La grande salle du TNA (Alger) a abrité le jeudi 14 mai 2009 une représentation théâtrale intitulée «Si tu étais palestinien», de l’écrivain syrien Mamdouh Adouane. La mise en scène était signée du jeune artiste algérien Abbas Mohamed Islam.
L’art dramatique permet cette relation manifeste entre l’histoire d’un peuple et la pratique culturelle. En mettant en scène cette pièce théâtrale, Abbas Mohamed Islam voulait concilier deux paramètres essentiels : fournir une représentation historique où le peuple palestinien demeure un acteur déterminant et produire également tout un spectacle artistique où le conflit Israël/Palestine apparaît dans sa réalité intrinsèque. La scène théâtrale va comporter les éléments essentiels d’un discours dramaturgique. Entre le décor et l’action des personnages, c’est toute la configuration spatiale de la Palestine occupée qui est représentée. Une sorte de rempart où les combattants palestiniens évoluent, au fait une référence métaphorique au mur de l’apartheid sioniste, celui qui sépare la Palestine occupée de la Cisjordanie, long de 650 km et un site archéologique, où le docteur Moshé et son assistante Sarah réalisent une fouille pour justifier une mythique présence millénaire.
Le texte théâtral de Mamdouh Adouane a su reconstituer les donnée historiques de la spoliation de la Palestine - le 15 mai 1948 - et a également mis en présence les deux communautés antagonistes dans ce conflit qui dure depuis plus de 60 années ! La progression dramatique s’enclenche par une séquence montrant l’équipe archéologique (Moshé et sarah) en train de procéder à des fouilles, entourés de pierres éparses et un soldat israélien qui valorise la puissance de son arme. Entre la recherche d’un éventuel indice archéologique millénaire et une militarisation effrénée des immigrants juifs venus du monde entier s’installer en Palestine, c’est toute la dimension tragique d’un peuple spolié de sa terre qui va apparaître sur scène. En effet, la venue d’un commando palestinien va enclencher le processus dramatique de la pièce. Cette intervention des Fidaïs palestiniens illustre l’acte de résistance anti-sioniste.
Le soldat israélien est tué, Moshé et Sarah sont retenus par les deux hommes et Fatima qui composent ce commando. Le fait que Moshé demeure assis, poursuivant son activité et répondant aux membres du groupe révolutionnaire et Sarah qui peut évoluer sans contrainte dans le site, indique que les résistants sont contraints à utiliser cette méthode de lutte pour exiger la libération des détenus palestinien, en échange de la libération des deux captifs. Un élément-relais intervient dans le déroulement scénique : c’est l’intermédiaire entre le groupe de Fidaïs et les autorités sionistes. Cet acteur permet une progression thématique évidente quant aux enjeux manifestés par la question palestinienne. C’est à travers toute une discussion entre les personnages que le spectateur peut saisir la matérialité historique de ce conflit. Au fait, l’histoire des Palestiniens, perçue à travers les prismes déformants des idéologies sionistes et de contre-discours prôné par la Résistance palestinienne. En considérant les palestiniens luttant pour le recouvrement de leur terre millénaire comme étant des «terroristes», la philosophie dominante sioniste procède à une falsification historique.
L’auteur, Mamdouh Adouane, retrace donc cette période historique : depuis l’occupation de la Palestine au mois de mai de chaque année, l’usurpateur israélien ne cesse de procéder aux massacres des populations palestiniennes, déformant les balises socio-historiques de la Palestine occupée.
En voulant séduire le chef du groupe fidaï, Sarah utilise les atouts prônés par l’idéologie sioniste caractérisés par «la beauté et l’esthétique juives». D’ailleurs, la combattante Fatima prévient son responsable : «Elle utilise sa beauté et ses accoutrements vestimentaires de nuit pour te séduire». Le chef de groupe lui répond qu’il ne peut être détourné de sa vocation militante car «je suis Palestinien». Le mouvement scénique est fondamentalement construit sur le mot «Si» introductif d’une condition à atteindre, d’une entité à vivre, d’un traumatisme à oublier, d’un viol meurtrier, d’une discrimination raciale soutenue, d’une spoliation destructrice, d’un exode permanent, d’une mort quotidienne. En forme d’une question devant nécessiter forcément une réponse : «Si tu étais Palestinien…», mais sans interrogation, comme une supposition adressée à toute sonscience humaniste refutant le fascisme sioniste.
Reproduire les grandes lignes du conflit entre deux conceptions diamétralement opposées, est une expérimentation artistique délicate. Elle exige toute une clarification de l’évènement historique, comme pour situer objectivement le déroulement dramatique. La mise en scène de Abbas Mohamed-Islam, a permis de saisir cette articulation dialectique entre la colonie de peuplement sioniste et le peuple palestinien autochtone. Toutefois, l’objectif essentiel de la Révolution palestinienne anti-sioniste n’est-il pas la réappropriation de leur terre ancestrale cananéenne millénaire ? Et le discours théâtral s’imprègne des différents aléatoires, voire fictifs, entre différents courants de la Résistance palestinienne pour soulever la polémique inter-palestinienne relative aux méthode de combat à mener contre l’envahisseur colonialiste sioniste. L’arbre symbole de la Palestine, l’olivier, trônant au milieu de la scène n’est-il pas référent déterminant d’une même convergence révolutionnaire anti-sioniste ? Le décor traduit toute une plongée classificatrice de la conjoncture historique palestinienne. Entre Moshé (admirablement joué par le jeune Wael Bouzida) et Sarah (interprétée par Imane Zimani), le metteur en scène a su attribuer à leur action scénique tout un prolongement des composantes dominiantes de l’Etat israélien. Face à ce couple étranger en terre cananéenne, les combattants palestiniens développèrent leur doctrine et convictions fortement énracinées dans la terre de Palestine.
Les acteurs Khalil Aoun, Souad Cheikh Djawasti, Amir Mohamed Frik, Tewfik Rabhi et Yeshad Abdennour ont accaparé la sphère théâtrale dans une dynamique représentative manifeste. Car le jeu scénique consiste également à valoriser le mouvement des personnages dans l’espace scénique. La musique reprenait généralement «l’Hymne à la joie», la 9e symphonie de Beethoven.
L’épilogue théâtral est caractérisé par l’assaut militaire israélien contre tous les éléments s’y trouvant. La combattante Fatima succombe et proclame avant de Mourir : «N’oubliez pas l’arabité d’El Qods». Tous les personnages sont tués sauf les deux fidaïs qui poursuivent le combat. La pièce «Si tu étais Palestinien» est l’expression d’une mise en relief objective de la question palestinienne. Et dans le cadre de «El Qods, capitale éternelle de la culture arabe», qui se déroule en cette année 2009, le TNA a réalisé cette complémentarité judicieuse entre l’évènement historique et la pratique artistique.