La troupe espagnole Jako el Muzikante, star de la 5e soirée du Festival international du malouf, a fait voyager mercredi le public du théâtre régional de Constantine sur les traces de la musique savante, depuis la péninsule Ibérique, à Constantinople, en passant par le nord d’Afrique pour revenir en Andalousie.
Durant plus d’une heure le chanteur Xurxo Fernandes et sa troupe, composée de cinq musiciens, ont enflammé la scène aux rythmes d’une musique effrénée où luth, derbouka, contrebasse et
clarinette se côtoient, s’apprécient et se donnent la réplique dans une harmonie de cordes et une exaltation des sens qui confirment le caractère sans frontières de la musique.
La voix puissante et chaude de Fernandes chantait dans la langue ladino, une ancienne langue de la péninsule Ibérique, l’espoir, l’amour, et les choses de la vie, dans un genre musical appelé "aman-café", d’origines espagnoles, influencé par les musiques des pays qui constituaient le vaste empire ottoman, dans un spectacle séduisant que le public a longtemps applaudi.
Par moments, le rythme s’adoucit et le chanteur annonce une ancienne chanson bulgare sur le rythme du mouachah Lama bada yatathana, par d’autres chansons interprétées rappelant les rythmes des chansons populaires de l’Europe de l’est.
"Mon répertoire est le résultat de longues années de recherches en Espagne, en Bulgarie et en Turquie pour déterrer un héritage commun, une musique adoptée et appréciée par plusieurs peuples", dira Xurxo Fernandes dans les coulisses. La première partie de la soirée a été animée par les membres de l’association El Maghdiria de Mascara, lauréate du deuxième prix du Festival national du malouf qui s’était déroulé en juillet dernier.
Sous la houlette de l’enseignant et chef d’orchestre, Boudjellal Ouazar, les quinze membres de cette association, dont six jeunes filles, ont interprété avec beaucoup de maîtrise et de talent une nouba sur le mode rasd dhil, un délicieux istikhbar et un mçader, dans la pure tradition du malouf constantinois. Les jeunes de Maghdiria ont offert au public, entre les mélodies, de magnifiques moments solos de flûte et de luth. Baptisée au nom du grand artiste Benali Maghdir, enfant de Mascara, parolier, compositeur et interprète dont les paroles et la musique ont été chantées par de grands noms de la musique algérienne, l’association œuvre, selon M. Ouazar, à "sauvegarder la musique andalouse dans toutes ses variétés".
Avec ses 60 élèves dont la moyenne d’âge ne dépasse pas les 14 ans, répartis sur trois classes, l’association Maghdiria s’est initiée à la Sanaâ en interprétant huit noubas de cette musique algéroise, a interprété la malouf constantinois et projette de s’initier au gharnatia de Tlemcen, précise son président.
Un hommage posthume rendu, au cours de cette soirée, à Abdelhamid Belebdjaoui (1914-1978), une icône de la musique malouf, considéré comme l’un des meilleurs joueurs de tar, à son époque. La septième édition du Festival international du malouf a été ouverte samedi dernier et se poursuivra jusqu’au 4 octobre, sous le slogan "Le malouf, une pulsation dans le monde", avec la participation d’artistes venus de huit pays.