le déficit monstre en matière d’accueil d’événements culturels majeurs".
Un budget et un programme spéciaux
Pour Djamel Foughali, directeur de la Culture de la wilaya de Constantine, l’événement est "une vraie relance pour la capitale de l’Est sur tous les plans (à) car cela permettra de mettre à niveau les infrastructures culturelles, aussi bien au chef-lieu de la wilaya que dans toutes les autres communes".
Evoquant les manifestations "Alger, capitale 2007 de la culture arabe" et "Tlemcen, capitale de la culture islamique en 2011", M. Foughali estime que "beaucoup d’expérience a été accumulée par l’Algérie grâce à l’organisation de ces événements". Ce sont, dit-il, "des atouts qui jouent en notre faveur et qui permettront de faire du rendez-vous de Constantine, une fête grandiose".
Le directeur de la culture précise qu’un budget sera alloué spécialement à cette manifestation et qu’un programme spécifique à l’évènement sera élaboré.
"La ministre de la Culture et les autorités locales dresseront, sur la base de propositions des responsables concernés par le volet culturel, le programme des projets à réaliser, des infrastructures à mettre à niveau et des sites historiques et archéologiques à mettre en valeur", souligne-t-il.
Les citoyens de Constantine, même si quelques uns partagent les inquiétudes de Mehdi, perçoivent d’un bon £il cet événement, à l’exemple d’Asma B., une enseignante rencontrée au centre-ville, qui considère que "la manifestation débouchera sûrement sur la propreté de la ville et sur la création d’une dynamique qui pourrait profiter à Constantine pour les décennies à venir". Pour Nabil M., ingénieur, "Constantine, capitale de la culture arabe va permettre à la ville de respirer la vie, de déterrer son histoire et de briller pendant une année (à.) pourvu que les autorités locales s’organisent bien, mettent un vrai programme pour la manifestation et réalisent toutes les infrastructures nécessaires à temps".
L’évènement "Constantine, capitale 2015 de la culture arabe" a, quelque part, déjà commencé.