Depuis plus de dix ans les sites sur la Toile, consacrés à la culture algérienne, ne cessent de croître. Des sites créés par des organismes ou par de simple individus dans le seul but de participer à promouvoir le patrimoine algérien ou ouvrir un espace de débats pour tenter de combler les lacunes dans les différents domaines de la culture, cela en posant diverses questions ou en proposant des éléments de réponse.
Cultures-algerie.wifeo.com est le nouveau-né, ouvert à tous, crée par Ahmed Chenik, professeur universitaire, journaliste, spécialiste du théâtre en Algérie et au Maghreb, écrivain auteur de nombreux ouvrages.
Le site, encore en construction, propose déjà plusieurs thèmes, à l’instar d’un bilan sur l’université, de la situation du cinéma et du théâtre en Algérie… Ces divers thèmes sont abordés scientifiquement par des spécialistes, ou de manière informative par des journalistes spécialistes du monde culturel.
Dans un article de présentation, faisant office d’éditorial, Ahmed Cheniki explique les motivations l’ayant poussé à créer ce site car il devrait être pour lui « lucarne pouvant permettre à ceux s’intéressant à la culture algérienne de participer à une sorte de remise à flots de certains pans de notre mémoire, aujourd’hui, en perdition. La mémoire est le lieu idéal de l’ineffable, de l’éternelle présence d’une obsédante subjectivité fournissant à l’historien sa substantifique moelle. Nous partirons des jeux de la mémoire pour atteindre une Histoire possible, faite, malheureusement de trop de failles et d’oublis que, paradoxalement l’œuvre d’art réussit à combler».
Avec ce nouveau site, Ahmed Cheniki aspire donc à ouvrir une grande plateforme de débats pour permettre «d’interroger un certain nombre de formes culturelles et de questionner les conditions d’émergence de ces nouvelles disciplines culturelles (théâtre, cinéma, roman, arts plastiques, bande-dessinée et journalisme) »
A travers ce site, les objectifs assignés sont larges et d’une immense importance pour le devenir de la culture dans notre pays. Car de prime abord ce site commence à devenir un véritable fonds d’archives car nous y trouverons ainsi des pièces de théâtre, scénarii, casettes audio et vidéo… En effet pour l’académicien Ahmed Cheniki ce « projet permettra la constitution d’un fonds documentaire regroupant des documents écrits, sonores et audiovisuels relatifs à l’expression théâtrale. Jamais, depuis les indépendances maghrébines, un tel travail n’a été entrepris. Ce qui rendrait peut-être le travail quelque peu ardu, mais aiderait à comprendre la genèse, les conditions d’adoption et l’évolution d’un art qui, désormais, a droit de cité dans les trois pays maghrébins.»
Ce site relève de la plus grande importance surtout pour les étudiants chercheurs en poste de graduation. Car ils y trouveront des entretiens inédits réalisés par Ahmed Cheniki avec de grandes figures de la culture, à l’instar de Mahieddine Bachetarzi, Kateb Yacine, Abdelkader Alloula, Slimane Benaissa, Mohamed Tayeb Dehimi, Rachid Mimouni, René Gallissot, Leila Marouane, ou encore Sid-Ahmed Agoumi.
Des entretiens qui étonnent de par les différents thèmes abordés, mais surtout des déclarations de ces auteurs. Ainsi nous trouverons la déclaration étonnante de Mahieddine Bachtarzi concernant les foires populaires du théâtre (le goual, la halqa, le mouqallid, le meddah…) en disant que « Le goual (le diseur ou conteur), le meddah ne sont pas des formes théâtrales. C’est le conteur. En Europe également, existaient des personnes qui racontaient des histoires, des contes. C’est exactement la même chose chez nous. Le goual connaît une histoire et la raconte dans les cafés et les souks. Le goual se trouve à Oran. Il n’y a pas eu tellement de gouals dans l’Algérois. Le goual n’a rien à voir avec le théâtre. (…) Je dis que les formes traditionnelles ne sont pas du théâtre. Nous avions appris le théâtre durant la colonisation. Au début, il y avait de belles performances. Mais par la suite, il y a eu stagnation. Comme aujourd’hui. Pourquoi n’a-t-il pas trouvé sa voie ? Dans mes mémoires, tome 2, j’ai cité un ancien ministre tunisien qui avait répondu à une question relative à la crise du théâtre tunisien, il avait dit que pendant la colonisation, les comédiens se considéraient comme des militants. Cette remarque est également valable pour l’Algérie. Allalou et Ksentini avaient opté pour une voie claire : la critique des vices de la société. C’est l’éducation du peuple. Ksentini critiquait le public algérien et plus particulièrement algérois. C’est cette voie que j’ai empruntée. Je n’ai commencé à écrire qu’en 1932.
En Algérie, le public savait que les comédiens pouvaient dire les choses crûment. On jouait donc avec les mots. On dit un mot, le public le comprend autrement. J’ai écrit le tome 2 pour faire comprendre aux jeunes ce qui se passait à l’époque. J’ai cité des journaux dirigés par des colons. A l’époque, ces journaux nous regardaient souvent avec mépris. Pour eux, notre théâtre faisait uniquement rire. En 1928, je chantais. Rachid Ksentini ne voulait pas se mêler de politique. Il craignait d’être interdit de scène. Alors, il critiquait nos façons de vivre, nos défauts, nos vices. »
K. H.