Cheikh Hamada est considéré comme étant le chantre éternel du chant bédoui. Poète et chanteur hors-pair, Cheikh Hamada a enclenché, un véritable bouillonnement musical, la citadinisation du bédoui traditionnel.
Un genre qui est devenu de suite un phénomène majeur dans la musique maghrébine.Dans les compositions du Cheikh, la gasba, instrument auquel l’artiste a apporté une touche propre à la région du Dahra influençant ainsi le répertoire chaâbi qui entre sous sa férule, connaitra un travail de véritable remaniement. Et c’est ainsi que l’artiste réussira à révolutionner la tradition musicale dans le genre bédoui, et ce, en parvenant de façon magistrale à imbriquer la poésie citadine entre hadri, haouzi et aroubi au bédoui. Cheikh Hamada réussira à faire connaître le bédoui, ce genre musical basé sur des poésies bédouines ancestrales et rapprocher la campagne et la ville, élargissant, ainsi, le mouvement sur l’ensemble de l’Algérie et par delà les frontières. Cheikh Hamada a fait son premier enregistrement en 1920 pour ne plus s’arrêter de le faire que ce soit en Algérie, à Paris et Berlin et ce jusqu’à sa mort, en 1986. Dans un autre registre, cheikh Hamada restera sans doute pour longtemps l’exemple édifiant de l’artiste racé et pratiquement paraître l’un des fondateurs du mouvement de raï. Ce genre qui, à partir des années 1920, représentait la culture bédouine traditionnelle et qui se jouait sur deux registres distincts. Le premier, célèbre la religion, l’amour et les valeurs morales lors des fêtes des saints des tribus, les mariages ou les circoncisions. Le second, irrévérencieux, parlant de l’alcool et des plaisirs de la chair est chanté essentiellement dans les souks et les tavernes. Ce mouvement musical apparu au début du siècle dernier dans l’Oranie et dont l’origine signifie «opinion», «avis» ou «point de vue», viendrait de l’époque où le cheikh (maître), à travers son melhoun, prodiguait sagesse et conseils sous forme de poésies chantées en dialecte local. Forme de complainte à travers laquelle le chanteur se plaint de ses propres malheurs sans vouloir accuser personne, et plus exactement, en s’adressant à sa propre faculté de discernement, à son raï qui, cédant aux sentiments, l’a conduit à prendre les mauvaises décisions. Le chant commence, donc, par cette complainte, Ya Raï (ô mon discernement). Formes qui sont à l’origine du raï moderne.
Cheikh Hamada sera aussi un maître pour les jeunes générations. Il recevra dans sa maison plusieurs artistes comme Maâzouz Bouadjadj, leur expliquant, parfois pendant de longues heures, une tonalité, une strophe, le sens caché d’un mot, d’un vers, d’une qasida. . De son côté, son éléve, cheikh Djillali Aïn- Tedlès assurera sa relève en se révélant plus tard le digne successeur de Hamada à la faveur d’une notoriété qui aura largement dépassé nos frontières. Lui aussi, il laissera des traces après sa disparition et ses nombreux adeptes épousent aujourd’hui et fidèlement son style particulièrement séduisant avec à la clé, l’innovation dont il fut l’œuvre et qui consiste à utiliser dans le rythme à imposer sur le galal la chevalière qu’il a toujours portée au doigt. Notons par ailleurs que pas loin de Blad Touahria d’où est natif cheikh Hamada et Aïn Tedlès, d’autres grands noms du chant bédoui ont eu la latitude de s’affirmer sur la scène culturelle à l’instar des "cheikh Bosquet" à Hadjadj, cheïkh Med El-Mamachi ainsi que son fils à Hassi-Mamèche, et puis El-Guebabi et Bendehiba El Bouguirati de Bouguirat, cheikh Abdellah Ould Laïd, Chigueur et tant d’autres.