La Sbeiba, une fête ancestrale célébrée récemment par les habitants de la région du Tassili n’Ajjer (Illizi) à travers une mosaïque artistique, traduit la richesse du patrimoine culturel de cette région dans l’extrême
sud-est du pays, legs transmis de père en fils.
Célébrée le jour de l’Achoura (10e jour du mois de Mouharram) par les habitants du Tassili N’Ajjer et plus particulièrement ceux de la ville de Djanet, la Sbeiba est un rite ancestral intimement lié à l’histoire des ksour (quartiers antiques) El-Mihane et Azelouaz, qui traduit la profondeur et la richesse du patrimoine culturel tassilien à travers le chant, la poésie et la danse, estiment des spécialistes du patrimoine culturel immatériel de la région.
La Sbeiba, entre mythe et réalité
Selon la légende, transmise de génération en génération, le Pharaon Ramsès II serait passé par la ville de Djanet, a indiqué le président de l’association Sbeiba de la ville de Djanet, M. Kassem Tekabou, rencontré par l’APS à Doghia (la place où se déroule la grande cérémonie de la Sbeiba).
Il en veut pour preuve les peintures rupestres exécutées sur les parois rocheuses du plateau du Tassili n’Ajjer représentant des chariots tirés par des animaux, principal moyen de transport des Pharaons à l’époque. Ramsès II qui vivait en Egypte passait l’été en Afrique, a-t-il dit.
Apprenant avec soulagement la mort par noyade de ce tyran qui torturait la population, les habitants de Djanet se rendirent en masse vers Doghia pour "célébrer la mort de la tyrannie et de l’injustice".
"Tissiway" ou la poésie populaire
Lors de la Sbeiba, les femmes déclament "Tissiway", poésie du terroir qui traite de différents thèmes puisés dans les us et coutumes de la région, a précisé la même source. Les hommes, eux, exécutent des danses populaires sur rythmes émouvants des tambourins, tandis que des guerriers en grand apparat exhibent les étoffes sacrées qui rappellent leur origine tribale et leur unité face à l’ennemi. La poésie de la Sbeiba comprend des vers panégyriques faisant l’éloge d’hommes illustres et autres vers échangés entres les habitants des ksours El-Mihane et Azelouaz mettant en exergue les défaillances des uns et des autres.
La Sbiba se veut un legs culturel transmis de génération en génération par les habitants de Djanet en dépit des différentes mutations imposées par la mondialisation. Cependant, la détermination des jeunes et leur attachement à cette coutume ancestrale ont sauvé de disparition ce riche legs culturel, en témoigne la présence d’enfants aux festivités célébrant la fête de la Sbeiba, a relevé M. Tekabou. L’association locale de la Sbeiba se charge de former les jeunes à la danse. Selon un rituel ancestral, la Sbeiba met en scène chaque année une série de danses guerrières où deux groupes d’hommes issus de deux vieux ksour, à savoir El-Mihane et Azelouaz, parés de leurs plus beaux costumes traditionnels, célèbrent un pacte de paix conclu entre leurs aïeux.
Les femmes font "parler" leurs tambours sur un bel effet de rythmes appelés "Ganga" pour accompagner les guerriers danseurs en entonnant le ’’tissiway’’, un chant poétique traditionnel.
Les différentes associations activant sur la scène culturelle s’attèlent à la préservation de Doghia telle quelle a toujours été, sans y introduire la moindre retouche malgré les tentatives répétées des autorités locales de la wilaya d’Illizi d’y installer une scène pour accueillir les délégations officielles. Les habitants de la ville de Djanet, à leur tête ceux du Tassili, aspirent à voir la Sbeiba classée au "patrimoine mondial immatériel". C’est dans cette perspective que l’association a déposé un dossier complet sur la "Sbeiba" auprès des autorités compétentes, a souligné M. Tekabou, saluant le rôle "prépondérant" du ministère de la Culture en matière de préservations du legs culturel national.