M. Djamel Turki, propriétaire de la galerie Arslan, qui s’exprime avec une voix qui ressemble à s’y méprendre — le sait-il ? — à celle du comédien français qui double l’acteur américain et international Kirk Douglas, est lui-même peintre, "autodidacte", tient-il à préciser. Architecte de formation, il n’a pu, comme beaucoup d’universitaires de sa génération (60 ans passés), se consacrer au métier pour lequel il a été formé, l’Algérie post-indépendance ayant besoin, avant tout, d’organisateurs. Il a donc fait une carrière de cadre-dirigeant dans plusieurs entreprises et institutions, avant de fonder, une fois la retraite venue, la galerie d’art d’Arslan en 2003.
"Flasher sur une toile, c’est ressentir ce qu’a ressenti le peintre qui a réussi à extérioriser vos sentiments et vos goûts".
Toute la passion de l’homme est dans cette phrase qui explique, outre le fait qu’il prend lui-même le pinceau, son intérêt pour les œuvres d’autrui, dont il a commencé à organiser l’exposition dans le salon de son propre foyer.
N’ayant pas les moyens (n’est-ce pas que partie remise ?) de fonder une galerie sur le modèle architectural mozabite, il s’est contenté de louer un local classique qu’il a aménagé avec beaucoup de talent.
Pourquoi architecture mozabite ? Parce que celle-ci, dont M. Turki affirme que le Corbusier était amoureux, "n’a pas d’arête, qu’elle est faite de main d’homme, qu’elle est curieusement moderne et contemporaine, tout en venant du passé".
Il regrette les tabous de toutes sortes qui empêchent encore l’épanouissement de la peinture dans notre pays.
Mais en dépit de tous les obstacles, il est déterminé à poursuivre l’exercice de son métier que jusqu’à présent, il finance sur d’autres ressources et même si, à chaque échéance, il se demande s’il peut encore renouveler le bail de son contrat de location.
Il travaille actuellement, avec d’autres bonnes volontés, à favoriser l’émergence d’un marché national de l’art qui nécessite au moins trois conditions : un niveau culturel élevé dans le public, la multiplication des galeries et salles de vente et la médiatisation des artistes. "On achète surtout le nom", constate-t-il.
Il attire également l’attention sur les œuvres qui risquent de se détériorer de façon irrémédiable car mal conservées dans des lieux peu propices, comme une cave humide, voire inondée, par exemple.
L’entretien et la restauration des œuvres "agressées", si l’on veut qu’elles parviennent aux générations futures, est un impératif catégorique, selon cet amoureux de l’art des couleurs. C’est cet amour qui lui fait dire que la plus grande joie d’un galeriste, c’est de faire la découverte et de faire connaître un véritable artiste-peintre, c’est-à-dire d’un homme (ou d’une femme, évidemment) qui soit un créateur et non quelqu’un qui peint banalement, reproduisant ce qui est déjà connu. Et n’est-ce pas ainsi que tout progresse par la création ?
Par : M. A. N.