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Ahmed Wahbi, le chantre de l’oranité
4 Septembre 2010

Ahmed Wahbi, de son vrai nom Ahmed Driche Tedjini, a toujours incarné l’archétype du musicien classique même si son nom est lié au renouveau de la musique chaâbie dont il est l’un des rénovateurs.
Cet interprète et auteur-compositeur est à l’origine, avec Blaoui Houari, du genre asri (moderne) apparu à Oran dans les années 40. Né à Marseille en 1921, il est mort à Alger en 1993. Il est de père algérien et de mère italo-française. Son père, qu’il ne connaîtra jamais, fut le chanteur Dader, qui faisait partie du groupe S’hab El Baroud ou Banda Zahouaniya. On se souvient de ce groupe qui évoluait près du café Bendouma et qui avait son rival au quartier Sidi Blal, habité par des Noirs. Wahbi devint orphelin à l’âge de 4 mois, et fut donc élevé par ses grands-parents et sa sœur aînée à  Mdina Jdida. Les photos qu’on a de lui le représentent presque toujours avec sa moustache fine, le costume cravate de rigueur et des lunettes d’écaille dégageant l’allure d’un chanteur égyptien des années 40 et 50. La musique d’Ahmed Wahbi est une synthèse entre la musique orientale et les rythmes agrestes de la poésie populaire algérienne. Profondément marqué par Mohamed Abdelwahab à qui il empruntera son nom d’artiste « Wahbi », Ahmed aurait été le premier artiste algérien à user du luth, instrument emblématique de la musique orientale. Pendant la période coloniale, il se produisait devant le public algérien toujours muni de cet instrument. Il est venu à la chanson par le biais des Scouts musulmans d’Oran qu’il intégra dans les 1930, alors enfant. Au sein du scoutisme, il côtoya Hamou Boutlélis et Kada Mazouni qui étaient, autant que lui, membres de la troupe En-Najah. Il avait animé des veillées dans la forêt de Misserguine en reprenant avec un succès fulgurant les morceaux d’Abdelwahab. Quand éclata la Seconde Guerre mondiale, il se retrouva soldat sur les fronts de Tunisie, du Rhin et du Danube. En 1942, il dut mettre à profit son tour de permission pour venir participer à un concert à l’Opéra d’Oran sous la direction de l’orchestre de Blaoui Houari. Il participa avec la chanson Nadati qalbi de Mohamed Abdelwahab. Il dut ensuite faire un séjour de dix ans à Paris (de 1947 à 1957) avant de s’installer à Tunis où il lance la troupe musicale du FLN. C’est l’époque où il mena une activité de propagande en faveur de la Révolution algérienne. Dans les années 50, il devient maître du gharbi, caracolant avec des titres sublimes tels que Aâlache Tloumouni, Ya twil regba et Wahran, Wahran, dont certaines seront reprises par Khaled. C’est indubitablement Wahran, Wahran, une chanson qui traite de l’exil, enregistrée chez Pathé-Marconi en 1950, qui le propulse au sommet de la gloire. Wahran Wahran évoque, du reste, le souvenir du père de l’artiste Dader sur une note de nostalgie poignante : « Tu pars en pure perte/Les gens valeureux t’ont quitté/Mais l’exil est dur et traître ». En outre, il ne faut pas perdre de vue qu’en fait, à l’instar de beaucoup d’artistes de son époque, l’essentiel de l’œuvre de Wahbi fut réalisée en exil, à Paris. À l’Indépendance, l’artiste regagnera la capitale de l’Ouest mais il dut la quitter à deux reprises, la première fois en 1965 pour aller s’établir à Paris jusqu’en 1967 et la seconde fois en 1969 pour aller au Maroc jusqu’en 1971. Ahmed Wahbi a construit en grande partie son originalité en jouant de l’oriental pour exprimer l’identité oranaise ou ce qu’il convient d’appeler l’oranité. Cette identité s’exprime à travers la mise en musique du corpus poétique légué par les grands bardes oranais et marocains du XVIIIe siècle, voire d’avant. Il chanta ainsi «Bakhta» d’Abdelkader El-Khaldi, et d’autres textes de Mostefa Benbrahim, Cheïkh Saïd et Cheikh Benkablia. A son retour à Oran, il occupa le poste de directeur de la direction musicale du Théâtre régional d’Oran.
L. G.


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