Jules Roy, ce grand écrivain qui se considérait lui-même comme le fils spirituel d’Albert Camus, avait entamé de son vivant, une des ruptures les plus nettes avec le système colonial. En effet, ce rebelle, natif de Bougara, ex-Rovigo, découvrit l’Algérie grâce à Jean Amrouche, l’intellectuel d’Ighil Ali. Lui qui fut à un moment donné antisémite et antiarabe, n’hésitera pas, en 1960, à dénoncer la torture pratiquée en Algérie. Depuis, il n’a cessé de dénoncer l’injustice et l’arbitraire colonial.
En écrivant, dès lors, sur le ciel de la Mitidja, la guerre d’Algérie, l’honneur et le déshonneur de l’armée française, une partie de l’intelligentsia française a toujours refuser de reconnaître en lui un écrivain de talent. Mais bon gré, mal gré, son travail sera couronné de prix prestigieux, à l’image du prix Renaudot en 1946 pour "La Vallée heureuse". Il est également connu pour sa fiction en six volumes, "Les Chevaux du soleil" (1967-1972) qui «démonte avec douceur, patience et sérénité la lourde mécanique d’injustice, d’aveuglement et de stupidité qui nous a fait perdre l’Algérie», confiait-il à ses amis. Il faut dire qu’il se jeta dans cette fiction, aussitôt après l’indépendance, lorsqu’il souffrait de sa condition de militaire et de pied-noir devenu, du fait de ses engagements, «Étranger pour ses frères».
Écrite au pied de la basilique de Vézelay, où il décéda le 15 juin 2000, l’ultime partie de l’œuvre de Jules Roy est surtout plus marquée de rétrospection (Mémoires barbares, 1989 ; Adieu ma mère, adieu mon cœur, 1996, Journal I, II et III, 1997-1999) et de méditation (Vézelay ou l’amour fou, 1990. Rostropovitch, Gainsbourg et Dieu, 1991), mais sans atteindre pour autant à la sérénité à laquelle il aspirait, qui transparaît dans sa Lettre à Dieu (posthume, 2001).
En 1995, une période difficile traversée par l’Algérie, son pays natal, l’incite à revenir se recueillir sur la tombe de sa mère, enterrée au cimetière chrétien de Sidi Moussa. De ce bref séjour, il sortit un livre, qu’il intitula, à juste titre, "Adieu ma mère, adieu mon cœur". C’était en réalité une manière à lui de parler de son pays, l’Algérie, habitée encore une fois par les démons de la violence.
En conclusion, les organisateurs du SILA 2007 ont fait preuve d’une grande lucidité en réhabilitant ce fils de l’Algérie qui s’est fixé comme devise de «dire tout». Dire l’amour, dire la haine, et aujourd’hui, grâce au SILA, nombreux seront les Algériens qui diront, à Jules Roy leurs plus sincères hommages…
Par : S. A.