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entretien Avec le chanteur Boudji World Music
«Le bon chanteur, c’est celui qui conquiert le public étranger»
26 Décembre 2009

Boudji World Music, de son vrai nom Boudjemaâ Zennouche, quoiqu’on le surnomme «l’homme international», nous livre ici ses impressions après une tournée de près de 2 mois à travers le pays. Il évoque aussi les différents concerts qu’il a donnés en Europe. Il n’hésite pas aussi à nous communiquer son ambition d’aller tenter l’année prochaine sa chance en Amérique.

Midi libre : Avant tout, une question classique. Qui est Boudji World Music ?
Boudji World Music : Boudji World Music est un artiste algérien qui vit en France depuis plus de dix ans. Boudji parle et chante en quatre langues, tamazight, arabe, française et anglaise, et il envisage de chanter en espagnol et en italien. Boudji Wold Music est là en Algérie depuis le 29 Octobre 2009 pour une tournée à travers le territoire national. J’ai donné mon premier concert à Béjaia. C’était le 5 novembre. Le second à Mostaganem (19 novembre). Sur invitation j’ai participé au festival de la chanson kabyle à Béjaia entre le 3 ou 8 décembre. Je me suis produit dans plusieurs localités comme Seddouk. Le 17 décembre j’ai fait Bouira, également sur invitation. Enfin, j’ai pris part au festival de la chanson amazigh à Tamanrasset le 22 décembre. J’ai chanté également en Europe. Je pense que le vrai chanteur est celui qui essaye d’avoir une stature internationale afin de se surpasser et de casser le tabou de la langue, lequel tabou maintient les chanteurs kabyles arc-boutés sur leur petite région.

La première question qui vient à l’esprit est de savoir pourquoi tu as choisi comme nom d’artiste "Boudji" ?
Boudji est le diminutif de Boudjemaâ qui est mon véritable prénom. Il est plus facile à prononcer et puis il évoque la «bougie», qui éclaire. Pour qu’il puisse aller de l’avant, le monde a besoin d’être illuminé par la musique. Pour moi, la musique représente la lumière du monde. Je trouve ce nom original. D’ailleurs je le ressens à chaque fois que j’entends une personne le prononcer.

Est-ce la première fois que tu viens en Algérie pour participer à des festivals locaux ?
Non, je suis ici pour la quatrième fois. J’ai beaucoup chanté en Algérie du temps où je faisais mes études, avant de m’installer en France. À l’époque, mes amis m’ont surnommé «l’homme international» parce que je chantais dans diverses langues. Je me souviens que j’ai fait, et ce, à deux reprises, un tabac dans les campus. J’avais interprété deux chansons : «Je le sais, je le sais» et une autre en hommage à Mouloud Mammeri. Par la suite, j’ai pu sortir mon premier album chez «Bout de la rue». Il est le fruit de cinq ans de travail. Il comprend 11 chansons dont une qui s’intitule «A yemma» Cet album est arrivé en Algérie en février 2008. Actuellement, je tente de lui assurer la promotion à la faveur des concerts que je suis en train de donner dans plusieurs régions de pays.

Fais-tu tout seul tes chansons ou recours-tu à des paroliers et musiciens ?
Non, c’est moi qui fais les paroles et la musique. J’ai publié des textes dans plusieurs recueils collectifs de poésie. Ma poésie ne se limite pas à un seul sujet. J’aborde les thèmes de la paix, de l’amour, de la nostalgie, de la souffrance, de la guerre et de la misère. Actuellement, je prépare une traduction de quelques chansons vers d’autres langues dont « Rayen Eray » du groupe et la célèbre « Yazina » que je veux chanter en kabyle. Il y aussi la chanson du « déserteur » que je projette de traduire en allemand.

Tu es aussi écrivain, je crois…
Oui. J’ai écrit un livre intitulé «La raison d’exister» qui a paru en 2007 aux éditions Le Beau de la rue à Paris. J’ai publié aussi comme je te l’ai dit des poèmes dans un recueil qui a réuni la poésie de 35 auteurs issus de différents pays sous le titre «Le recueil des poètes» J’ai été le seul Algérien qui ait pu s’y exprimer à côté des Belges, des Flamands, des  Français et des Africains. Je prépare également la traduction d’un livre de l’anglais vers le français, je compte le finir en 2010. C’est un ouvrage de Shirimane Synka, une militante américaine des droits de l’Homme, artiste et syndicaliste qui est décédée en 2001. Une fois fini, j’irai chanter aux USA pour lui rendre hommage.

Même si tu chantes le moderne, on sent chez toi la touche berbère folklorique et traditionnelle, comment expliques-tu ça ?
Sincèrement, je suis très friand de musique folklorique. Notamment des chants de femmes kabyles que celles-ci fredonnent dans les champs d’oliviers ou durant les fêtes comme les mariages. J’ai toujours voulu revivre ces chants. J’ai opté pour le moderne afin de pouvoir m’approprier les styles occidentaux qui restent la seule voie pour justement atteindre leur public. Je veux être écouté non seulement en Kabylie ou en Algérie mais également en Europe à l’opposé de certains qui restent confinés dans le cercle algéro-algérien. En musique, il faut prendre le taureau par les cornes. Le bon chanteur c’est celui qui conquiert le public étranger. J’ai fait salle comble en Allemagne et j’en suis très fier.

Que penses-tu du public algérien ?
Le public algérien est merveilleux. Mais, chez nous, il y a un problème à trois niveaux. D’abord au niveau des éditeurs. Ceux-ci doivent traiter les artistes d’une manière équitable et professionnelle. Le ministère de la culture a une grande responsabilité là-dessus. Chez nous, n’importe qui et notamment les commerçants peuvent devenir éditeurs. Je pense que cela doit être soumis à un minimum de normes. Les éditeurs doivent avoir un minimum de formation dans le domaine. Au niveau des médias aussi car ceux-ci doivent faire un effort pour révéler les jeunes talents et les faire connaître aux lecteurs. Enfin au niveau du gouvernement. Le département en charge de la Culture se doit de superviser afin de dénicher les jeunes talents ainsi que d’en faire le recensement. A cet effet il faut faciliter aux jeunes l’accès aux différents festivals. Malheureusement, chez nous, ce sont les mêmes têtes qui apparaissent. Notre public est merveilleux mais il est conditionné par le marché. Je suis sûr, si l’occasion lui est offerte d’écouter un nouveau chanteur, il le fera. Il faut garantir la disponibilité et la variété des productions musicales au niveau du marché culturel comme on le fait pour les denrées alimentaires au niveau du marché économique. Cela reste valable pour l’art sous toutes ses formes. L’artiste est l’éclaireur de la société. L’art et la culture sont ses poumons.

Aurais-tu des projets pour l’année 2010 ?
Evidemment. Je prépare deux nouveaux albums dont un spécial fête kabyle sur une musique moderne. L’autre est composé de morceaux mixés avec plusieurs styles musicaux (moderne, folklore, jazz et bien d’autres).

Tes sentiments après la tournée ?
Je suis très heureux  d’être ici et de chanter en Algérie. Je suis satisfait puisque j’ai un public comme les autres artistes. J’avais été agréablement surpris de voir que le public connaissait mes chansons. Cela s’est produit même à Mostaganem, où pourtant j’ai chanté en kabyle.

Une dernière question : quelle est la recette pour obtenir les cheveux frisés que tu as ?
Cela, je le garde pour moi. C’est top secret (Rires).    

Par : Yazid Boulaouche

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