Chanter l’exil, l’amour, la mélancolie, l’amitié, la séparation, aborder, par la chanson, ces thèmes chargés, sans jamais tomber dans le mélo : c’est le défi que semble s’être lancé les "Abranis", groupe légendaire de rock berbère, dans leur nouvel album Rwayeh-divertissement, sorti récemment.
Marqués par des sonorités éclectiques (rock et pop, notamment), rythmées par des tempos, tantôt berbères tantôt africains, accompagnant des textes clamés en kabyle, les dix titres du nouvel opus libèrent toute la sensibilité des Abranis qui totalisent, aujourd’hui, quarante ans d’existence sur le scène artistique. La voix chaude et puissante, au timbre berbéro-rock, du leader du groupe, Karim Branis, associée aux sons des guitares, des claviers et de la batterie, se transforme, dans ce nouveau produit, en une mélodie, à la fois dense par les émotions qu’elle dégage, et souple par ses vibrations qui rappellent les montagnes de Kabylie. «Rwayeh se distingue aussi par plusieurs duos. L’inclassable Cheikh Sidi Bémol, le rockeur kabyle Ali Amrane, le talentueux Bélaid Branis (fils de Karim) et la chanteuse à la voix prometteuse, Taoues Arhab, ont mêlé leur talent à celui des "Abranis", apportant à l’album une richesse artistique remarquable.
A propos du choix de ces duos, Karim Branis dira à l’APS : "En fait, le choix de ces invités ne s’est pas fait au hasard. Cheikh Sidi Bémol est un grand artiste avec qui j’ai déjà fait un duo pour son dernier album (Paris-Alger-Bouzeguène) en 2010 dans le titre _ Boudjeghlelou ». Ali Amrane, son style pop-rock méritait bien de figurer dans cet album. Pour Taoues, c’est simple,
" je suis tombé amoureux du timbre de sa voix". Dans la chanson Adfel (La neige), dans laquelle figure le couplet qui a donné son titre à l’album, Karim et Cheikh Sidi Bémol semblent s’être donner le mot pour faire swinguer leurs fans. Awi iruhen (S’en aller voir), le duo avec Bélaid Branis dans lequel la voix du père est en parfaite symbiose avec celle du fils. Elles se fondent l’une dans l’autre, créant un agréable "tumulte" rock, sur des rythmes kabyles traditionnels.
Les duos Tabladt semmden (La pierre froide) avec Ali Amrane et Taninna (Reine des airs) avec Taouès Arhab, ne dérogent pas à la règle : le "fusionnel", ici, s’exprime à travers un va-et-vient d’émotions et un dialogue de nostalgie. Créés en 1973, les Abranis ne se conçoivent pas comme un groupe figé, s’arrêtant à quelques personnes, mais plutôt comme une formation en évolution, constante, insiste Karim Branis, de son vrai nom Sid Mohand Tahar. Disparu de la scène artistique algérienne entre 1986-2008, ce groupe mythique inscrit sa musique dans le rock universel, "universal rock music", comme l’aime à le préciser Karim, également auteur et compositeur qui évoque, non sans fierté, le parcours artistique des Abranis et les difficultés auxquelles a dû faire face par le groupe pour imposer son style sur la scène musicale algérienne.
Le groupe dont le fondateur ne cache pas son faible pour des célébrités de renommée internationale comme les Pink Floyd, Deep Purple, Beatles, Elvis Presley, James Brown ou encore Johnny Hallyday, compte à son actif plusieurs albums dont Imeti tayri (1978), Avehri (1983) et Wali kan (1994).