La nécessité de préserver le richissime patrimoine matériel et immatériel du pays, de respecter sa source et de décomplexer l’Algérien par rapport à cet acquis culturel national a été soulignée, lundi à Tizi-Ouzou, par la directrice des recherches au Centre national de recherche préhistorique, anthropologique et historique (CNPRAH).
Rencontrée par l’APS en marge des activités de célébration du Mois du patrimoine, abritées par la maison de la culture Mouloud- Mammeri, Maya Saïdani, également ethnomusicologue, a mis l’accent sur l’importance de "décomplexer l’Algérien par rapport à son patrimoine, si on veut préserver cette facette de la culture nationale".
"Il faut décomplexer les gens, notamment les jeunes, et leur montrer la richesse et la beauté du patrimoine algérien, et combien ils peuvent en être fiers pour pouvoir, par exemple, écouter des chansons anciennes sans se voir traiter de démoder". Selon la directrice du CNPRAH, la préservation du patrimoine passe aussi par le "respect de la source", c’est-à-dire de ceux qui le perpétuent.
"J’ai vu des pratiques très dégradantes de la part de certains qui vont à la source s’approvisionner en images, si bien que quand un chercheur sérieux arrive pour faire un travail, les détenteurs du patrimoine refusent de collaborer, car ils n’ont plus confiance", a-t-elle déploré.
L’autre souci de la préservation du patrimoine est le respect de son milieu de production et de la manière dont il est pratiqué, a estimé cette ethnomusicologue, expliquant que "lorsqu’on va dans une région pour enregistrer une danse ou un chant par exemple, il est important que l’intervention des tiers se fasse de la manière la plus discrète possible".
Le spécialiste, a-t-elle expliqué, «doit camper un rôle d’invité et ne doit pas intervenir. Sa mission étant de se contenter d’observer, pour relater ce qu’il a vu, en situant l’activité dans le temps, et de donner un avis". Interrogée sur le travail du mouvement associatif pour la préservation du patrimoine culturel, Mme Saïdani, qui a dénoncé la "folklorisation" du patrimoine, a déclaré que certaines associations, par leurs pratiques "dérangent la culture" lorsqu’elles considèrent le patrimoine comme "une marchandise qu’on enjolive pour mieux la vendre". Des pratiques, a-t-elle relevé, qui "jettent le discrédit sur un patrimoine authentique, vraiment beau, intéressant et profond".
Cette spécialiste, qui s’intéresse dans ses travaux actuels, au "passage à la scène" des groupes de danse ou de chants traditionnels, pense que "ce passage du milieu naturel, simple et spontané doit se faire d’une manière très favorable, en évitant de tomber dans le piège de la consommation qui consiste à interpréter des pièces qui plaisent."
Pour elle, la numérisation offre un moyen intéressant de préservation du patrimoine qui "évolue et change de manière inévitable", dans une société en quête permanente de confort, synonyme de changement. Mme Saidani préconise, par ailleurs, la création de structures où des troupes de chants ou de danses traditionnelles propres à chaque région puissent se produire et continuer à jouer convenablement leurs répertoires authentiques, sans avoir à opérer de changements, et avoir des entrées d’argent qui leur permettront de perpétuer leur art. Ces structures auront également à assurer la relève par la formation des jeunes, a-t-elle ajouté.