Salim Aggar est président de l’Association «A nous les écrans» qu’il a créée en 1998. Il a commencé à réaliser des courts métrages à l’âge de 21 ans. Après un temps de répit correspondant à la durée de ses études à l’université, il retourne à ses premières amours. C’est la presse où il a exercé, 15 ans durant, le métier de journaliste et notamment de critique de télévision qui lui a permis de se «remettre sur les rails» du cinéma. En 2007, il réalise un film-documentaire sur le cinéma algérien sous le titre Ça tourne à Alger, lequel est parvenu à arracher plusieurs distinctions dans plusieurs festivals internationaux à travers le monde.
Midi Libre : Ça ne tourne plus à Alger, semble-t-il ?
Salim Aggar : Non, ça tourne même si ce n’est pas au même rythme que les années précédentes, surtout en 2007 où l’on a tenu la manifestation «Alger capitale de la culture arabe». Oui, c’est vrai, aujourd’hui il n’y a plus autant de productions qu’en cette année-là mais les cinéastes actuellement préfèrent plutôt tourner des documentaires que des longs métrages qui coûtent très cher.
Y a-t-il un ou des films qui se seraient distingués durant l’année 2009 ?
Oui, il y a eu Mascarades de Lyes Salem qui a remporté beaucoup de prix, mais cela reste un film de 2008. Il faut savoir qu’un film a une durée de vie d’une année. Après sa sortie, il va tout au long de l’année faire le tour des salles. Mais on peut dire que le film de Tariq Teguia Inland est sorti du lot en cette année 2009, même s’il n’a pu égaler ou surpasser Mascarade» dans les festivals.
Ces films sont-ils des produits nationaux ?
Ce sont des films tournés en Algérie, mais financés avec de l’argent extérieur. Un film coûte au minimum 50 millions de dinars. Les réalisateurs sont obligés de chercher le financement ailleurs, le ministère de la Culture n’allouant que 10 millions de dinars, ce qui oblig parfois certains cinéastes à transformer leur long-métrage en feuilleton.
C’est-à-dire ?
Cela a été le cas du film de Dahmane Ouzid qui, n’ayant bénéficié que de l’allocation du ministère, n’a pu mener à son terme son projet. La télévision l’a donc sauvé en lui octroyant les fonds nécessaires pour qu’il puisse en faire un feuilleton pour elle.
Vous n’avez pas cité le film sur Benboulaïd ni le Festival annuel du film amazigh, ce qui peut signifier que vous ne les considèrez pas comme des œuvres marquantes ?
Le film d’Ahmed Rachedi sur Mostefa Benboulaïd à mon sens a suivi un circuit biaisé. Il n’a pas été distribué dans les salles. Il n’a pas suivi son circuit naturel car sa diffusion a été perturbée par l’attitude des producteurs qui ne souhaitent pas le voir diffuser dans les salles de cinéma. Le ministère des Moudjahidine a donné pour ce film beaucoup d’argent. Je pense que ce ministère n’a pas donné son aval pour en assurer la promotion.
Pourquoi ?
Je pense qu’il a le souci de contribuer à la vulgarisation de l’histoire de la Révolution que d’en faire une opération commerciale.
Mais il y a un problème de fond, Benboulaïd est-il un film de cinéma ?
C’est un film de cinéma certes, mais qui a été surtout utile, lors des célébrations du 1er Novembre et du 5 Juillet, pour rendre hommage aux martyrs. On n’a pas voulu en faire un film artistique et commercial. Mascarades et Benboulaïd ont donc marqué 2009 chacun à sa manière.
Revenons au Festival du film amazigh …
De ce côté-ci, je ne vois rien de nouveau, sinon la décision de fixer le festival à Tizi Ouzou. A mon sens, ceci va empêcher ce cinéma, qui possède une culture et une identité, de s’exprimer hors de ses frontières. Je note aussi que les films berbères primés l’ont été tous au niveau des festivals amazighs, ils ont donc tous obtenu des prix pour la langue utilisée et non pas pour l’image et la culture qu’ils véhiculent. Le jour où un film amazigh décrochera un prix dans un festival généraliste, on pourra alors dire que ce cinéma a atteint pleinement son but qui est celui d’être vecteur d’une culture.
Revenons à vous, avez-vous des projets en cours?
Je prépare un nouveau film qui relate l’histoire d’un prisonnier français pendant la guerre de Libération. J’ai aussi un second sur la thématique de «La guerre d’Algérie et le cinéma».
Qu’en est-il du réseau des salles de cinéma ?
Il est dans un état lamentable. À Alger, quatre salles au maximum peuvent accueillir des longs-métrages. L’Algéria est fermée pour travaux, Ibn Zaydoun est plutôt réservée aux représentations théâtrales et aux concerts de variétés. La Cinémathèque est fermée également pour travaux. Quant à la salle El Mouggar, elle s’est spécialisée dans la projection des avant-premières. Une lueur d’espoir cependant puisqu’on enregistre la réouverture de la salle Sierra Maestra à Meissonnier, qui a une capacité de 700 sièges.