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Mohand Akli Haddadou, écrivain, spécialiste de la question berbère au Midi LIbre
«Toute nouvelle institution servant la langue et la culture berbères est la bienvenue»
17 Avril 2010

Mohand Akli Haddadou est docteur d’Etat en linguistique berbère, il enseigne à l’université de la lexicologie berbère. Il est l’un des spécialistes reconnus dans le domaine amazigh. Auteur de plusieurs publications, Mohand-Akli Haddadou a même fait des incursions en islamologie. Il a publié, entre autres ,«Guide de la culture et de la langue berbères», «Défense et illustration de la langue berbère», «Les Berbères célèbres», «L’interprétation des rêves dans l’islam» et «Le Coran et les grandes énigmes de l’univers».

Midi Libre : 30 ans sont déjà passés depuis le Printemps berbère. Quel est l’état des lieux de la revendication berbère en Algérie ?
Mohand Akli Haddadou : La situation a beaucoup changé. Les événements d’avril 1980 ont non seulement fait évoluer la question berbère en Algérie et, d’une façon générale au Maghreb, mais hâté le processus de démocratisation dans notre pays. Octobre 1988 a été - bien qu’on ne le reconnaisse pas toujours- une conséquence de ce mouvement. Bien sûr, les acquis ont été longs à venir et, en 1985, pour soutenir mon troisième cycle de linguistique berbère à l’étranger, j’ai dû peiner pour obtenir mon autorisation de sortie. En 2003, j’ai soutenu un doctorat de linguistique berbère, en Algérie —c’est même le premier doctorat d’Etat en berbère soutenu en Algérie— et j’enseigne dans une université algérienne. Je dispose même, avec mes collègues, d’un laboratoire financé par l’Etat. J’ai fait soutenir une quinzaine de magistères et je fais préparer une dizaine d’autres. Ce témoignage personnel montre tous les efforts qui ont été faits, notamment depuis les années 2000, par l’Etat en matière de promotion de tamazight.

Tamazight a été introduite dans plusieurs domaines (médias, enseignement, audiovisuels…). Comment expliquez-vous sa non officialisation ?
L’officialisation de la langue berbère a toujours été l’objectif des militants, mais aussi de tous ceux qui tiennent à la survie de cette langue ancestrale. C’est l’officialisation qui permet l’utilisation et, dans les domaines de la vie quotidienne, d’une langue, notamment dans l’enseignement et l’administration. Le berbère, en Algérie, est aujourd’hui en position de semi-officialisation puisqu’il est introduit à l’école qui est, rappelons-le, pour utiliser une expression aujourd’hui banalisée, un ’’appareil idéologique de l’Etat’’. Personnellement, et en tant que linguiste, je suis pour l’officialisation de la langue, mais seulement après son aménagement, c’est à dire après l’avoir préparé à assumer par la modernisation de son vocabulaire les tâches qu’on veut lui faire assumer.

Que pensez-vous de la chaîne 4 de télévision algérienne dédiée à la culture amazighe ?
Toute nouvelle institution servant la langue et la culture berbères est la bienvenue. C’est une nouvelle tribune pour la langue et la culture il faut l’encourager. Des centaines de créateurs, jeunes et moins jeunes, cherchent des moyens d’expression: cette télévision doit leur donner l’occasion de faire valoir leurs talents.

Que doit-on à votre avis faire pour généraliser une langue nationale à l’ensemble du pays ?
Une langue se propage quand on la parle. Personne n’ignore que le berbère n’est que la langue d’une partie des Algériens, la majorité étant arabophone. Cela ne veut pas dire que ces Algériens ne sont pas des Berbères : ils ont pour des raisons historiques et sociologiques, perdu l’usage du berbère. Il appartient aux berbérophones de leur faire retrouver l’envie d’apprendre de nouveau le berbère et de se sentir pleinement berbères, tout en gardant les autres valeurs de l’identité algérienne, l’arabe et l’Islam, qui sont également partagées avec les berbérophones. Il est bon que des départements de berbère soient créés dans toutes les universités algériennes, notamment dans la capitale.

Comment expliquez-vous le manque de spécialistes ?
Aujourd’hui, les deux départements de berbère à Tizi-Ouzou et à Béjaia forment les futurs spécialistes. Déjà, près d’une centaine de magistères ont été soutenus et des dizaines d’autres sont en préparation. Mais les spécialistes de rang magistral manquent.

A votre avis quel est le facteur essentiel qui empêcherait la création de l’académie berbère ?
Cette académie dont on parle depuis plus d’une année existe dans les textes ainsi qu’un conseil supérieur de la langue amazighe. C’est sans doute une question de temps pour mettre les choses au point. Je ne pense pas qu’il y ait volonté d’empêchement, puisqu’il existe d’autres institutions chargées de la promotion du berbère.

Quel est le système d’écriture adéquat pour la transcription de cette langue, tifinagh, latin ou arabe ?
Au plan scientifique, une langue peut-être transcrite dans n’importe quel alphabet. Le persan, une langue indo-européenne est transcrit en caractères arabes, le maltais, une langue sémitique dérivée de l’arabe est transcrit en caractère latins. Il appartiendra aux utilisateurs de décider quel système employer. Beaucoup sont favorables au latin, certains à l’arabe, moi je pense qu’il ne faut pas négliger le tifinagh qui peut régler la querelle!

L’autre problème qui se pose est celui du parler. Que faire pour l’unification des dialectes ?
C’est l’usage qui va pousser vers la convergence des dialectes. L’école, la radio, la télévision, en unifiant le vocabulaire et les nouvelles terminologies, peuvent aider dans cette tâche.

Existe-t-il un lectorat amazigh ?
Il est encore faible. Il manque les habitudes de lecture. L’école pourrait aider à installer ces habitudes.

On assiste à un phénomène curieux : au moment où tamazight prend de plus en plus de place sur le plan politique, le nombre de berbérophones diminue. Qu’en pensez-vous ?
C’est le prix du progrès. Les berbérophones ne sont plus cantonnés dans leurs villages, et puis, ils sont de plus en plus en contact avec d’autres langues et d’autres cultures.
K. H.

Par : Kahina Hammoudi

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