Des metteurs en scènes, des critiques et des directeurs de théâtre sont unanimes à juger "insuffisante" la formation des comédiens issus du théâtre amateur et universitaire ou des diplômés de l’Institut supérieur des arts, du spectacle et de l’audiovisuel d’Alger (Ismas).
Ce constat vient en réaction à la récente décision du jury du 9e Festival national du théâtre professionnel (FNTP) qui s’est abstenu de décerner le Grand Prix du festival, faute de "niveau requis" des pièces en compétition.
Les membres du jury avaient jugé le travail présenté "inacceptable" de la part de théâtres régionaux, estimant que ces derniers avaient abusé de "chorégraphies et d’artifices techniques" au détriment du "corps du travail théâtral" à savoir le jeu des comédiens et la mise en scène. Pour Ahcen Assous, metteur en scène et directeur du Théâtre régional de Sidi Bel Abbes, l’absence d’une "formation académique" chez la nouvelle génération de comédiens, qui constitue près de "90%" des participants au FNTP, peut expliquer les "insuffisances" relevées par le jury.
Tout en appelant à ouvrir un "débat sérieux" sur la formation des "jeunes talents" et sur la pratique du théâtre en général, M. Assous estime qu’une comparaison entre le niveau du 4e art dans les années 1960/1970 et celui d’aujourd’hui "n’a pas lieu d’être". "Les pionniers du théâtre algérien (Mustapha Kateb, Ould Abderrahmane Kaki, etc.) ont reçu une formation solide dès les années 1940, ce qui leur a permis, à leur tour, de former d’autres comédiens et metteurs en scène après l’indépendance", rappelle M. Assous.
Il citera en exemple l’Institut national d’art dramatique et chorégraphique (actuel Ismas) crée en 1965 et qui a formé jusqu’en 1974 de grands comédiens du théâtre algérien sous la direction de feu Mustapha Kateb. Dans le même sillage, le directeur du TR Béjaïa, Omar Fetmouche, évoque "le manque de comédiens formés", une réalité à laquelle sont confrontés, selon lui, les metteurs en scène qui souhaitent monter des pièces.
Ainsi, M. Fetmouche préconise la création d’une "Académie" de formation des comédiens et de multiplier les écoles au niveau régional. Ces centres de formation devraient, selon le directeur du TR Béjaïa, s’accompagner d’une "introduction des arts dramatiques dans les écoles publiques" afin de diffuser l’histoire du théâtre algérien auprès des plus jeunes.
Résidences artistiques et formation aux autres métiers du théâtre
Le critique de théâtre, Ahmed Alaoui, recommande une "plus grande attention" à la formation aux autres métiers du 4e art, tels que les techniciens et les éclairagistes, pour pallier aux "insuffisances" relevées par le jury. Très sévère dans son appréciation des pièces présentées au FNTP dont il a jugé le niveau "proche du théâtre amateur", l’universitaire recommande, également, à la suite du jury, d’"organiser des présélections au niveau régional" pour garantir un "meilleur niveau" des futures pièces en compétition.
Proposant d’autres pistes pour la formation, le Directeur du Théâtre national algérien (TNA) et commissaire du FNTP, Mohamed Yahiaoui, a, pour sa part, jugé "nécessaire" de développer la coopération avec des spécialistes étrangers. Cette coopération pourrait, par exemple, prendre la forme d’"ateliers organisés régulièrement" pour les comédiens et les metteurs en scène du TNA, a proposé M Yahiaoui. Rappelant qu’à l’ouverture du festival, la ministre de la Culture, Nadia Labidi, avait affirmé sa volonté de "travailler à la création de nouvelles écoles de formation aux arts de la scène" dans les différentes régions d’Algérie.